Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la sécurité sociale fait partie de l’identité de la France et de notre patrimoine. Elle a sa place dans le quotidien de tous les Français et exprime notre conception française de l’égalité et de la fraternité.
Avoir accès aux différents dispositifs d’aide est donc un enjeu essentiel de notre État-providence. Le préambule de la Constitution de 1946 reconnaît d’ailleurs le droit de tous à avoir accès à la protection sociale.
Pourtant, de nombreuses personnes restent éloignées de l’ensemble des dispositifs sociaux et ne recourent pas aux différentes aides, alors qu’elles y sont pourtant éligibles.
Cette proposition de loi pointe ainsi un vrai problème, celui du non-recours aux droits sociaux dans la France du XXIe siècle. C’est un phénomène complexe, mal connu et dont les chiffres sont difficilement exploitables. Par exemple, le taux de recours à la CMU-C est estimé en 2018 entre 56 % et 68 %, et celui du recours à l’ACS entre 33 % et 47 % seulement.
Il existe également un non-recours important pour les prestations destinées aux personnes à faibles ressources. Le recours à la prime d’activité est ainsi estimé à 77 %.
Les raisons du non-recours aux différentes aides sont diverses et nombreuses, mais c’est principalement la complexité des démarches à entreprendre qui décourage les demandeurs. Il existe aussi un manque de connaissance et de compréhension face à la multitude des dispositifs et des interlocuteurs à solliciter. Il faut noter que ce non-recours est particulièrement présent chez les personnes les plus fragiles, alors que ce sont ces personnes qui ont le plus besoin des aides.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise ainsi à remédier à cette problématique. L’article unique prévoit que, dès lors qu’une personne est admise au bénéfice d’une prestation sociale, un examen automatique de son éligibilité à d’autres prestations sociales relevant du champ de l’autonomie et des minimas sociaux doit être réalisé.
Les mesures que contient ce texte pourraient donc constituer un outil supplémentaire pour les caisses de sécurité sociale et les départements, afin de lutter contre le non-recours aux droits sociaux.
Pourtant, la mise en œuvre et la portée de ce mécanisme d’examen automatique d’éligibilité suscitent de nombreuses réserves.
Tout d’abord, le périmètre des prestations retenues n’englobe pas les prestations familiales ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Ensuite, les caisses et les organismes de sécurité sociale seraient confrontés à des difficultés de mise en œuvre concrète de ces mesures.
En outre, le mécanisme proposé, qui vise à informer le bénéficiaire de son éligibilité à d’autres prestations, ne constitue pas, en réalité, un apport significatif pour lutter contre le non-recours aux droits sociaux, au regard des dispositifs qui sont déjà mis en œuvre par les différents organismes.
Enfin, en ne s’adressant qu’aux personnes ayant déjà formulé une demande de prestation, le dispositif ne vise pas celles qui sont les plus éloignées des aides sociales.
Par conséquent, si nous considérons que le problème soulevé est réel, nous sommes réservés sur la réponse proposée, laquelle ne pourra résoudre de manière satisfaisante les nombreuses difficultés qui ont été soulevées.
Il convient, en réalité, de prendre le problème dans le bon sens. Comme je l’ai indiqué, la principale raison de ce non-recours est la complexité des aides et le manque de compréhension des différents dispositifs. Pour y remédier, il faudrait engager une grande démarche de simplification de notre système d’accès aux aides de la protection sociale, devenu complètement illisible au fil du temps.
En 2018, Gérald Darmanin, alors ministre des comptes publics, déclarait lui-même qu’il y avait beaucoup d’aides sociales et qu’il n’en connaissait pas la totalité. Comment peut-on espérer qu’un citoyen lambda se retrouve dans cette tuyauterie, alors que le plombier en chef ne connaît même pas l’ensemble de ses outils ?
Par ailleurs, il convient de traiter le problème de manière globale. Il y a le sujet du non-recours aux aides, mais il y a également, de l’autre côté, le sujet des fraudes sociales.