Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Libertés et responsabilités locales — Adoption des conclusions du rapport d'une commission tendant à ne pas adopter une proposition de loi

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

C'est tout de même « abracadabrantesque », comme aurait dit quelqu'un !

En clair, le maire de la commune de résidence peut être aujourd'hui tenu de financer l'école privée qui menace le maintien de son école publique qu'il a, par ailleurs, obligation de maintenir. Bref, on marche sur la tête !

Le législateur, dans sa sagesse, ne s'y est d'ailleurs pas trompé en veillant, dans le texte même du code de l'éducation, à ce que le financement de la scolarisation d'un enfant dans l'école publique d'une commune autre que celle de sa résidence soit parfaitement encadré.

C'est ainsi que, dans le souci d'éviter l'effet paradoxal que j'évoquais précédemment, l'article L. 212-8 du code de l'éducation prévoit que la commune de résidence n'est tenue de participer au financement de la scolarisation d'un de ses enfants dans l'école publique d'une autre commune que dans le cas où cette scolarité est liée aux obligations professionnelles des parents et où leur commune de résidence n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants, dans le cas où il y a déjà inscription d'un frère ou d'une soeur dans l'établissement scolaire extérieur, ou encore pour des raisons médicales, ce qui a été également rappelé par d'autres intervenants.

la solution équitable, la seule qui préserverait le libre choix des parents entre le public et le privé sans faire payer deux fois la commune de résidence, une fois pour l'école publique qu'elle est tenue de proposer et une seconde fois pour l'école privée qui viendrait concurrencer son école publique, c'est d'appliquer ces mêmes critères.

C'est d'ailleurs ce que prévoit l'accord conclu en mai 2006 entre l'Association des maires de France, le secrétariat général de l'enseignement catholique et les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale.

Selon cet accord - mais ce n'est qu'un accord, et non pas une loi -, les communes qui peuvent accueillir l'élève dans leur école publique n'ont pas l'obligation de participer au financement de la scolarisation d'un élève dans une école privée extérieure, sauf si l'inscription de cet élève dans une école extérieure a d'abord donné lieu à un accord du maire et est justifiée par l'un des trois cas dérogatoires que j'ai mentionnés - frère ou soeur déjà scolarisés dans cette commune extérieure, raisons de santé, ou activité professionnelle des parents lorsque la commune de résidence n'offre pas de service de garderie ou de cantine.

C'est clair, sauf que ce n'est pas ce que dit l'article 89 actuellement en vigueur et que si le refus d'un maire de financer la scolarisation d'un enfant de sa commune dans un établissement privé extérieur se réfère aux exceptions prévues par cet accord, ce refus ne résistera pas, en cas de contentieux, au verdict de la juridiction administrative, qui constatera inévitablement que ces exceptions ne sont pas prévues par la loi pour l'enseignement privé. Sur ce point, je ne partage donc pas l'optimisme tranquille et qui se veut rassurant de notre rapporteur Jean-Claude Carle.

Voilà pourquoi je pense que, pour régler définitivement et équitablement ce problème, il faut inscrire dans la loi le compromis raisonnable et de bon sens qu'ont su conclure, en mai 2006, les représentants des maires, de l'enseignement catholique et des ministères concernés.

La proposition de loi que j'ai déposée en mars 2006, avant la conclusion de cet accord, va dans ce sens. Elle n'est certainement pas parfaite, elle nécessite sans doute des aménagements, notamment pour tenir compte du fait que l'école privée participe à l'offre scolaire dans la commune où elle est implantée, au même titre que l'école publique de ladite commune, et que, en l'occurrence, le financement communal doit être bien évidemment le même quelle que soit l'école fréquentée.

En tout état de cause, c'est en rétablissant explicitement l'équité, comme ma proposition de loi le prévoit, que nous éviterons la situation contestable et contestée dans laquelle nous sommes.

J'espère donc bien que, dans les prochains mois, nous pourrons, sur cette base, régler définitivement la question du financement, par la commune de résidence, de la scolarisation d'un enfant dans une école privée extérieure à cette commune. À moins bien sûr que, comme notre rapporteur l'espère, le Conseil d'État ne confirme entre-temps l'interprétation qu'il a cru pouvoir donner au texte actuel de l'article 89.

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