Je me tiens à la disposition de votre commission pour répondre aux questions auxquelles je n'aurais pas répondu ou pour fournir toutes les études qui ont été faites.
Sur les salles de consommation, j'invite votre commission à entendre l'équipe de l'Inserm qui a très récemment rendu une étude sur ce sujet, ainsi que la Mildeca.
Ces salles, à l'étranger comme en France, sont implantées dans des lieux où les usagers de drogues sont déjà présents. Les décisions d'implantation sont prises après un long échange entre les services de l'État, les pouvoirs locaux et l'ensemble des acteurs de terrain. Je n'ai pas d'information sur l'ouverture de telles salles à Bordeaux, à Marseille ou à Lille. En revanche, je sais que des collectifs d'associations et de citoyens sont mobilisés, l'acceptabilité de ces lieux faisant toujours débat.
Dans les lieux où les usages de drogue sont réguliers et potentiellement problématiques en termes sanitaires et de tranquillité publique, ces salles ont eu un effet positif de réduction des risques.
Sur le crack, nous avons fait un bilan avec l'Inserm sur la situation en Île-de-France ces trois dernières années. Des moyens énormes ont été mis en oeuvre - accompagnement médico-social, solutions d'hébergement, plan crack de la Ville de Paris -, mais la crise sanitaire a impacté le travail des professionnels de terrain et des services de l'État à l'échelon local. La situation est apparue paroxysmique ces dernières semaines.
La difficulté principale est d'articuler réduction des risques et accès à d'autres niveaux de soins et, pour les usagers de crack, accès à des espaces de repos et d'hébergement éloignés des espaces de consommation. Il est ressorti de l'enquête sur les trajectoires auprès des professionnels et des usagers de crack qu'il fallait modifier notre regard : il y a une demande d'hébergement individualisé de la part de ces usagers. De même, la salle d'inhalation de la salle de consommation de Paris est collective ; or, il y a aussi un besoin de consommation individuelle.
Sur la légalisation du cannabis, je vous invite à vous reporter au rapport de l'OFDT sur les expériences menées outre-Atlantique. Avec le soutien du Fonds de lutte contre les addictions, nous participons au programme Astracan, un projet de recherche sur la mise en oeuvre comparée des politiques de régulation du cannabis dans trois États des États-Unis et dans trois provinces canadiennes. Aux États-Unis, il s'agit de légaliser le cannabis dit « récréatif », sur le fondement de lois qui ne sont pas comparables entre les États. Au Canada, une loi fédérale votée en 2018 est déclinée de manière très différente selon les provinces.
Il faut être clair sur ce que l'on attend de la légalisation et de sa mise en oeuvre pour pouvoir en mesurer les effets. Cela peut paraître une lapalissade, mais il n'y aura pas de changement que l'on n'aura pas attendu et souhaité au départ !
Outre-Atlantique, l'interdiction de vente aux mineurs est contrôlée très strictement, quels que soient les produits. Depuis la légalisation, il n'y a pas eu de hausse de la consommation chez les mineurs. En revanche, la consommation des adultes est en hausse dans tous les États concernés. Dès lors que des produits sont légalisés, que l'on peut en faire la publicité, des gens les essaient et en consomment, alors que ce n'était pas le cas préalablement. Ce n'est pas là un biais de déclaration. On voit bien qu'une diffusion du produit se fait.
Certains États sont dans une logique de santé publique très forte et contrôlent très strictement la mise à disposition du produit, sa qualité, les capacités de distribution. Dans ces États, les hausses sont plutôt contrôlées et les effets non désirés plutôt restreints. D'autres États, comme le Colorado, ont une approche très libérale, très « marché-orientée », du cannabis. Toutes sortes de produits cosmétiques et comestibles, très fortement dosés en cannabis, à inhaler ou à fumer, sont mis en vente. On a vu les effets dès le départ sur le nombre d'accidents de la route ou sur les urgences médicales.
Nous avons mis des rapports intermédiaires en ligne l'année dernière, le deuxième volet de l'enquête sera disponible dans le courant de l'année 2022. Nous allons également publier au début du mois de juillet un bilan détaillé de la loi portugaise sur la dépénalisation de l'usage de produits stupéfiants, laquelle a prévu une orientation des usagers vers des commissions médico-sociales.