Intervention de Franck Mouthon

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 juin 2021 à 9h00
Innovation en santé — Audition de Mm. Marc Frouin directeur général de bioserenity franck grimaud directeur général de valneva franck mouthon président de france biotech et stéphane piat directeur général de carmat

Franck Mouthon, président de France Biotech :

Concernant les phases précoces (1 et 2), je reviens sur le modèle de développement des biotechs ; il n'y a pas que des enjeux de compétences. On nous demande de veiller à la sécurité des patients français et des volontaires qui entrent dans les études, les choses sont faites très sérieusement et les critères ne sont pas si différents à mon sens avec d'autres pays.

Nous avons eu avec le précédent directeur de l'ANSM la mise en place du guichet innovation, nous nous en étions félicités avec France Biotech, qui permet de bénéficier de conseils pour les entreprises. Cet aspect est fondamental pour comprendre les choix d'aller sur d'autres territoires.

Nous sommes financés, dans les premiers stades avant le premier euro de chiffre d'affaires, par des investisseurs privés. Ces investisseurs nous demandent de choisir les territoires où la valeur est la plus importante, où l'incrément de valeur est mesurable. Souvent, on nous demande de commencer nos essais cliniques aux États-Unis. La première raison est celle de la rentabilité en termes d'accès au marché de développement. Un autre aspect important est que, lorsqu'un investisseur ouvre vos données, il vous demande votre accord de licence lorsque vous développez un actif de la sphère académique et quelles ont été vos interactions avec les autorités sanitaires et en particulier l'autorité sanitaire américaine. Lorsque vous contactez la Food and Drug Administation, différentes questions sont posées et vous présentez l'indication dans laquelle vous souhaitez développer, votre produit et ce que vous en savez. Vous avez une feuille de route, partagée et engageante ; en la remplissant vous êtes sûrs de passer d'une étape à une autre. Cela diminue l'asymétrie d'information pour les investisseurs. Cela doit être mis en relation avec ce que je disais plus tôt : il y a une dynamique entrepreunariale, 60 entreprises par an se créent. Nous avons un ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et un ministère des finances qui sont alignés sur cette dynamique, mais un système de santé qui n'accompagne pas ces innovations. Ce dernier les voit plutôt en fin de parcours, comme juge arbitre sur ce qu'il reste à faire et sur les seuls aspects d'autorisation de mise sur le marché et de prix.

Il y a un plan innovation et santé que nous avons fourni au CSIS avec cette préconisation : le système de santé doit revenir dans ce schéma pour accompagner l'innovation en France. Il dispose d'énormément d'informations précieuses pour conduire nos développements et les sécuriser. Il n'est pas question d'argent mais d'information. A partir du moment où vous avez la capacité de vous engager, que le régulateur, que le payeur est capable de vous accompagner du stade précoce à la mise sur le marché, cela a énormément de valeur pour les investisseurs. Cela fait partie des choses qui conduisent à aller ailleurs.

Sur la prise de risques et la maîtrise des risques : évidemment, les scandales sanitaires des dernières années en France et la chasse aux sorcières sur les conflits d'intérêt n'ont pas aidé à avoir les bonnes personnes. La question n'est pas la prise de risque mais la mesure de celui-ci. Reste enfin la question des délais, imposés par les politiques et, sur ce sujet, la France n'est pas bien placée.

Sur la valorisation de la recherche, je vous l'ai dit, je suis un pur produit du transfert de technologie, j'étais chercheur au CEA, je travaille sur le domaine des maladies à prions, maladie de Creutzfeldt-Jakob et maladie de la vache folle. Nous avons pu voir les enjeux sanitaires à ce moment et le CEA avait développé le test permettant de tester les bovins sur l'ensemble de l'Europe ; j'ai plutôt bénéficié d'un environnement favorable au transfert de technologie. Je continue d'avoir beaucoup d'entrepreneurs qui nous sollicitent, nous avons un groupe de travail sur les partenariats public-privé : nous avons invité tous les offices de transferts de technologie - SATT, Inria, il ne faut pas oublier les CHU, qui sont des acteurs incontournables de l'innovation en France

Sur la valorisation et les bonnes pratiques par rapport à d'autres écosystèmes : les SATT ont été créées pour faciliter l'ancrage local de la valorisation à plus grande proximité des chercheurs et soulager les universités ou instituts de tutelle qui n'avaient pas la capacité de valorisation. Les SATT ont permis cela, nous avons avec ces structures davantage de valorisateurs à proximité des chercheurs. En revanche, ces SATT distribuent une diversité d'innovations des radars jusqu'à un dispositif médical, en passant par un vaccin ou un test diagnostic jusqu'à une thérapie génique. C'est un grand écart en termes de compétences pour traiter les champs de valorisation. Il y a un vrai besoin : des écosystèmes sont plus ou moins performants, du fait d'un héritage de plusieurs décennies. Cela mériterait d'avoir une uniformisation vers le haut et une capacité de partage de compétences sur un sujet particulier. Dans le réseau des SATT, ce n'est pas compliqué de trouver la bonne personne pour suivre une des 60 entreprises sur un sujet précis. Nous proposons que ce réseau soit plus coordonné.

Par ailleurs, un autre sujet apparaît qui peut être une perte d'opportunité en termes de compétitivité lorsque l'on interroge les investisseurs. Lorsque vous faites appel à une SATT, vous avez la licence - actif principal de la société qui permet de définir le périmètre et les métriques financières adossées au partage de valeur en fonction de la maturité de l'actif -, la SATT a un mandat de négociation, on a une réduction de la complexité de la négociation et la SATT peut financer de la maturation de l'actif industriel et demande à l'entreprise de rembourser, ce qui peut être un frein. Les investisseurs viennent pour plusieurs années et rembourser trop tôt peu avoir un impact en termes d'attractivité. S'ajoutent à cela les prises de participation.

Licence, remboursement des frais de maturation et prises de participations peuvent conduire à un défaut d'attractivité : il faut que nous soyons dans les standards internationaux.

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