Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Libertés et responsabilités locales — Adoption des conclusions du rapport d'une commission tendant à ne pas adopter une proposition de loi

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Pourtant, je rappelle que, avant l'adoption de l'article 89, rien n'interdisait à un maire qui le souhaitait de prendre en charge ce type de coût, avec l'accord de son conseil municipal. L'article 89 - c'est la principale différence - rend ce financement obligatoire, sans aucune concertation entre le maire et les parents.

Que l'on ne m'oppose pas ici l'argument du libre choix ! En effet, le libre choix, c'est celui de donner le droit à chaque enfant de pouvoir accéder à une école laïque, gratuite, de proximité, sur tout le territoire. Autre chose est la décision souveraine de parents de faire le choix, parfaitement respectable, de l'école privée.

Parler de libre choix, ce serait aussi parler de règles partagées par tous les établissements. Or, je l'ai déjà dit, les établissements privés ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que l'école publique. Quid, dès lors, de la laïcité fondatrice de l'école de la République ?

Et permettez-moi de dire, après d'autres, que, sur ce sujet, les récentes déclarations du chef de l'État à Rome et à Riyad avivent mes craintes.

Quelle est donc la meilleure solution ? Certainement pas le statu quo que vous proposez, monsieur le rapporteur, en prétextant que la nouvelle circulaire du 27 août 2007, signée conjointement par les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur, aurait tout réglé, apaisant la situation...

Ce n'est pas l'avis de très nombreux maires, de gauche comme de droite. C'est le cas, notamment, dans mon département, les Hauts-de-Seine. Je crois savoir que c'est également le cas en Dordogne, votre département, monsieur le ministre, où la position de l'Association des maires ruraux de France, l'AMRF, est partagée. L'AMRF, qui a déposé un recours devant le Conseil d'État après la publication de la deuxième circulaire, appelle toujours les maires ruraux à ne pas payer les factures qui leur seront présentées par les écoles privées.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, le nombre de contentieux est faible. Et pour cause : les factures ne sont pas encore arrivées ! En revanche, à ma connaissance, les délibérations de conseils municipaux qui refusent de payer se comptent par centaines.

Permettez-moi aussi de reprendre, monsieur le rapporteur, un argument que vous avez avancé en commission des affaires culturelles, et selon lequel un « compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré » aurait été trouvé.

Faites-vous référence à la rencontre du 16 mai 2006 entre le secrétaire général de l'enseignement catholique et le président de l'Association des maires de France, menée sous le patronage de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur ? Le relevé de conclusions de cette rencontre précise que le financement prévu à l'article 89 est rendu obligatoire si la commune de résidence est, aux termes du paragraphe 3 de ce relevé, « dépourvue de capacité d'accueil dans ses établissements scolaires ».

Dans le cas inverse, c'est le flou, car les deux parties précitées n'ont tout simplement pas trouvé de compromis, des divergences d'interprétation étant apparues.

On est donc loin d'un compromis, d'un cadre juridiquement fondé, d'un équilibre politique, d'un climat apaisé et d'une situation dans laquelle il serait urgent d'attendre. La question est loin d'être réglée et notre travail d'aujourd'hui est, de mon point de vue, parfaitement fondé.

À mon sens, l'abrogation de l'article 89 est la seule voie de sagesse pour l'instant, a fortiori si nous nous dirigeons vers le modèle d'école décrit par la commission Attali dans son rapport : une école sans carte scolaire, transformée en « supermarché », pour laquelle les parents disposeront d'un chèque-école utilisable dans tous les établissements, publics comme privés sous contrat d'association.

La généralisation du principe d'autonomie des établissements fixé par le Président de la République dans sa lettre de mission, repris par la commission Attali et, ce matin même, par la commission Pochard, associée à la suppression de la carte scolaire prend alors tout son sens et explique votre dérobade sur l'article 89.

Cette mesure prend sa place, en réalité, dans un tout cohérent qui n'aura plus grand-chose à voir avec notre école publique gratuite, laïque, d'égal accès pour tous et toutes sur le territoire. Il s'agit d'installer l'école dans une autre société, celle du chacun pour soi.

J'achèverai mon propos en réaffirmant que les sénateurs du groupe CRC partagent la préoccupation des milliers d'élus locaux opposés à la mise en oeuvre de l'article 89. C'est la raison pour laquelle ils soutiendront son abrogation. §

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