Ce rapport nous a permis d'évoquer la question des importations sur notre sol et de l'empreinte carbone qui en résulte. La problématique de la déforestation importée est majeure, car elle recouvre à la fois les émissions de gaz à effet de serre que nous importons en faisant venir des biens et services produits en dehors de notre sol et l'érosion de la biodiversité qui en résulte. Les chiffres sont alarmants : les forêts mondiales ont vu leur superficie diminuer de 129 millions d'hectares en 25 ans et ce phénomène de déforestation contribue à hauteur de 11 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Une perte annuelle de 7 millions d'hectares de forêts a été observée entre 2000 et 2010, pour un gain net de superficie agricole de 6 millions d'hectares par an.
Le projet de loi « Climat et résilience » comporte plusieurs dispositions pour mieux cerner la traçabilité des produits et élaborer une stratégie nationale de lutte, mesures qui sont traitées au fond par le rapporteur Pascal Martin. Nous étudions la possibilité d'apporter des ajustements pragmatiques et des engagements spécifiques au devoir de vigilance des entreprises, mais aussi de créer un indicateur spécifique qui consisterait en un plafond indicatif des émissions liées à la déforestation importée par période, dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Peu de données sont actuellement disponibles.
Parallèlement à ces éléments de droit, qui permettront de renforcer concrètement la prévention de la déforestation, nous devons poursuivre le mouvement, initié depuis plusieurs années et amplifié par le plan de relance, pour reconstituer une capacité de production nationale de protéines végétales, en particulier pour l'alimentation animale, en veillant à ne pas opposer les filières végétales et animales, mais bien en jouant des complémentarités. Le plan de relance prévoit de mobiliser 100 millions d'euros à cet effet et pose un objectif de doublement des surfaces légumineuses d'ici 2030 en France, soit un passage de 4 à 8 % de la surface agricole utile (SAU). Ce premier pas devra être amplifié et le déploiement de ce plan devra être accompagné par un soutien technique d'ampleur aux acteurs économiques via France AgriMer.
Le second sujet concerne la création d'un chèque nutritionnel, qui constitue un levier majeur pour soutenir la demande en produits locaux et de qualité. Le Président de la République a indiqué y être favorable lors d'une rencontre avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat. Depuis, plusieurs organisations professionnelles ont soutenu cette idée et des propositions de loi ont déjà été déposées à l'Assemblée nationale. Pendant la crise sanitaire, l'État a financé des chèques services pour l'achat de produits alimentaires pour les personnes sans domicile à hauteur de 15 millions d'euros. Le projet de loi « climat et résilience » ne comporte qu'une demande de rapport du Gouvernement au Parlement à l'article 60 bis, sur ce sujet, et ce projet n'aboutirait pas avant le budget pour 2022. Nous soutenons cette initiative qui permettra de renforcer le pouvoir d'achat de nos concitoyens, de valoriser notre marché agricole intérieur et d'orienter la demande vers des produits locaux et de qualité. Les modalités de mise en oeuvre doivent cependant être précisées, tant cette réforme a un potentiel structurel. Ce chèque alimentation aura vocation à limiter l'empreinte environnementale de notre alimentation en évitant le recours aux produits importés.
Enfin, s'agissant de la restauration collective, nous devons impérativement reconquérir les parts de marché perdues par nos produits. Nous aurons l'occasion de rentrer dans les détails techniques lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience » dans deux semaines. Notre rapport propose d'étendre à la restauration collective privée les obligations créées pour la restauration collective publique par la loi EGALIM, comme le préconise le projet de loi Climat. Nous proposons également de promouvoir une évolution des règles en vigueur au niveau européen afin de privilégier les approvisionnements locaux. Enfin, nous proposons d'élargir la liste des produits à privilégier dans la restauration collective à d'autres produits répondant à des critères locaux et de durabilité, par exemple ceux dont la production et la distribution seraient structurées dans le cadre d'un projet alimentaire territorial, même s'il faut avoir conscience que des difficultés juridiques peuvent se poser en la matière.