Intervention de Yannick Bodin

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Libertés et responsabilités locales — Adoption des conclusions du rapport d'une commission tendant à ne pas adopter une proposition de loi

Photo de Yannick BodinYannick Bodin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai, pour ma part, par rappeler l'histoire récente de l'évolution des pratiques de financement de l'enseignement en France, afin de mieux mesurer ensuite l'impact politique de cet article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Une première période démarre dès après les grandes lois scolaires de 1881 et 1882. Pendant de nombreuses années, un slogan dominait le débat idéologique : « Argent public, école publique ; argent privé, école privée ».

Après plusieurs années de troubles, dues essentiellement à l'hostilité de Rome à l'égard de la République et son combat mené contre la loi de 1905, l'existence des nombreux établissements privés, confessionnels ou non, n'est plus remise en question, et la liberté de l'enseignement est garantie par les lois de la République. Le combat laïc porte alors sur la question du financement de ces établissements.

À partir de 1945, cette question fait l'objet de nombreux débats publics qui aboutiront à loi de Debré en 1959. L'article 1er de cette loi rappelle que la création d'un enseignement public est un devoir de l'État, puis il définit et organise les rapports entre l'État et les établissements privés. Pour les établissements sous contrat d'association, l'enseignement est alors aligné sur celui des écoles publiques et, en contrepartie, l'État assure les dépenses de fonctionnement sur les mêmes bases que les établissements publics.

Cette loi a connu à l'époque, et à juste titre, une forte opposition. Elle a d'ailleurs également soulevé l'opposition de la hiérarchie catholique, qui voyait remise en cause son indépendance en matière d'enseignement.

Une longue période de paix scolaire et d'apaisement politique va pourtant s'installer ensuite. Il y aura même, pendant les gouvernements de François Mitterrand, des accords d'apaisement supplémentaires, signés entre l'éducation nationale et la direction de l'enseignement catholique. Souvenons-nous des accords Lang-Coupé !

Mais l'équilibre est fragile.

Si, en 1984, le projet de loi Savary d'un « grand service unifié et laïque d'Éducation nationale » n'aboutit pas, en 1993 la proposition par un gouvernement de droite de réformer la loi Falloux a été combattue et enterrée.

Aujourd'hui, les convictions demeurent, mais un modus vivendi semble avoir été trouvé.

Pour preuve, les initiatives prises par les communes et ensuite les départements et les régions, de gauche comme de droite, grâce aux lois de décentralisation, sont bien souvent étendues à l'ensemble des collèges et des lycées publics et privés. Je prendrai pour exemple la gratuité des livres, l'équipement des élèves de l'enseignement professionnel, l'aide à la cantine, les projets éducatifs, les bourses aux élèves ou encore le partenariat dans l'élaboration des schémas de formation.

Pourquoi faut-il alors qu'un article de la loi du 13 août 2004 remette en cause ce fragile équilibre ? Bref, pourquoi ouvrir à nouveau la boîte de Pandore ?

L'auteur de l'article 89, que je salue, a sans doute cru bien faire. L'objet de l'article 89, en étendant le principe de la contribution aux cas de scolarisation dans le privé, était d'éviter que les maires de certaines communes n'encouragent les parents à envoyer leurs enfants vers des écoles privées de communes voisines, plutôt que vers leurs écoles publiques ou celles de communes voisines, afin d'éviter toute charge financière à leur municipalité.

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