Renforcer la durabilité de notre alimentation implique de renforcer la durabilité de notre modèle agricole. Trois défis sont à relever pour que notre agriculture soit plus forte.
Le premier défi est celui du revenu. Aucune profession ne peut perdurer sans juste rémunération : tous les leviers doivent être activés pour mener une politique globale favorable au revenu de l'agriculteur. Ce dernier est constitué à 37 % de la consommation alimentaire des ménages, à 27 % de l'exportation, à 30 % de subventions et à 7 % des produits de la diversification des activités, selon les dernières données de l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Revaloriser le revenu de l'agriculteur doit motiver, avant tout, un cadre de la politique agricole commune juste, n'opposant pas les filières entre elles et ne pénalisant pas celles rencontrant déjà de grandes difficultés. Ceci passe aussi par un constat clair : au regard de son objectif que les prix de vente couvrent les coûts de production de l'exploitant, la loi Egalim est un échec. Il convient donc de la réformer avec ambition, sans se contenter de demi-mesures.
Le second défi est celui de l'adaptation au changement climatique. L'accroissement de la fréquence et de l'intensité des phénomènes climatiques extrêmes pénalisent, au premier chef, nos exploitations. Le dramatique épisode de gel du mois d'avril 2021 qui a touché un nombre très important de nos départements a rappelé cette fragilité. Les données de Météo-France ou du BRGM ne sont pas rassurantes en la matière : la surface française touchée chaque année par les sécheresses a doublé entre 1970 et aujourd'hui, les sécheresses se faisant plus fréquentes. Depuis 2015, en effet, au moins une région a connu une sécheresse chaque année. Météo-France estime par ailleurs que le nombre des tempêtes extrêmes a augmenté de 20 % dans le sud-est de la France depuis les années 1950. La résilience des exploitations face à ce changement climatique doit être un impératif par une action sur deux volets : la prévention, d'une part, pour limiter l'exposition en s'appuyant sur des technologies déjà existantes et une meilleure gestion des eaux et en investissant dans la recherche pour ne fermer aucune porte ; l'indemnisation, d'autre part, afin d'avoir un système juste, basé sur une logique assurantielle pour les risques assurables et recourant à la solidarité nationale pour les risques non assurables compte tenu de leur ampleur.
Le troisième défi est celui du renouvellement des générations. Aujourd'hui, un tiers des départs à la retraite ne sont pas couverts chaque année, entraînant une chute mécanique du nombre d'exploitants. Or un tiers des agriculteurs a plus de 55 ans et partira à la retraite dans moins de dix ans. Si cette tendance n'est pas infléchie, 50 000 exploitations fermeront leurs portes en 10 ans. Il importe d'agir au plus vite en avançant sur le chemin d'une évolution du cadre légal afin de mieux inciter à la transmission et de faire en parallèle de l'enseignement agricole le coeur de cette transition.
La durabilité de notre modèle agricole dépend enfin de l'accompagnement de l'évolution des pratiques qui doit intervenir de manière pragmatique, par l'innovation et non l'injonction, au risque d'augmenter nos importations en sacrifiant notre agriculture. L'agriculture évolue, mais elle a des contraintes : le temps des cultures, mais aussi des contraintes agronomiques, économiques et financières. Nous proposons d'accélérer la recherche d'alternatives à certains produits, notamment par le biocontrôle, d'accompagner le déploiement de certaines pratiques comme la certification environnementale, l'agriculture biologique, l'agriculture de conservation et les produits sous signes de qualité, mais aussi de porter nos efforts sur l'utilisation de matériel agricole ou d'instruments de mesure permettant d'ores et déjà de réduire les quantités épandues. À cet égard, la prime à la conversion, proposée par le Sénat et mise en oeuvre par le Gouvernement dans le cadre du volet agricole de 1,2 milliard d'euros du plan de relance, a rencontré un franc succès : l'enveloppe étant déjà quasi épuisée, il convient de la pérenniser.