Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sortons à peine de l’une des plus graves crises sanitaires de notre histoire contemporaine. Pendant cette année si particulière, nous avons tous été heurtés dans nos habitudes et nos modes de vie.
Néanmoins, nous avons tenu ensemble, grâce au courage des Français et à l’engagement des soignants et des professions en première ligne. Le courage de ces derniers et la discipline de nos concitoyens ont été exemplaires.
Nous avons aussi tenu ensemble grâce à notre solidarité nationale. L’État et les collectivités ont répondu présent. Je le dis, parce que je pense que notre État-providence et notre solidarité collective sont une chance.
Cependant, plusieurs questions essentielles se posent à nous régulièrement. Jusqu’où doit aller cette solidarité ? Comment permettre à chacun d’accéder à ses droits sociaux ? Quel consensus autour de cette solidarité ?
Tel est l’objet de cette proposition de loi, qui tend à lutter contre le non-recours aux droits sociaux de nos concitoyens en systématisant l’examen de l’éligibilité aux droits. C’est un débat important, qui nous interroge sur les fondements de notre solidarité nationale.
En commission des affaires sociales, j’évoquais les fondateurs du programme du Conseil national de la Résistance. Ils nous inspirent encore aujourd’hui dans nos réflexions. Je ne suis pas sûr du tout qu’ils aient songé à rendre l’accès à notre solidarité nationale automatique.
Le non-recours aux droits et aux prestations sociales est un problème complexe, auquel nous sommes confrontés dans nos responsabilités. Je l’ai été en tant que vice-président du département du Nord chargé de l’insertion. Je connais les difficultés d’accès de nos publics les plus fragiles aux aides sociales, mais aussi l’importance de les accompagner dans une démarche responsable et active.
Les causes de ces difficultés sont nombreuses. La principale est liée à la complexité des démarches, qui décourage, voire effraye les demandeurs. L’ignorance ou la méconnaissance des dispositifs existants jouent également un rôle. Il peut exister enfin – cela a été évoqué – un non-recours volontaire, motivé par le refus de la stigmatisation.
Le non-recours touche davantage les publics les plus fragiles, les parents célibataires ou isolés, les personnes vivant en habitat précaire et nos concitoyens qui n’ont pas d’emploi stable.
Automatiser l’octroi des droits et prestations, comme le propose ce dispositif, aurait des conséquences que nous devons mesurer ensemble.
Tout d’abord, cela revient à remettre en cause l’idée d’une démarche personnelle du bénéficiaire et d’un engagement de sa part dans le processus d’insertion. Or le fait de solliciter une aide participe à l’adhésion du citoyen à notre système de protection sociale. C’est une étape importante.
Aussi, depuis plusieurs années, un travail substantiel est mené par l’État et les collectivités territoriales pour renforcer l’information des publics concernés. Des portails d’information ont été mis en place, mais pas seulement. Il existe également des simulateurs de droits numériques.
Dans le combat contre le non-recours et pour un engagement de nos concitoyens dans cette démarche, l’information et l’accompagnement sont la clé. Ainsi que cela a été rappelé, la CAF a mis en place des rendez-vous des droits, qui permettent aux assurés d’avoir conscience des prestations dont ils peuvent bénéficier.
La dynamique de certaines administrations sur ces sujets doit être saluée. Je pense notamment aux mécanismes qui permettent à chacun de bénéficier de l’ensemble de ses droits sociaux. Si davantage doit être fait pour lutter contre le non-recours, cela doit passer par le renforcement de l’accompagnement individuel autour des démarches des demandeurs.
La présente proposition de loi, comme celle de notre collègue Rémi Cardon sur l’élargissement du RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, pose de façon sous-jacente la question du revenu universel d’activité. Les réflexions de Christophe Sirugue sur ce sujet nous obligent à nous interroger. C’est légitime.
La mission d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France, présidée par notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, permet un débat passionnant, que nous devrons avoir ensemble.
Ce débat devra intégrer toutes les dimensions du RUA : solidarité, évaluation financière – nous sommes des élus et des parlementaires responsables – et valeur travail, qui structure notre société. En attendant, il ne nous semble pas opportun de nous engager dans une démarche complexe, qui interroge notre modèle social sans régler vraiment le problème du non-recours.