Intervention de Marc Frouin

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 juin 2021 à 9h00
Innovation en santé — Audition de Mm. Marc Frouin directeur général de bioserenity franck grimaud directeur général de valneva franck mouthon président de france biotech et stéphane piat directeur général de carmat

Marc Frouin, directeur général de Bioserenity :

Mon entreprise n'est pas une biotech. Elle intervient en complément des prises en charge et des traitements des patients atteints de pathologies chroniques ou dégénératives, en appui aux médecins et en sous-traitance des établissements de santé. Il s'agit de proposer aux patients des parcours de santé d'excellence.

En matière d'essais cliniques, la complexité est différente : nos essais concernent l'organisation des parcours de soins, pour accompagner les patients. Des innovations, sous la forme d'améliorations continues en petits incréments, sont également attendues sur ce secteur dans lequel les publications n'ont souvent pas de valeur en tant que telles. Nous ne sommes pas en retard en France sur ces publications, souvent suivies de guidelines déployées dans le système de soins, mais leur capture dans la médecine 2.0 ou 4.0 constitue encore un enjeu.

Il s'agit de « petits » essais, qui ne sont pas des essais lourds, mais qui sont multiples et demandent une certaine flexibilité. Il peut s'agir par exemple de valider le recours à une intelligence artificielle. Pour ces essais, nous travaillons avec les hôpitaux et les laboratoires pharmaceutiques. Avec ces derniers, les essais se déroulent principalement hors de France, essentiellement, il me semble, pour des raisons économiques alors même que les essais qui se déroulent à l'étranger peuvent être pilotés par des Français.

Sur le financement, nous rencontrons des problèmes similaires aux biotechs même si la situation est différente. Pour un entrepreneur, qui a pour objectif de créer un maximum de valeur actionnaire, c'est un privilège de gagner de l'argent. Notre modèle se rapproche plus du secteur du numérique : on peut gagner plus d'argent et pendant plus longtemps, la demande de levée de fonds est plus élevée et atteint des échelles supérieures qui se comptent, pour mon entreprise qui est dans une position intermédiaire, en centaines de millions. Il faut pouvoir travailler avec des investisseurs qui vont déclencher l'investissement des autres : c'est difficile en France même si la situation s'est améliorée. Une partie des financements peut aussi venir des clients sur certains produits qui sont immédiatement rentables. Idéalement, nous viserions un cofinancement entre capital et commande publique, qui reste difficile en France. Par exemple, tous les actes que nous pratiquons à l'hôpital sont codés, notamment dans les groupes homogènes de séjour. Toutefois, nous n'avons pas de possibilité, en tant qu'entreprise privée, de facturer directement à l'assurance maladie : il existe sur ce point un blocage de principe du ministère de la santé, qui contrôle les dépenses autant par l'offre que par les prix.

Le marché américain « paie » mieux que le marché français mais il est aussi plus concurrentiel.

S'agissant de notre développement financier (scale up), nos besoins se chiffrent en centaines de millions d'euros. Une partie viendra des investisseurs et, à l'inverse des biotechs, une autre partie viendra de nos clients, c'est-à-dire de celles de nos activités qui sont déjà rentables. En tout cas, ce besoin reste important car la rentabilité ne se concrétise pas immédiatement dans notre secteur.

S'agissant des vaccins, idéalement, il faudrait associer un financement par le marché et la commande publique, ou a minima l'autorisation de travailler avec le secteur médical - puisqu'il faut un délai court de mise sur le marché.

Nous avons un peu de mal en France sur ce point, c'est vrai. Par exemple, nous travaillons en sous-traitance d'une centaine d'établissements de santé, tous nos actes étant codés par les établissements ou dans la facturation à l'acte. Mais afin de travailler avec toute une région, nous aurions besoin de pouvoir prendre directement le numéro de sécurité sociale des patients et de facturer l'assurance maladie, ce qui suscite un blocage de principe du ministère des solidarités et de la santé. Je comprends bien que le contrôle de nos dépenses de santé passe par le contrôle de l'offre et je ne le conteste pas ; je constate simplement que les champions mondiaux du secteur peuvent, eux, s'appuyer sur une base territoriale.

Nous faisons 60 % de notre chiffre d'affaires aux États-Unis, marché plus rémunérateur que la France mais également plus concurrentiel et plus complexe. Ainsi, nous avons passé des contrats avec quelque 500 payeurs afin de pouvoir couvrir les besoins de 250 millions d'Américains.

Enfin, s'agissant des essais cliniques, je pense qu'il faut pouvoir faire un nouveau type d'essais, en incrément, qui correspond plus au modèle du numérique. Notre système ne me semble, hélas, vraiment pas prêt à cela. Nous devons également mieux lier le financement des essais à la commande publique. En somme, avoir envie de consommer sur le territoire ce qui est produit et développé sur le territoire, comme cela a pu se faire avec les vaccins. Ce modèle devrait concerner le secteur pharmaceutique, les biotechs ou l'e-santé si l'on souhaite avoir des entreprises qui marchent.

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