Intervention de Béatrice Gosselin

Réunion du 8 juin 2021 à 14h30
Amélioration de l'économie du livre — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Béatrice GosselinBéatrice Gosselin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux en premier lieu remercier Laure Darcos, auteure de cette proposition de loi, et Céline Boulay-Espéronnier, notre rapporteure, pour cette belle initiative de défense du livre et des librairies. Ces dernières sont des lieux essentiels du développement de l’offre culturelle. Elles sont 3 300 à mailler les territoires de nos villes, grandes ou petites, lieux de découverte, pour tout public, de la littérature et de la culture.

Cependant, elles sont aussi des commerces qui rencontrent de grandes difficultés financières et sont parfois contraints de disparaître. En effet, les libraires bénéficient d’une faible marge sur la vente des livres et doivent prendre en charge le loyer et les charges salariales de leurs employés, comme c’est le cas pour toute activité commerciale.

Ces professionnels doivent en outre faire face à une concurrence très sévère de la part des plateformes, principalement d’Amazon, qui achemine gratuitement ou presque les documents achetés au domicile de leurs clients. Le coût réel du port est bien évidemment plus élevé, de 4 à 6 euros pour un colis de 500 grammes ; mais ces chaînes de distribution, ayant conclu un accord avec La Poste et participant à l’acheminement, profitent d’un tarif préférentiel.

Les plateformes du e-commerce préfèrent être déficitaires sur les frais d’expédition et traitent le livre comme un produit d’appel pour proposer à la vente d’autres articles aux marges beaucoup plus lucratives.

Bien que le 10 août 1981, la loi Lang ait imposé le tarif unique, et bien qu’en 2014 la Fnac se soit vue interdire le rabais de 5 % sur la vente à distance de livres, les libraires subissent toujours une concurrence déloyale des chaînes de distribution : ne pouvant prendre en charge les frais de port, ils les facturent, ce qui augmente le prix du produit pour le consommateur.

Dans cette proposition de loi visant à améliorer l’économie du livre, il est proposé de fixer par arrêté un tarif identique, fondé sur le poids, pour tout acheminement de livre, quel que soit l’expéditeur. À quinze jours de l’étude du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique, n’est-il pas important que le consommateur prenne conscience de l’émission de CO2 causée par le transport d’une marchandise sur des centaines de kilomètres, et participe financièrement ?

D’aucuns rétorqueraient que le e-commerce permet aux habitants de territoires dépourvus de librairies de se procurer des livres. Or auditions et enquêtes montrent que le choix des plateformes, loin de répondre à une absence commerciale locale, est davantage le fait d’utilisateurs urbains socialement plutôt aisés.

L’affichage du prix du livre doit aussi préciser très clairement s’il s’agit de livres neufs ou de livres d’occasion. Parfois, sur les sites ou applications pour smartphones, le peu de clarté des tarifs incite à penser que le livre est neuf et vendu à un prix préférentiel, alors qu’il s’agit en réalité d’un volume d’occasion.

Pour corriger toute initiative des distributeurs qui ne serait pas conforme à la loi, notre rapporteure proposera, à l’article 1er, de supprimer la procédure de contrôle inemployée par le ministère de la culture pour s’en remettre à l’efficacité des organisations professionnelles et du médiateur du livre.

Ce dispositif légal de rééquilibrage de la concurrence pourrait être complété par la mutualisation et la modernisation des réseaux de librairies indépendantes. Le plan de relance de 12 millions d’euros pourrait venir au soutien financier de cette restructuration.

Sur le plan local, l’article 2 prévoit d’instaurer un dispositif fiscal permettant aux communes et communautés de communes d’attribuer des subventions aux librairies indépendantes, labellisées ou non, pour permettre le maintien d’une offre culturelle de proximité et de qualité dans nos territoires.

Le monde du livre se caractérise par la diversité de ses acteurs, la fragilité de la filière et l’interdépendance de ses maillons : auteurs, éditeurs, libraires indépendants ou en réseau.

Si la crise sanitaire a accéléré la fragilisation des libraires, elle a mis également en lumière la difficulté des auteurs. Le conseil permanent des écrivains réclamait la mise en place d’un outil de suivi des ventes en sortie de caisse, destiné à apporter aux auteurs une information régulière et précise quant aux ventes de leurs ouvrages. Les auteurs seront associés à la mise en place de ce dispositif dit « Booktracking », malheureusement retardé à cause de la crise sanitaire. L’article 3 de la proposition de loi conforte cette demande en prévoyant un suivi de l’état des comptes et du stock de l’éditeur lorsque la cessation d’activité est prononcée.

Quant à l’article 5, il réforme la partie du code du patrimoine qui concerne le dépôt légal. Celui-ci, fondé en 1537, fait entrer dans les collections nationales un exemplaire de toute production éditoriale française, écrite, graphique, sonore, cinématographique, audiovisuelle, sous sa forme visuelle ou numérique. Mais certaines collections automatisées de sites web sont inaccessibles, car payantes ou protégées. Ce texte propose de créer des moyens techniques et juridiques permettant de rendre obligatoire le dépôt de tout document, en vue d’en assurer la conservation et la consultation tout en garantissant la protection des données.

Cette proposition de loi sécurise donc plusieurs aspects de la filière du livre : les droits d’auteur, la profession de libraire face aux géants de la distribution, le dépôt légal de tout document.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. Pendant la crise sans précédent que nous venons de traverser, les échanges, conseils, démarches se faisaient par écran interposé ; nous avons tous souffert, à divers degrés, de l’isolement et du manque de contact avec nos semblables. Ne faut-il pas légiférer pour supprimer la concurrence déloyale subie par ces lieux de rencontres que sont les librairies, qui méritent d’être préservées, et pour favoriser nos libraires en contrepartie des conseils qu’ils prodiguent et du professionnalisme dont ils font preuve ?

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