Intervention de Martin Lévrier

Réunion du 9 juin 2021 à 15h00
Protection sociale globale — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Martin LévrierMartin Lévrier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le taux de non-recours aux aides sociales reste important dans notre pays.

En effet, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la Drees, il varie entre 32 % et 44 % pour la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et peut s’élever jusqu’à 67 % pour l’aide au paiement de la complémentaire santé. Par ailleurs, on estime qu’entre 7, 5 % et 8, 2 % des allocataires ne recourent pas à leurs droits pour les aides à la famille.

Complexité des démarches qui décourage les demandeurs, ignorance ou méconnaissances des dispositifs existants ou encore non-recours volontaire et motivé par le refus de la stigmatisation ou la conviction qu’il y a toujours plus malheureux que soi… Les raisons sont multiples.

C’est pour pallier ce phénomène complexe que notre collègue le sénateur Rachid Temal a déposé une proposition de loi visant à lutter contre le non-recours aux prestations sociales dans les secteurs du handicap, de la protection complémentaire de santé ou encore du RSA.

Pour ce faire, il propose dans un article unique la mise en place d’un système par îlots. Le premier serait dédié aux prestations liées à un handicap. Le second engloberait celles qui sont liées à de faibles ressources hors RSA. L’examen automatique aurait lieu au sein de ces îlots.

Le manquement aux obligations ainsi créé serait considéré comme constitutif d’une faute de nature à engager, en cas de préjudice, la responsabilité de l’administration. Ne risquons-nous pas d’aller ainsi vers la déresponsabilisation de l’allocataire ?

En outre, la proposition de loi prévoit la possibilité pour les organismes chargés de l’examen de l’éligibilité aux prestations de saisir à cette fin l’autorité compétente s’ils se trouvent dans l’incapacité de mener à bien l’opération.

Si l’intention de mon collègue est louable, le dispositif proposé se heurte à un certain nombre d’impossibilités matérielles.

Lors de l’examen de notre dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, le sujet avait été abordé. Il était clairement apparu que le montant de certaines allocations était conditionné soit aux ressources, soit à la situation familiale ou encore à la gravité du handicap. Il faudrait systématiquement demander ces données à l’allocataire, parfois inutilement et souvent de façon redondante.

Ainsi, ces démarches supplémentaires risquent de ralentir l’ouverture des droits demandés. C’est aller à rebours de l’objectif de cette proposition de loi, que nous partageons tous.

Par ailleurs, plusieurs dispositifs existent d’ores et déjà face au non-recours.

Je pourrais évoquer, au sein de l’assurance maladie, le plan local d’accompagnement du non-recours, des incompréhensions et des ruptures ou encore la plateforme d’intervention départementale pour l’accès aux soins et à la santé.

Je pense également aux plateformes numériques qui permettent aux Français de s’informer sur les prestations. Rappelons l’existence des simulateurs de droits sur « www.mesdroitssociaux.gouv.fr ». Songeons aussi aux maisons France Service, qui permettent de simplifier la relation des usagers aux services publics. Je rappelle que l’État a pris un engagement financier global de 200 millions d’euros d’ici à 2022 pour assurer leur déploiement et leur fonctionnement.

Enfin, n’oublions pas les rendez-vous des droits des CAF, ces entretiens personnalisés qui permettent d’étudier l’éligibilité des allocataires aux différentes prestations gérées ou non par les caisses d’allocations familiales, ou encore les technologies de la CNAF, qui, depuis 2017, facilitent un repérage du non-recours au sein de ses allocataires, afin de cibler au mieux les démarches proactives vis-à-vis de ceux-ci.

Mes chers collègues, comme je vous l’expliquais précédemment, le dispositif proposé se heurte à un certain nombre d’impossibilités matérielles. En outre, cette proposition de loi peut conduire à une forme de déresponsabilisation de l’allocataire. Enfin, elle ne tient pas tout à fait compte des dispositifs mis en place par le Gouvernement depuis 2018.

Pour ces raisons, notre groupe votera contre ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion