Intervention de Valérie Létard

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 mai 2021 à 10h00
Évaluation de la loi n° 2000-1208 du 3 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains — Présentation du rapport d'information

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

J'aborderai à présent les résultats de la loi SRU. A-t-elle atteint ses objectifs ? Trois constats s'imposent.

La loi SRU a tout d'abord permis de produire plus de logements sociaux. La moitié des 1,8 million de ces logements construits en France depuis vingt ans l'ont été dans les communes déficitaires. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, les objectifs triennaux n'ont cessé de croître et ont toujours été dépassés. De 62 000 nouveaux logements pour la période 2002-2004, l'objectif est passé à 196 000 logements au cours des années 2017-2019.

La loi SRU a ensuite favorisé une répartition plus homogène des logements sociaux entre les communes, mais également à l'intérieur des communes elles-mêmes. Plusieurs études attestent d'un phénomène que les chercheurs qualifient de « déségrégation ». Son importance est d'autant plus forte que la concentration des logements sociaux prévalait auparavant.

Cependant, si les économistes constatent un effet significatif de la loi dans l'essor du logement social en France, il convient de le replacer dans la conjoncture dans laquelle il s'est inscrit. La production d'habitations à loyer modéré (HLM) se trouvait à un point bas à la fin des années 1990. De plus, la crise de 2008 a marqué un tournant. Nombre de maires ont alors pris conscience du besoin en logements sociaux de leur population, avec de surcroît une hausse du prix de l'immobilier. La vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) a commencé à se développer pour les HLM. Cette méthode permet au bailleur social d'acheter de 30 à 40 % du programme d'un promoteur privé. Elle concerne actuellement environ la moitié des logements sociaux produits.

Enfin, la loi SRU a manifestement échoué dans la promotion de la mixité sociale qu'elle se donnait pour finalité. Non seulement elle n'a pas réduit la ségrégation des 20 % des ménages les moins aisés, mais les travaux de recherche récents montrent qu'elle n'a pas empêché une augmentation de celle des 10 % des ménages les plus pauvres. Il importe d'en comprendre les raisons.

La première tient au modèle universel du logement social en France. Ce logement reste accessible à 70 % des Français. Créer des logements sociaux ne revient pas uniquement à loger les plus pauvres. De plus, 60 % des ménages modestes vivent dans le parc privé comme locataires ou propriétaires. On constate également une paupérisation des quartiers qui comportent de nombreux logements sociaux.

Quant aux nouveaux logements, ils s'accompagnent de loyers plus onéreux en raison d'un équilibre économique plus difficile à atteindre. De plus, le jeu des attributions de proximité intervient. La création de logements sociaux dans une zone favorisée bénéficie d'abord, mécaniquement, à une population déjà présente.

Les travaux de recherche de l'Institut Montaigne indiquent qu'il faudrait, à côté des politiques du logement et de rénovation urbaine, mener des politiques plus volontaristes en faveur de la mixité sociale et de la mobilité résidentielle ascendante. Les aspects humains s'ajoutent aux considérations d'urbanisme.

En nous appuyant sur cette évaluation et sur ces résultats, nous formulons 25 propositions. Elles se déclinent autour de quatre axes : conserver l'objectif et l'économie générale de la loi SRU, adapter sans exonérer et différencier pour encourager, renforcer le volet mixité sociale de la loi et lever les obstacles au logement social.

Au titre du premier axe, nous suggérons de conserver la structure de la loi SRU dont l'utilité est reconnue. Sans recueillir l'unanimité, les objectifs de la loi sont désormais mieux compris. Il nous a semblé souhaitable de privilégier une certaine stabilité. Il s'agit de maintenir un objectif de 20 ou 25 % de logements sociaux parmi les résidences principales des communes. Ne créons pas d'objectif supplémentaire, par exemple un objectif infra-communal dans les principales communes, afin de ne pas complexifier le dispositif. Ne transférons non plus cet objectif au niveau de l'intercommunalité, ce qui le viderait de son sens.

Nous proposons un rattrapage glissant, réaliste et sans date butoir. Nous ne pensons pas possible de retenir un rattrapage en flux, c'est-à-dire ne reposant que sur les constructions neuves, sans dénaturer la loi. Il convient de conserver un rattrapage en stock, mais en définissant un flux annuel sur la base d'un contrat.

Nous souhaitons également stabiliser l'inventaire des logements pris en compte, sous réserve d'ajustements locaux et à la marge.

Enfin, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, nous rejetons toute sanction automatique et non proportionnée.

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