Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du 8 juin 2021 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 24 et 25 juin 2021

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous apercevons enfin la lumière au bout du tunnel dans lequel la covid-19 a enfermé l’Union européenne depuis déjà quinze mois. Même si la vigilance reste de mise à l’égard des variants, l’épidémie reflue et la vaccination accélère enfin. Ainsi, à ce jour, près de la moitié des adultes européens ont reçu au moins une dose de vaccin.

La liberté de circulation est en voie de rétablissement, grâce au certificat vert, créé par un règlement européen qui devrait être opérationnel d’ici à trois semaines. Toutefois, le retour à la normale ne sera possible qu’à la condition de rendre disponibles les vaccins aux quatre coins de la planète. L’Union exporte déjà la moitié de sa production de vaccins ; elle est aussi le plus important bailleur de fonds de Covax, l’initiative mondiale visant à garantir un accès équitable aux vaccins.

Vendredi, la Commission a aussi proposé d’utiliser les flexibilités de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce pour faciliter l’accès des pays vulnérables aux vaccins. Plutôt qu’une levée pure et simple des brevets, la Commission européenne propose ainsi de recourir aux licences obligatoires, mais aussi de faciliter la production de vaccins dans les pays en développement, en leur donnant accès aux ingrédients utiles, et de réduire les entraves aux exportations de vaccins.

Cette proposition sera discutée demain à l’Organisation mondiale du commerce. C’est à nos yeux une stratégie équilibrée, misant sur le multilatéralisme et garantissant une juste rémunération pour l’innovation. Sur ce sujet, le Président de la République a beaucoup tergiversé, se rangeant derrière l’Inde, l’Afrique du Sud et les États-Unis, pour finalement indiquer qu’il se déterminerait à la fin de l’année. Pourtant, le Conseil européen se tient dans quinze jours. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelle sera finalement sa position ?

La seconde dimension du retour à la normale est la relance. Sur ce front aussi, nous avons matière à nous réjouir : un grand pas a été franchi avec la ratification par tous les États membres de la décision « ressources propres », qui ouvre la voie à l’emprunt mutualisé sur lequel repose le plan de relance européen. Parallèlement, il est désormais acquis que les règles budgétaires du pacte de stabilité et de croissance resteront suspendues en 2022. C’est une bonne nouvelle.

Enfin, le Parquet européen a commencé ses activités le 1er juin à Luxembourg, ce qui contribuera à assurer le bon usage des milliards d’euros que mobilise l’Union européenne pour la relance.

Je dois toutefois avouer quelques motifs d’inquiétude.

Le premier concerne les délais de mise en œuvre du plan de relance. Notre pays a présenté son plan national de relance et de résilience dans les délais, avant la fin du mois d’avril. Pouvez-vous nous indiquer où en sont vos échanges avec la Commission sur ce sujet ? Surtout, pouvons-nous compter sur les premiers versements de l’Union – tant promis – dès le mois de juillet, comme annoncé initialement ?

Mon second motif d’inquiétude porte sur la conditionnalité liée au respect de l’État de droit.

Lors du Conseil européen de décembre dernier, les dirigeants européens sont convenus de conditionner le versement des fonds européens au respect de l’État de droit. Le mécanisme alambiqué mis en place a depuis lors été contesté par la Hongrie et la Pologne, qui ont demandé son annulation à la Cour de justice de l’Union européenne. Dans l’attente de sa décision, et malgré la pression du Parlement européen, la Commission européenne n’a toujours pas présenté les lignes directrices de la mise en œuvre de ce mécanisme, si bien que celui-ci ne peut être activé, alors même que la dérive de certains États membres se poursuit, voire s’accélère. Il y a trois jours, la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe déplorait notamment une « détérioration notable de la liberté d’expression et de la liberté des médias [en Slovénie] ».

La France fera-t-elle part au Conseil européen de sa préoccupation à cet égard ? Soulignera-t-elle, notamment, la nécessité d’une réaction rapide de la Slovénie, alors même que ce pays s’apprête à présider le Conseil de l’Union européenne dès le 1er juillet pour les six prochains mois ?

Je ne m’étendrai pas sur le volet extérieur de l’ordre du jour du Conseil européen. La question migratoire et celle des relations extérieures de l’Union européenne avec la Turquie et la Russie seront notamment abordées. Vous avez en outre déjà largement évoqué le sujet de la Biélorussie, monsieur le secrétaire d’État. Permettez-moi toutefois de citer un sujet de relations extérieures que le Conseil européen ne saurait négliger : notre relation avec le Royaume-Uni, évoquée par Pascal Allizard.

Lors du Conseil extraordinaire du 24 mai dernier, les dirigeants européens se sont penchés sur le sujet. Ils ont rappelé que l’accord de commerce et de coopération conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni était entré en vigueur le 1er mai dernier et que, avec l’accord de retrait et ses protocoles conclus en octobre 2019, il constituait le cadre de la nouvelle relation euro-britannique. Les dirigeants européens ont appelé la Commission à poursuivre ses efforts « pour assurer la mise en œuvre intégrale [de ces deux] accords, notamment dans les domaines des droits des citoyens de l’Union européenne, de la pêche et de l’égalité des conditions de concurrence, en faisant pleinement usage des instruments prévus par les accords […] et en dialoguant de manière permanente avec le Conseil ».

Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez ma sensibilité sur ce dossier – vous l’avez d’ailleurs évoquée. Notre commission vous entendra, ainsi que Mme Girardin, dans quelques jours sur le sujet de la pêche. Pouvez-vous toutefois d’ores et déjà nous indiquer si nous pourrons compter sur la mobilisation et la détermination du Gouvernement, dans les jours et les semaines à venir, pour régler ces questions qui devraient déjà l’être ?

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