En complément, je dirai que mettre un prix plancher ne réglera pas le problème de la distorsion de coût de livraison entre les libraires et Amazon ou la FNAC. Si le coût plancher est de deux ou trois euros, un décalage perdurera avec le coût réel. Le problème de distorsion de concurrence ne sera pas réglé, même s'il sera réduit. Cette mesure viendrait améliorer la marge des plateformes, sachant que 40 millions de livres sont vendus par la première plateforme. Je vous laisse calculer la marge supplémentaire qui serait générée, avec trois euros de coût plancher, même si seuls 20 millions d'envois sont effectués : cette marge n'ira pas du tout dans la poche des petits commerçants et viendra paradoxalement améliorer les services en ligne de ces plateformes.
Nous ne sommes pas dans une consommation du livre unicanal : nous achetons tous des livres dans les librairies, sur les plateformes et dans les hypermarchés, selon nos besoins. Un individu acheteur de livres fréquente des circuits de distribution différents. Les premiers clients des plateformes sont les urbains aisés, qui ont pourtant accès aux librairies, puis les zones rurales qui n'ont pas accès aux librairies - et ces plateformes donnent un accès à la culture que le commerce physique ne permet pas - puis, loin derrière, les périurbains et les banlieues. Plus la culture est présente, plus les livres sont achetés et plus les plateformes sont présentes.
Le Président de la République a déclaré à Nevers, la semaine dernière : « il faut qu'il y ait un prix unique du livre, le prix qu'on va acheter à la librairie comme le livre que l'on reçoit à la maison ». Je comprends qu'avec ce dispositif les personnes résidant en zone rurale n'ayant pas de librairie paieront leurs livres plus chers puisque la livraison leur sera facturée. Je trouve donc que cette phrase, qui a été interprétée comme un soutien à cette proposition de loi, est très ambiguë.