Intervention de Justine Atlan

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 10 juin 2021 à 10h35
Audition des représentants de l'association e-enfance association de protection de l'enfance sur internet

Justine Atlan, directrice générale de l'association e-Enfance :

En réalité, même si Twitter est le moins bon élève, tous les réseaux sociaux acceptent d'intervenir rapidement quand nous les saisissons de cyberharcèlement sur des mineurs. La situation change à grande échelle, y compris pour des raisons de simple marketing. C'est la conséquence heureuse de l'impact qu'ont eu des fake news célèbres sur la vie démocratique même de nos pays, les plateformes acceptent désormais la modération et la suppression des comptes. La « génération Facebook » qui a 20 ans aujourd'hui a aussi de fortes attentes des réseaux sociaux, et c'est dans l'intérêt même des plateformes qu'elles ne soient pas des lieux dangereux. Aux États-Unis, cela peut conduire à des boycotts D'un autre côté, leurs réticences tiennent à ce qu'elles craignent d'être entrainées à devoir modérer systématiquement les échanges, ce qui n'entre pas dans leur modèle économique. Le Digital Services Act européen devrait changer cela.

Du côté de l'Éducation nationale, en revanche, je parlerai de défaillance, car depuis dix ans que nous travaillons avec le ministère, aucun programme de formation ni aucune action de prévention n'a été contraignant - cela fait dix ans que le ministère propose des modules qui restent parfaitement facultatifs, ceci au nom du volontariat nécessaire, c'est un discours que j'ai désormais du mal à entendre. Nous sommes face à un problème structurel, il faut aller plus loin pour changer les choses, comme on a su le faire dans d'autres domaines avec les quotas. L'école n'est pas qu'un lieu de transmission des savoirs qui ne s'adresserait qu'au cerveau, elle est un lieu de formation d'êtres humains qui y apprennent aussi à vivre ensemble et à se comporter en citoyens - qui ne regardent pas la chose publique comme extérieure à eux mais comme leur affaire propre, tout ceci commande que l'école en fasse bien davantage pour prévenir et prendre en charge le cyberharcèlement.

Je crois donc que cela passe par une forme d'obligation pour les personnels éducatifs, au sens large, à se former en matière de cyberharcèlement. Il faudrait également mieux responsabiliser les auteurs d'actes de cyberharcèlement de façon à ce qu'ils sachent vraiment que si on n'applique pas la règle, on peut être sanctionné. Pourquoi ne pas rendre contraignants certains programmes. Dans notre étude sur le harcèlement et le cyberharcèlement, les auteurs de cyberharcèlement reconnaissent que, dans près de 60 % des cas, ils n'ont reçu aucune sanction ni conséquence dans leurs actes et que, pour les 22 % qui avaient été sanctionnés, cela avait été par leurs parents. Seulement 4 % ont été sanctionnés par l'établissement scolaire : c'est dire qu'il y a du travail à faire ! Je ne suis pas pour la sanction par principe, mais il est évident qu'elle responsabiliserait les auteurs et ferait mieux reconnaitre les victimes - les enquêtes montrent d'ailleurs que les parents aussi bien que les enfants y sont très majoritairement favorables. 68 % des parents et 65 % des adolescents appellent à renforcer les sanctions à l'égard des auteurs. Le but de la sanction est surtout de tenir la règle !

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