Intervention de Jean-Pierre Decool

Réunion du 8 juin 2021 à 14h30
Amélioration de l'économie du livre — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre DecoolJean-Pierre Decool :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le livre est un objet à part. Il occupe dans notre société une place singulière, car il constitue tout à la fois un vecteur d’idées, un objet de transmission et un lieu d’évasion.

Ce n’est pas faire injure à notre République laïque ni à aucune religion d’ailleurs d’affirmer que le livre relève, pour la France, du sacré. Notre pays, sans doute plus que tout autre, entretient avec le livre une relation bien particulière.

D’abord, notre patrie a forgé son identité dans sa littérature. Ses grands auteurs en sont ses ambassadeurs, et l’esprit français n’existe pas sans ses belles-lettres.

Ensuite, notre pays a une magnifique tradition d’artisanat d’art en lien avec le livre. Les relieurs, les doreurs, les enlumineurs, les imprimeurs, et j’en passe, illustrent notre fascination pour les beaux livres.

Pour le dire simplement, la France aime passionnément le livre. Elle l’aime sous ses deux facettes : en tant que sujet et contenu, d’une part, et en tant qu’objet et contenant, d’autre part. On ne saurait totalement séparer le corps de l’âme, mais il est utile de rappeler ces deux composantes essentielles.

Ces deux composantes – le contenu et le contenant – et tous les acteurs économiques et culturels qu’elles font vivre ont un destin commun en partage. C’est pourquoi, pour défendre le livre qui nous est si cher, nous devons aborder le problème de façon globale. C’est particulièrement vrai au moment où l’irruption des nouvelles technologies de l’information bouleverse les équilibres en place.

Ce n’est pas la première fois que le monde du livre est contraint de se réinventer. Il suffit de regarder les magnifiques incunables, ces ouvrages antérieurs au XVIe siècle, entièrement rédigés et décorés à la main, pour se rappeler que le livre que nous connaissons aujourd’hui n’a rien à voir avec celui d’hier.

Les étapes décisives de cette évolution ont été nombreuses. Le passage du volumen au codex, le remplacement du parchemin par le papier, l’invention de l’imprimerie ou encore son développement industriel sont autant d’épreuves qui ont profondément modifié le livre. Il n’en est pas mort, mais il a dû se transformer et, avec lui, les acteurs qui y travaillent. C’est pourquoi, pour défendre le livre, et avec lui notre identité nationale, nous devons améliorer son économie et renforcer l’équité entre ses acteurs.

Mes chers collègues, j’ai cru utile d’en passer par cette longue introduction, car je souhaitais expliquer en quoi le texte dont nous allons discuter est si important. Je crois pouvoir l’affirmer, nous voulons tous promouvoir le livre.

Je tiens donc à remercier l’auteure de la proposition de loi, notre chère collègue Laure Darcos, qui nous apporte un texte consistant et ambitieux. Je ne maintiendrai pas le suspens plus longtemps : je souscris très largement aux mesures de cette proposition de loi. Elle intervient à plusieurs niveaux de façon pertinente. La proposition résulte en effet de larges concertations avec les acteurs du secteur. Par ailleurs, la saisine du Conseil d’État a permis de renforcer le dispositif sur le plan législatif.

L’obligation faite à tout éditeur en cessation d’activité d’adresser un état des comptes à tous les auteurs sous contrat avec lui est une mesure de bon sens. C’est une demande des auteurs que nous soutenons sans réserve.

C’est la même chose pour la possibilité ouverte aux auteurs et à des groupements d’auteurs de saisir le médiateur du livre. Il s’agit également d’une demande exprimée par les auteurs, que nous soutenons également sans réserve.

Reste que ce texte manquerait largement sa cible s’il n’apportait pas des solutions concrètes aux problèmes des libraires. La crise sanitaire a mis en évidence à la fois cette situation difficile et l’attachement des Français à leur libraire. La possibilité donnée aux communes et, sur proposition de la rapporteure, aux EPCI de les soutenir financièrement répond à une demande forte.

Nos libraires tissent dans nos territoires un précieux maillage culturel et social, auquel les Français tiennent. Que les acteurs publics puissent y contribuer paraît donc pertinent. Ces mesures, je crois, ne porteront pas à polémique.

Tel n’est pas le cas de la réglementation des frais d’envoi. Sur ce point, je sais la divergence de fond entre la commission des affaires économiques et la commission de la culture. Ayant moi-même récemment quitté la première pour rejoindre la seconde, j’ai reçu les arguments de l’une et de l’autre avec une égale bienveillance.

Je constate que cette divergence au fond reposait sur deux hypothèses différentes quant aux comportements d’achat. Je veux faire confiance aux forces vives de France, en choisissant la proximité. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants soutiendra sans réserve le texte de la commission.

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