Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos collègues socialistes veulent abroger un texte issu de leurs rangs, texte qu'ils accusent de remettre en cause la laïcité. On connaît tous l'adage : « Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ».
C'est ainsi que le groupe socialiste a déposé sa proposition de loi tendant à abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004, au motif qu'il remettrait en cause la laïcité. Permettez-moi brièvement de rappeler le fondement de cet article.
L'article 89 pose le principe d'une participation de chaque commune aux frais d'accueil de ses enfants scolarisés dans les écoles privées sous contrat des communes voisines. Quelle est sa justification ? Lorsqu'il avait déposé son amendement à l'origine de cet article, notre collègue Michel Charasse l'avait clairement expliqué : il s'agissait d'empêcher que certains maires ne se défaussent sur les communes voisines de leurs obligations financières.
Pour que notre collègue Michel Charasse ait proposé que les communes subventionnent des établissements privés, c'est que la laïcité n'était vraiment pas menacée ! Elle semblait même tellement peu menacée que chacun a validé cet amendement, directement ou non : le gouvernement de l'époque en le soutenant, le Parlement en le votant, le Conseil constitutionnel en le validant, et même nos collègues socialistes en déposant devant le Conseil constitutionnel un recours contre la loi du 13 août 2004, mais pas contre son article 89 ! Et si le caractère attentatoire à la laïcité de cet article avait échappé à la scrupuleuse vigilance de nos collègues socialistes, le Conseil constitutionnel n'aurait pas manqué d'y suppléer. Comme vous le savez, il n'en a pas jugé ainsi.
Et voilà que, plus de trois ans après, les auteurs de la proposition de loi découvrent que l'article 89 constitue une remise en cause du principe de laïcité, sous le prétexte qu'il imposerait aux communes de participer aux dépenses de fonctionnement des écoles privées. Comme si cette disposition était illégitime ! Comme si elle remontait à la loi du 13 août 2004 ! Comme si elle n'avait pas été introduite par la loi Debré du 31 décembre 1959, qui - faut-il le rappeler ? - a posé le principe de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé !
Mes chers collègues, vous l'aviez tous compris dès 2004, il s'agissait d'assurer que les conditions de prise en charge des frais d'enseignement de nos enfants répondent à un principe de justice, sans discrimination entre les différents établissements dès lors qu'ils assurent tous la même mission publique d'enseignement.
De façon générale, nos collègues socialistes font semblant d'avoir oublié un certain nombre d'évidences que je dois faire semblant de leur rappeler.
Les écoles privées sont sous contrat d'association avec l'État pour l'immense majorité d'entre elles. Les instituteurs ou professeurs qui y enseignent sont des agents publics. Leur rémunération est prise en charge par l'État. Les établissements sous contrat sont tenus de fournir aux élèves un enseignement dont les programmes sont définis par l'État, ce qui justifie ce financement public.
J'observe que l'application de cette loi n'a donné lieu, à ce jour, qu'à un nombre très faible de cas litigieux : 19 sur 5 147 écoles privées sous contrat, soit 4 pour 1 000... Si vraiment cette loi était attentatoire à la laïcité, nous serions bien au-dessus ! Ces litiges doivent aboutir à une solution convenable pour l'ensemble des parties, mais ils ne peuvent justifier que le Parlement légifère de nouveau.
Je rappelle, comme l'a fait avant moi le rapporteur, que c'est pour des motifs de pure forme que la circulaire du 2 décembre 2005 avait été annulée, et c'est bien pourquoi celle du 27 août 2007 reprend le même contenu.
Je rappelle que ce texte privilégie la voie du dialogue entre les collectivités et qu'il revient au représentant de l'État de rechercher un accord entre les communes concernées.
Je rappelle que c'est la voie qu'avait suivie l'Association des maires de France, l'AMF, en engageant avec les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur, et avec l'enseignement catholique les négociations qui ont abouti au compromis de mai 2006.
Je rappelle que le président de l'AMF a confirmé cette démarche en novembre dernier à l'Assemblée nationale, en déclarant : « Le dispositif mis en place est clair et équitable, c'est pourquoi ma démarche est celle de l'apaisement. Ne ranimons donc pas, chers collègues, une polémique dépassée ! » C'est évidemment la voix de la sagesse. Je regrette que, pour des motifs bassement politiciens, elle n'ait pas résonné jusqu'aux travées socialistes.