Nous sommes conduits ces jours-ci à réfléchir à l’élaboration de la loi et aux modalités du travail législatif : hier la réforme du règlement du Sénat, bientôt la problématique des lois obsolètes, aujourd’hui ce débat sur le bilan de l’application des lois.
Je souhaiterais pour ma part revenir sur un point : de quelle loi parle-t-on ? Les ordonnances sont en effet de plus en plus nombreuses et les ratifications de plus en plus rares ; ainsi le pouvoir exécutif empiète-t-il toujours davantage sur le pouvoir législatif.
Certes, monsieur le ministre, la Constitution de 1958 a œuvré à l’extension du pouvoir réglementaire, notamment en le rendant autonome. Il reste qu’il appartient au pouvoir en place de veiller à l’équilibre des pouvoirs.
Il n’y a qu’à voir les projets de loi de gestion de la crise sanitaire : ce sont pas moins de 92 ordonnances qui ont été prises dans ce cadre, sur des sujets aussi variés qu’importants, et aucune ratification n’a été soumise au Parlement. Et ce n’est qu’un exemple : la tendance s’est peut-être un peu accentuée, mais elle ne fait, année après année, que se confirmer.
Dans une décision rendue le 28 mai 2020, le Conseil constitutionnel a spécifié en des termes inédits qu’une ordonnance qui n’aurait pas été ratifiée par le Parlement pourrait avoir rétroactivement force de loi une fois passé le délai d’habilitation. Autrement dit, passé leur date limite, les ordonnances doivent être considérées comme des dispositions législatives. Il ne faudrait pas que laisser traîner pour éviter le débat démocratique devienne une règle là où il s’agit de légiférer.
Ayant entendu les premières réponses que vous avez faites, monsieur le ministre, j’ajoute qu’il ne faudrait pas non plus donner le sentiment que la démocratie n’est qu’une question de ratios horaires et que le temps du travail et du débat législatifs représente une perte d’efficacité.
Je souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur cette décision, en espérant que celle-ci n’ait pas déjà été intégrée à la jurisprudence en matière de procédure législative.