Intervention de Franck Riester

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 mai 2021 à 16h40
Politique commerciale — Audition de M. Franck Riester ministre délégué auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Franck Riester, ministre délégué :

Sur les distorsions de concurrence, je pense que le sujet nécessite une réunion spécifique, technique, plutôt qu'une audition devant trois commissions portant sur un nombre très important de questions. Il ne s'agit pas de non-réponse, mais d'un processus qui va permettre d'améliorer le texte au fur et à mesure. D'ailleurs, je suis preneur de toutes vos remarques, d'autant que vous semblez très bien connaître le texte. Retenons, pour l'instant, l'accélération, qui était demandée depuis longtemps. Tant mieux, car c'est un outil essentiel.

Effectivement, nous avons une grande dépendance envers la Chine : nous vendons beaucoup de produits en Chine, beaucoup de filiales de nos groupes sont en Chine - et heureusement, car dans la crise, c'est la croissance chinoise qui nous a permis de tenir ! Donc nous ne pouvons pas, du jour au lendemain, nous détourner de la Chine, au motif que ce n'est pas une démocratie, et supprimer toute collaboration économique avec elle. Mais nous devons régler un certain nombre de fragilités avec ce pays d'une façon pragmatique, concrète et déterminée. L'accord « CAI » (Comprehensive Agreement on Investment) y contribue. Pour l'instant, il y a une hétérogénéité entre l'ouverture de l'Europe aux investissements chinois et l'ouverture de la Chine aux investissements européens. Tout le monde demande la réciprocité. C'est l'objet même de ce texte : faire en sorte que nos entreprises européennes puissent investir davantage en Chine si elles le souhaitent, et de façon loyale, sans obligation d'avoir des dirigeants chinois, ou une majorité chinoise au capital, et sans être obligées de transférer des technologies. Cet objectif, je pense, est louable.

Et, pour la première fois, nous ne nous contentons pas de ces avancées en matière d'investissement : nous cherchons à faire bouger les Chinois sur les questions des droits humains, qui sont essentielles à nos yeux. Ce texte comporte donc des engagements sur le travail forcé. C'est la première fois que la Chine accepte avec un partenaire commercial ou économique, dans un projet d'accord d'investissement ou commercial, d'inscrire des conditions autres que strictement économiques. Il n'y a rien, dans l'accord de la Chine avec l'ASEAN, sur les droits humains et sociaux. Nous avons voulu inscrire ces points dans l'accord, afin de disposer d'un levier pour que les Chinois évoluent à ce sujet. Bien sûr, cela ne résout pas tout, et il faut des garanties très claires, précises, vérifiables et quantifiables. Bien sûr, vu le contexte de nos relations avec la Chine, qui prend des sanctions contre des parlementaires européens, il n'est pas question de signer quoi que ce soit, en l'état, avec ce pays.

Sur le Mercosur, je le dis très clairement : nous n'accepterons pas simplement des engagements du Brésil à lutter contre la déforestation, produire différemment ou, dans l'avenir, mieux lutter contre le réchauffement climatique. Non, nous voulons des engagements concrets, précis, quantifiables et vérifiables dans le temps, sur le réchauffement climatique, sur la déforestation et sur les normes sanitaires et phytosanitaires. Nous sommes dans une phase de travail, avec la Commission, les États membres et les pays du Mercosur, pour voir concrètement comment des garanties peuvent se mettre en place. Cela va prendre du temps, car, en ce moment, M. Bolsonaro n'est pas dans cet état d'esprit... L'an dernier, la déforestation s'est accrue de 10 % au Brésil. Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n'était. La forêt amazonienne n'appartient pas qu'aux Brésiliens, elle appartient à l'humanité. Et l'Europe a un rôle, dans sa politique commerciale, qui est celui d'exercer un effet de levier pour obliger les Brésiliens à bouger. S'ils ne bougent pas, ils n'auront pas un accès plus facile au marché européen.

Pour les producteurs agricoles, avec le ministre de l'agriculture et de l'alimentation Julien Deormandie, nous nous mobilisons beaucoup, à la demande du Président de la République, pour accélérer la mise en place de ces fameuses clauses miroirs. À partir de 2022, l'Union européenne interdira l'importation de viande d'animaux ayant reçu des antibiotiques comme facteur de croissance. Encore faudra-t-il identifier les producteurs concernés. Mais on avance. De même, l'interdiction d'importation de viande nourrie aux hormones impose des vérifications, avec les équipes de l'administration en charge de l'agriculture et les douanes. La volonté européenne, en tous cas, se traduit par ces nouveaux instruments, et par des moyens plus forts pour s'assurer que ce qu'on met en place en Europe est bien appliqué par nos partenaires.

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