Intervention de Jérémy Bacchi

Réunion du 9 juin 2021 à 15h00
Bibliothèques et développement de la lecture publique — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jérémy BacchiJérémy Bacchi :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « la lecture est à l’esprit ce que l’exercice est au corps ». Ces mots, je les tiens de Joseph Addison, intellectuel anglais qui s’opposa dans son pays à la monarchie absolue.

En effet, c’est bien en accédant à la connaissance, notamment par la lecture, que l’on se construit une âme de citoyen. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le premier réflexe des régimes autoritaires est de s’attaquer aux livres et à leur accès. C’est vrai des anciens régimes comme c’est vrai encore aujourd’hui, malheureusement.

Les bibliothèques publiques sont les chevilles ouvrières de cette politique de la connaissance. Pour tous les citoyens, quelle que soit leur condition, elles participent à la « démocratisation de la démocratie », pour reprendre les termes d’Étienne Balibar.

Toutefois, cette mission civique fait porter sur les épaules des bibliothèques de lourdes responsabilités. La première est celle de l’accès aux bâtiments, mais aussi à leurs trésors. Dans cette perspective, il est essentiel de valoriser les très nombreuses actions des bibliothèques pour, d’une part, attirer des personnes qui se sentiraient illégitimes ou pas assez dotées pour les fréquenter, et, d’autre part, faire de la médiation culturelle.

À ce titre, les actions d’accueil des publics scolaires, comme cela se fait à Marseille, entre autres, participent pleinement à la formation citoyenne des enfants.

La seconde responsabilité consiste à garantir des contenus divers et pluralistes. On l’a vu récemment dans certaines villes : la tentation est grande pour des majorités municipales de restreindre les contenus bibliothécaires à ce qui va dans leur sens. Nous devons lutter contre cette tentation, qui restreint le champ des possibles et contribue à assécher le débat démocratique.

Alors que l’uniformisation des modes de pensée guette, le service public bibliothécaire a une responsabilité toute particulière. Nous devons donc le préserver et lui donner les moyens d’exercer sa mission.

Néanmoins, les bibliothèques sont aujourd’hui bien plus que des bâtiments d’un autre temps, comme certains voudraient le faire croire. L’arrivée massive de nouvelles œuvres culturelles au sein des bibliothèques doit être accompagnée et encouragée. Les musiques et les films sont autant de contenus qui non seulement attirent les jeunes, mais aussi les forment intellectuellement.

De la même manière, il est malheureux que certaines communes fassent le choix de couper leurs abonnements à des journaux, alors même que les bibliothèques sont aussi des lieux pour s’informer, notamment pour celles et ceux qui ne peuvent pas se permettre de s’abonner à un journal.

Cette proposition de loi doit donner les outils nécessaires aux bibliothécaires pour se protéger de ces manœuvres, qui vont à l’encontre de l’essence même des bibliothèques : donner à chaque citoyen la possibilité de se construire un rapport au monde qui lui soit propre et lui donner les moyens de faire des choix éclairés.

Enfin, on ne peut pas parler des bibliothèques sans évoquer l’espace de vie qu’elles constituent. Expositions, conférences, rencontres, initiatives d’aide à l’exercice des droits, accès à internet : ces maisons du savoir permettent aux citoyens, parfois isolés, de s’intégrer à la communauté.

Accès à la connaissance et au divertissement, émancipation, construction citoyenne et intégration sociale, ce n’est pas un autre but que visait la Révolution en nationalisant les bibliothèques ecclésiastiques, puis en constituant les collections publiques à partir de 1790.

Si, comme le pensait la romancière Mary Higgins Clark, « une bibliothèque est un chemin vers le futur », l’absence de loi-cadre reconnaissant ce genre d’institution est une erreur que nous allons réparer, grâce à cette proposition de loi – je veux en remercier Sylvie Robert. Notre groupe soutiendra ce texte sans aucune réserve.

5 commentaires :

Le 24/06/2021 à 14:08, aristide a dit :

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 « la lecture est à l’esprit ce que l’exercice est au corps »

Lire c'est bien, écrire, c'est encore mieux.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 24/06/2021 à 14:10, aristide a dit :

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" donner à chaque citoyen la possibilité de se construire un rapport au monde qui lui soit propre et lui donner les moyens de faire des choix éclairés."

Les lumières et le communisme ne font pas bon ménage. Avez-vous lu le livre noir du communisme ?

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Le 24/06/2021 à 14:11, aristide a dit :

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"ces maisons du savoir permettent aux citoyens, parfois isolés, de s’intégrer à la communauté."

C'est surtout un lieu de refuge pour intellectuels exclus de la société...

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Le 24/06/2021 à 14:12, aristide a dit :

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Aller régulièrement dans une bibliothèque ne signifie pas que l'on s’intègre davantage à la société. Le lecteur a peut-être l'illusion de l'intégration, mais n'en connaît pas la réalité.

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Le 24/06/2021 à 14:15, aristide a dit :

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Pour ce qui est du livre noir du communisme, j'ai pu l'emprunter gratuitement dans une bibliothèque parisienne, dans un arrondissement très ancré à gauche en plus, hé hé hé...

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