Depuis vingt ans, depuis l’édiction et la mise en œuvre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, à laquelle s’ajoutent restrictions constitutionnelles et réglementaires du droit d’intervention en la matière, on peut constater la faiblesse de notre pouvoir d’intervention en matière budgétaire : il est temps, grand temps de le faire !
C’est une question démocratique fondamentale. Redonner confiance dans l’action politique, dans le débat politique, c’est inverser le cours des choses pour que nos concitoyennes et nos concitoyens n’observent plus, jour après jour, l’impuissance de ceux qu’ils ont élus à peser sur l’évolution de la société.
La diminution des pouvoirs du Parlement en matière budgétaire est strictement parallèle au renforcement des contraintes imposées par l’Union européenne et ce que j’appelle volontiers son « bras armé », la Commission européenne, dont notre peuple ne perçoit justement pas le fondement démocratique. Nous sommes au cœur du débat sur la souveraineté populaire.
Lorsque nous parvenons à vous imposer, si j’ose dire, monsieur le ministre, un débat sur ces questions, votre réponse est sans appel : ça ne se décide pas à notre échelle, dans notre hémicycle. Le maître mot depuis vingt ans est celui-ci : ce n’est pas « eurocompatible » !
Les taux du prélèvement injuste qu’est la TVA sont encadrés par des règles européennes : on n’y touche pas !
La baisse de la trajectoire de l’impôt sur les sociétés de 8 points serait une obligation dans une économie mondialisée : on n’y touche pas !
La taxe sur les transactions financières, qui rassemble désormais largement les partisans d’une plus grande justice fiscale, relève d’une négociation européenne. Ce n’est pas pour nous : on n’y touche pas !
« Si vous agissez, nous dit-on, c’est la fuite des capitaux ! » Emmanuel Macron lui-même a fixé la ligne : « Est-ce qu’on peut massivement taper les gros contribuables, idée qu’on adore chez nous ? On peut le faire, mais les gros s’en vont. » Ce chantage à la fuite des premiers de cordée débouche sur une impossibilité à modifier tant l’impôt sur le revenu que l’impôt sur les sociétés pour améliorer leur progressivité. Là non plus, on n’y touche plus !
Comme le développera mon collègue Éric Bocquet, le droit d’intervention sur les lois de finances a connu une réduction drastique. Le droit d’amendement y est réduit à sa portion congrue sous la pression de l’article 40 de la Constitution, que nous proposons d’abroger, ou pour le moins d’assouplir, et de la LOLF. Ces outils accompagnent inexorablement la montée en puissance des autorités européennes en dehors d’un contrôle démocratique réel et permanent.
Quand nous commençons à examiner le projet de loi de finances, il a déjà été validé par la Commission européenne. Le Haut Conseil des finances publiques et la Cour des comptes ont vérifié s’il ne sortait pas des clous de ladite programmation des finances publiques, qui établit la conformité de notre politique budgétaire aux objectifs financiers, économiques et sociaux de la Commission européenne.
Oui, je l’affirme, la déferlante d’irrecevabilités, notre réduction du temps de parole en la matière et l’étroitesse de la marge de manœuvre résultent de choix fondamentaux qui, selon nous, posent un problème démocratique grave.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, c’est dans une démarche critique, mais aussi constructive, que nous avons de l’ambition.
Réhabiliter les prérogatives du Parlement en matière budgétaire exige bien entendu des réformes structurelles lourdes, extrêmement lourdes. Il faudrait changer l’Europe, changer notre Constitution et changer notre règlement.
Nous avons engagé un travail, avec nos collègues députés, pour livrer un contre-projet à la réforme dite « de modernisation des finances publiques » qui rassemble de La République En Marche jusqu’aux Républicains à l’Assemblée nationale. Nous vous opposerons un projet d’abord focalisé sur la planification des besoins de la Nation et fondé sur la démocratisation de la procédure budgétaire.
Nous refusons l’idée qu’une loi de programmation consiste seulement à sanctionner les parlementaires et les ministères dépensiers, pris dans des comptes d’apothicaires, toujours corsetés par la lancinante et persistante musique de la dette.
Même si certains ici aspirent à voir inscrire une « règle d’or » dans la Constitution, …