Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de cette invitation et de l’occasion qui m’est donnée d’échanger avec vous sur le Pacte vert européen, dont l’importance est primordiale pour la transition écologique.
Je souhaite rappeler que le Pacte vert doit beaucoup à la volonté forte de la France d’accélérer la transition écologique en Europe. Comme le Président de la République l’indiquait dès 2017 dans son discours de la Sorbonne, nous avons fait de cette volonté une boussole politique. À cette occasion, il avait notamment souligné que « l’Europe devait être à l’avant-garde d’une transition écologique efficace et équitable », et qu’il fallait pour cela « accompagner les territoires qui pourraient souffrir de ces changements ».
Le Pacte vert, présenté en décembre 2019 par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, reprend cette vision, systémique, d’une transition juste pour l’Europe, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 tout en rendant durables les politiques publiques européennes.
Il suit un principe essentiel : concevoir une action publique qui ne nuise pas à l’environnement et au climat, mais qui soit acceptable pour tous. Ce principe s’applique aussi bien à la politique énergétique qu’à la politique industrielle ou à nos politiques commerciales.
Le Pacte vert reprend également de nombreuses propositions françaises auxquelles le Gouvernement est très attaché, comme la réforme du marché carbone européen, la mise en place, en parallèle, d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ou encore la création d’un fonds de transition juste pour accompagner les territoires affectés par la transition écologique. J’y reviendrai plus en détail.
J’estime que nous, Français, avons une responsabilité particulière dans la mise en œuvre de ce pacte, que nous avons voulu, en partie inspiré et continuellement soutenu. Nous devons, dès lors, veiller à ce que son ambition initiale demeure intacte dans sa déclinaison opérationnelle.
Nous avons été particulièrement vigilants au moment de la crise sanitaire en 2020. En effet, le risque était grand, compte tenu de l’urgence de la situation, de voir ce pacte relégué parmi les priorités politiques de second rang et, parallèlement, de disposer de plans de relance reposant principalement sur des politiques et mesures visant à rétablir la situation d’avant – ce fut le cas lors de la réponse à la crise de 2009 –, en ignorant le virage nécessaire et même impératif de la transition écologique. Cela étant dit, la prise de conscience n’a jamais été aussi forte sur ces sujets.
La volonté a été clairement exprimée dans le Pacte vert d’inscrire ces enjeux au cœur du budget européen 2021-2027 et du plan de relance.
Ainsi, 30 % du nouveau budget européen et du plan de relance sont consacrés à la lutte contre le changement climatique. C’est bien parce que la France a porté sans relâche cette ambition que celle-ci est aujourd’hui déclinée du niveau communautaire au niveau national. Nous ouvrons ainsi la voie à une mise en œuvre ambitieuse de ce pacte, en toute cohérence.
Depuis 2019, la Commission européenne a formalisé de nombreuses stratégies pour organiser ce pacte et ses déclinaisons.
L’Union européenne s’est dotée de nouveaux objectifs climatiques clairement rehaussés – atteindre la neutralité carbone en 2050 et réduire au moins de 55 % nos émissions d’ici à 2030 –, et un accord est intervenu récemment sur la loi européenne sur le climat.
Ces plans désormais établis, nous démarrons à présent le chantier de construction de cette Europe durable et neutre en carbone. Lors de cette phase déterminante, notre ambition doit se concrétiser afin que l’on n’en reste pas au stade de l’incantation et des bonnes intentions.
Nous aurons ainsi un rendez-vous majeur, le 14 juillet prochain, avec la publication d’un ensemble de treize propositions législatives destinées à assurer la déclinaison opérationnelle de ces nouveaux objectifs climatiques, et une cinquantaine d’autres propositions.
La France, lorsqu’elle présidera le Conseil de l’Union, devra donc relever ce grand défi : faire avancer les nombreuses propositions du Pacte vert. Les avancées obtenues permettront de conforter et d’amplifier les réformes que nous portons au niveau national, dans le cadre du projet de loi Climat et résilience et de la mise en œuvre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC.
Cette présidence sera aussi l’occasion de faire avancer de nombreuses propositions à dimension européenne de la Convention citoyenne pour le climat, que nous n’oublions pas. Si l’échelon communautaire nous a semblé préférable pour mettre en œuvre certains dispositifs, notamment le verdissement de la fiscalité énergétique, il s’agit désormais de les porter et de les décliner.
Nous aurions beaucoup à dire sur la finance verte et la politique commerciale, mais je m’en tiendrai ici à la stricte compétence du ministère de la transition écologique et à quatre domaines d’action essentiels.
L’un de ces domaines est l’accélération de la décarbonation de l’économie et de la société pour atteindre l’objectif climatique « 2050 ».
La présidence française du Conseil devra faire progresser les objectifs climatiques européens, au travers des propositions phares qui sont portées par le Président de la République depuis le discours de la Sorbonne : une meilleure tarification du carbone au niveau européen, avec le système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SCEQE), dits ETS en anglais ; la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, un outil novateur, très ambitieux et même fondamental puisqu’il doit permettre de récompenser les efforts des industries et des travailleurs européens, et d’orienter les efforts dans les pays tiers, et ce dans le strict respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Toujours au chapitre de notre politique de décarbonation, nous devrons agir dans tous les secteurs en suivant un objectif global, décloisonné, comme le prévoit le projet de loi Climat et résilience.
Il nous faudra aussi mener des politiques sectorielles. Celle des transports constitue un enjeu clé, et l’Union jouera un rôle majeur à cet égard au travers de réglementations contraignantes mais aussi de financements et d’incitations. Nous devrons en particulier travailler avec nos partenaires sur l’accélération du déploiement des véhicules à faibles émissions, sur le report modal vers le rail, notamment pour le fret, ou encore sur le développement des carburants alternatifs dans tous les modes de transport.
Sur le volet énergétique, il nous faudra accélérer le déploiement des énergies renouvelables en renforçant les objectifs européens et en allant plus loin pour améliorer l’efficacité énergétique, notamment en termes de performance énergétique des bâtiments.
Les secteurs de la construction, de l’agriculture et de la forêt seront évidemment également au cœur de nos travaux.
Le Gouvernement est très attentif à ce que la politique systémique de décarbonation soit soutenable et juste, comme l’a préconisé la Convention citoyenne pour le climat. Ce principe doit être au cœur du Pacte vert européen, et c’est dans cet esprit que nous aborderons la présidence du Conseil de l’Union.
Le Pacte vert permettra d’accélérer la transformation du modèle économique européen pour le rendre plus circulaire et plus durable. La présidence française sera l’occasion réelle et concrète de favoriser cette accélération, de progresser dans les domaines de la réduction des emballages plastiques et de la durabilité des produits en agissant sur leur cycle de vie. Cette politique fera écho aux mesures françaises prévues dans la loi AGEC.
L’impact de nos politiques nationales sera démultiplié si l’ensemble de l’Union européenne s’en empare. Entraîner nos partenaires à suivre nos engagements sera un défi que nous devrons relever.
Nous attachons beaucoup d’importance à la place des consommateurs, auxquels nous donnons les moyens de faire des choix éclairés. J’ai d’ailleurs évoqué cet enjeu avec plusieurs collègues ministres de l’environnement de l’Union, au sein du groupe Reach-Up.
Le Pacte vert visera également à renforcer les mesures de protection contre l’impact des produits chimiques.