Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 8 juin 2021 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 24 et 25 juin 2021

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment aborder ce débat sans évoquer d’abord, une fois de plus, les difficiles suites du Brexit ? Le Royaume-Uni persiste à vouloir remettre en cause ses propres engagements. C’est ainsi qu’il prolonge jusqu’en octobre la dispense provisoire de contrôle sanitaire des produits agroalimentaires passant de la Grande-Bretagne à l’Irlande du Nord. La Commission européenne a lancé, le 15 mars, une procédure d’infraction contre le Royaume-Uni, qui a répondu le 14 mai. La Cour de justice de l’Union européenne pourrait être saisie.

La Commission poursuit le dialogue, mais Londres fait dépendre l’issue de ce dossier du déroulement de la marche des Unionistes, le 12 juillet. David Frost, le ministre britannique du Brexit, estime, quant à lui, qu’il est « difficile de voir comment, dans sa forme actuelle, [le protocole irlandais] peut être soutenable longtemps ».

Pendant ce temps, nos pêcheurs souffrent toujours ; les conditions d’obtention des licences pour les îles Anglo-Normandes sont modifiées sans préavis ; les négociations sur les volumes capturables par espèces patinent.

Alors, faut-il menacer de recourir aux mesures de compensation que comporte l’accord sur le Brexit ? Le climat général est déjà bien dégradé, et la situation des expatriés européens inquiète à son tour. Cette dérive britannique est-elle donc irrésistible ?

Au reste, nos voisins ne semblent pas avoir l’intention de s’impliquer dans la politique de sécurité et de défense de l’Union européenne. Ils sont sortis d’Althea, ils n’entrent pas dans la coopération structurée permanente et leur dernière revue stratégique a pour seul point de mire l’OTAN, dont, justement, le sommet du 14 juin prochain marquera le point d’orgue du réinvestissement américain, avec la venue du Président Biden à Bruxelles.

Dans ce contexte, comment faire pour que ne se brise pas l’élan en faveur de la sécurité et de la défense européennes qu’incarne la boussole stratégique ?

Le problème de la Turquie illustre la complexité de la situation actuelle. Les alliés de l’OTAN se refusent à sanctionner son comportement. Il n’existe pas de code de bonne conduite entre alliés, malgré une proposition en ce sens du groupe de réflexion.

L’Union européenne est donc la seule structure de sécurité collective susceptible de faire preuve de fermeté face à la Turquie. Ne nous précipitons pas, à la faveur d’une rhétorique devenue un peu moins inamicale, pour nous engager sans condition dans un agenda positif. La Turquie ne reconnaît toujours pas le droit de la mer. Les dénégations de son ministre des affaires étrangères à l’occasion de sa venue à Paris ne peuvent masquer la réalité d’un nationalisme expansionniste. La Turquie répète qu’elle veut rejoindre l’Union, mais elle malmène les libertés et les droits de la personne.

Le Conseil européen traitera également de la Russie. L’Union européenne a bien réagi en sanctionnant les responsables russes impliqués dans l’affaire Navalny. Toutefois, tout en refusant la politique russe du fait accompli, l’option du dialogue avec ce voisin incontournable nous semble devoir rester sur la table.

Dans la perspective de ne pas pousser plus encore la Russie dans les bras de la Chine, les États-Unis eux-mêmes ne s’opposent plus à l’achèvement du gazoduc Nordstream 2. C’est donc une ligne de crête, très étroite, qu’il s’agira de suivre, peut-être en coordination avec les alliés, entre la nécessaire réaction aux violations du droit international, la sanction des provocations et la poursuite d’étroites relations diplomatiques.

Concernant le détournement d’un avion civil par la Biélorussie, il faut souligner la gravité de cet acte. Les sanctions annoncées vont dans le bon sens, mais le Conseil n’en devra pas moins exiger la libération de ces deux prisonniers.

On le voit, l’Union européenne gagne en crédibilité en tant qu’acteur géostratégique. Ses réactions tendent à être plus fermes et plus rapides, mais cette crédibilité se mesure aussi aux effets de ses déclarations, de ses décisions et de ses condamnations. Or cela est un peu décevant, car l’Union est encore loin de revendiquer un statut de puissance. Pour y parvenir, le premier axe qui s’offre à elle est de placer sa puissance économique au service de ses intérêts stratégiques. À ce titre, la récente intervention de Thierry Breton, laissant entendre que des vaccins pourraient être fournis à la Biélorussie contre un retour à des relations plus coopératives, en est un bon exemple.

La politique internationale de l’Union ne sera toutefois jamais véritablement opérante sans traduction concrète au travers de sa politique de défense et de sécurité commune. Sur ce point, comment faire, monsieur le secrétaire d’État, pour que nos partenaires s’investissent dans le projet de boussole stratégique ?

Notre commission souhaite savoir quelles seront les positions du Gouvernement sur ces différents dossiers lors du prochain Conseil.

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