Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 27 mai 2021 à 9h15
Questions sociales travail santé — Audition de M. Nicolas Schmit commissaire européen à l'emploi et aux droits sociaux

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey :

Je vous remercie, monsieur le Commissaire, pour votre propos qui témoigne effectivement d'un changement de référentiel : l'Europe sociale était certes inscrite dans les textes depuis au moins la conférence de Messine, en 1955, mais il a fallu attendre le traité de Lisbonne pour qu'elle prenne de la consistance : cette nécessité de convergence sociale semble se réaffirmer au fur et à mesure. Vous avez bien dit qu'il y avait une plus-value sociale et que les citoyens l'avaient compris. Je ne peux donc pas m'empêcher de faire un parallèle entre le désamour des Européens pour les institutions européennes et le fait que neuf sur dix soient favorables à une Europe sociale : les institutions européennes ne sont pas perçues comme protectrices mais plutôt comme une menace et je suis convaincue que le projet européen doit être social pour réconcilier les citoyens avec l'Europe.

Cependant, le point 5 de la Déclaration de Porto démontre la difficulté institutionnelle, puisque les États membres y précisent que la mise en oeuvre du socle européen des droits sociaux doit se faire « dans le plein respect des compétences respectives et des principes de subsidiarité et de proportionnalité ». Le cadre juridique est certes posé, mais si la dimension sociale est reconnue comme fondamentale, ce cadre n'est-il pas un obstacle - et pensez-vous qu'il soit intangible ? On voit que la Commission tente de le contourner, puisque vous insistez sur la dimension d'intégration sociale de toutes les politiques, vous évitant d'afficher une politique sociale, difficile à mettre en oeuvre dans le cadre juridique actuel. Comment vous organisez-vous ? Car en réalité, vous insufflez du social dans les politiques européennes, vous êtes un peu comme un délégué interministériel au sein de la Commission, en étant le représentant de la convergence sociale dans toutes les politiques publiques. Cependant, je m'interroge sur votre influence sur les politiques industrielle, commerciale, d'emploi mises en oeuvre. L'Europe vise un taux d'emploi de 78 %, mais pour quels types d'emplois ? Vous l'avez justement relevé dans votre propos. Si c'est pour des emplois « ubérisés », ce n'est certainement pas l'objectif de la convergence sociale.

La dimension législative de l'Europe sociale est faible : le cadre d'action actuel vous paraît-il suffisant pour atteindre vos objectifs ambitieux, auxquels je souscris ? Pour une fois, la Commission est presque en avance par rapport aux États membres. Nous avons eu des échanges hier avec des Suédois dans le cadre du groupe d'amitié France-Suède, ils tiennent à leur modèle social fondé sur le dialogue, plutôt que sur la loi - c'est effectivement un moyen d'arriver à des résultats sans blocage. Votre propos, en tout cas, monsieur le Commissaire, est très encourageant, encore faut-il que vous ayez les moyens d'arriver à des actions concrètes.

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