France Biotech propose la création d'une agence depuis mars 2020. Il n'est pas question d'ajouter une strate supplémentaire mais de coordonner. On s'est beaucoup inspiré de l'agence de l'innovation de défense qui a été une révolution dans ce domaine, pour organiser le passage de l'innovation jusqu'à l'achat par la direction générale de l'armement. C'est une vraie prouesse.
Une réforme du marquage CE est à l'oeuvre à partir de ce mois-ci, les critères ont été améliorés. Le problème qui va se poser est celui de l'embolisation par l'absence d'organismes notificateurs. On a rehaussé les exigences pour le dispositif médical, avec un niveau comparable aux États-Unis, mais, en face de cela, on n'a pas réuni les conditions pour que l'ensemble des entreprises puissent bénéficier de ce marquage dans un temps relativement limité. Pour le diagnostic, c'est encore pire : quand vous disposez d'un catalogue de diagnostics, vous êtes contraints de procéder produit par produit.
La donnée en santé est absolument indispensable pour l'avenir de nos entreprises, pour définir les parcours de santé. Le problème de la valorisation de la data est le suivant : on a centralisé la collecte, mais il faut que les acteurs jouent le jeu de cette collecte. Se pose la question de la rétribution de ceux qui ont collecté. Tant que le Health Data Hub n'aura pas mis en place un vecteur qui permet d'inciter ceux qui collectent sur le terrain, notamment les médecins dans différents centres hospitaliers universitaires (CHU), on continuera à rencontrer des difficultés pour centraliser et redistribuer. Il faut réfléchir à des modèles de coopération qui permettent à la fois d'entretenir cet entrepôt de données et de soutenir ceux qui collectent les données sur le terrain. On propose par exemple que soit institué un forfait d'accès à la data pour entretenir la gestion même de cet entrepôt et que se mette en place, à chaque fois qu'on demande des données, une collaboration scientifique et technique avec ceux qui les ont produites, ce qui facilitera les partenariats public-privé.
Il n'existe pas de feuille de route pour une vision stratégique offensive de l'innovation en santé en France. Ce n'est pas prévu par la loi de programmation de la recherche, et il n'y a pas de loi de programmation de la santé. On peut préférer un autre terme qu'agence, en tout cas il nous manque un chef d'orchestre, un guichet pour résoudre les problèmes. Dispose-t-on d'une vision des investissements à réaliser et dans quels domaines ? Aujourd'hui, la psychiatrie est le premier poste de dépenses de santé. C'est pourtant le domaine dans lequel il y a le moins d'innovation en France aujourd'hui. Sinon une agence, il nous faut donc un pilote pour coordonner cette politique d'amont, qui est très bien abordée par la BPI, et cette politique d'aval où on ne parle pas ou très peu et pour laquelle les acteurs ont besoin d'avis engageants, de bénéficier d'éclairages sur la pertinence de leurs développements - question à laquelle le système de santé peut répondre, que ce soit la direction de la sécurité sociale, l'ANSM, la HAS, le comité économique des produits de santé (CEPS)... -. C'est pourquoi je prône la création d'une agence de l'innovation en santé à l'image de l'agence de l'innovation de défense qui ne sera rien de plus qu'un coordinateur pour permettre de régler des problèmes sur un engagement de trois mois, sur un transfert de technologie, sur la fixation du prix au niveau du CEPS, sur l'évaluation au niveau de la HAS... Il nous faut une autorité qui définisse les priorités, pour éviter le saupoudrage, et réponde aux besoins de notre système de santé dont on veut tous qu'il reste mutualiste et solidaire.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.