Intervention de Nicolas Schmit

Commission des affaires européennes — Réunion du 27 mai 2021 à 9h15
Questions sociales travail santé — Audition de M. Nicolas Schmit commissaire européen à l'emploi et aux droits sociaux

Nicolas Schmit, commissaire européen :

Merci pour votre soutien. Effectivement, la Commission s'applique à changer de paradigme et à donner une dimension sociale à l'Union européenne.

Nous n'avons pas de fonds dédié au plan d'action. Cependant, l'Europe dispose de moyens pour cette politique : il y a, dans le budget européen même, le fonds social européen qui s'élève à 8 milliards d'euros sur sept ans pour les projets en matière sociale ; il y a le fonds de relance et de résilience, une partie des 700 milliards devrant aller à l'emploi des jeunes, à la formation ; enfin, il y a quelque 40 milliards d'euros utilisables, dans le cadre de REACT-UE, pour des projets sociaux sur deux ans, ainsi qu'une enveloppe de prêts de 2,8 milliards d'euros qui peuvent faire levier sur des projets sociaux. C'est maintenant aux États membres de s'en saisir, la Commission ne peut guère faire davantage qu'en recommander le recours.

Je vois avec optimisme la présidence française, d'autant que le Président de la République a annoncé que la dimension sociale en serait une priorité. Nous y travaillons avec le gouvernement français, par exemple sur le salaire minimum sur lequel je pense que nous pourrions aboutir ; sur la sécurité sociale, il y a un besoin de coordination et de coopération ; le numéro de Sécurité sociale unique européen est un résultat peut-être encore un peu lointain, mais nous avons proposé un passeport européen comportant la possibilité d'inscrire un identifiant social, ce qui sera utile à la personne en mobilité pour qu'elle défende ses droits, facilitera la coopération entre organismes de Sécurité sociale et, bien entendu, évitera bien des fraudes.

La santé au travail m'est très chère, je le dis pour avoir été ministre du travail pendant 9 ans. La Commission définit une stratégie en la matière, c'est un sujet déjà ancien dans les institutions européennes. Nous allons faire une proposition de stratégie, mais c'est aux États que la mise en oeuvre reviendra : l'Union n'a pas d'inspecteur du travail, elle ne peut faire que coordonner les contrôles, mais pas contrôler directement. Nous allons commencer un trilogue sur de nouvelles règles en matière de substances dangereuses : pour protéger les salariés, nous sommes très actifs. Idem pour les risques psychosociaux, autre sujet d'importance qui est à l'origine d'une partie de l'absentéisme dans les entreprises. Ce volet n'est pas facile mais les choses avancent. Un rapport d'initiative vient d'être adopté sur le droit à la déconnexion : vous l'avez en France, je plaide pour un tel droit sur tout le continent.

Sur l'égalité des genres, je peux dire que la négociation a été faite de manière honteuse par des pays qui remettent en cause des valeurs fondamentales de l'Europe. Cette Commission est très engagée sur l'égalité, c'est un sujet fort et personnel pour la présidente. Nous avons une proposition sur la transparence salariale : 16 % de différence de salaire. Aucun des pays européens n'a atteint l'égalité salariale entre les sexes : nous avons besoin de nouveaux outils pour assurer cette égalité, on ne peut se contenter de la renvoyer aux générations futures - et nous avons une proposition législative.

L'assurance chômage n'est pas retenue pour le moment ; elle a été évoquée dans le cadre de l'union monétaire pour amortir les chocs entre pays aux évolutions économiques divergentes, mais il faut des ressources pour la rendre effective et la priorité est aujourd'hui à la relance, à la création d'emplois. Cependant, nous n'abandonnons pas cette perspective.

Un plan d'action n'est jamais contraignant, il donne des orientations de politiques sociales et de politiques intégrées, et c'est aux États de les mettre en oeuvre ; l'Europe doit avancer sur la coopération, le dialogue, la persuasion. Nous avons un semestre européen, avec une place importante donnée au social, dont nous suivons aussi la mise en oeuvre, et c'est une façon d'intervenir dans le débat national.

Le débat sur le futur de l'Europe, pour intéresser les citoyens, doit traiter des sujets qui les concernent directement, en particulier les salaires, les protections, donc le social. Si les règles européennes de maîtrise budgétaire avaient été maintenues pendant la crise sanitaire, nous aurions plongé nos sociétés dans une catastrophe, cela démontre bien que s'il faut des règles - il est illusoire de penser qu'une union monétaire se passe de règles - , il faut savoir aussi adapter ces règles au contexte, ce sera le débat des mois à venir. Quelles règles choisir pour la stabilité monétaire, économique, et pour accompagner la relance, relever les immenses défis climatiques, éducatifs, numériques ? C'est de tout cela que nous devons parler.

Le social est une compétence partagée, je m'en félicite, il est donc naturel de respecter pleinement les compétences étatiques et le principe de subsidiarité ; cependant, un changement de traités est toujours possible.

Nous sommes très sensibilisés à « l'ubérisation » des emplois, c'est bien pourquoi nous travaillons sur les conditions de travail des plateformes.

J'admire les systèmes sociaux nordiques, fondés sur le dialogue social. Les responsables d'Europe du nord craignent qu'on leur impose un salaire minimum légal, alors qu'ils le fixent par la négociation : cela se comprend et demande du dialogue.

La Commission a pris des initiatives sur l'apprentissage, nous voulons promouvoir l'Erasmus des apprentis, et j'espère des avancées sous la présidence française. Les questions transfrontalières sont importantes, mais les règles diffèrent entre pays membres. Je connais bien la question de l'apprentissage transfrontalier : c'est aussi aux États membres de faire évoluer leurs pratiques, la Commission n'a pas la main.

La directive du 28 juin 2018 sur le travail détaché est très importante parce qu'elle permet de combattre les abus, pour plus de convergence. Les États membres doivent veiller à son respect, ceux sont eux qui en ont la responsabilité, notamment par leur inspection du travail.

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