Intervention de Vanina Paoli-Gagin

Réunion du 10 juin 2021 à 15h15
Quelle portée de l'intervention du parlement dans l'élaboration du projet de loi de finances — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Vanina Paoli-GaginVanina Paoli-Gagin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le retour des beaux jours et l’assouplissement des mesures sanitaires, nous serions tentés de croire que la crise est déjà derrière nous. Du point de vue économique, la prévision de croissance à 5 % pour l’année 2021 pourrait nous conforter dans cette idée. Mais c’est, bien sûr, un effet de perspective, car cette croissance dynamique ne nous permettra pas de retrouver le niveau de richesse que nous connaissions avant la crise.

Or tant que notre dette demeurera si élevée, à hauteur de 120 % du PIB, notre situation financière restera très préoccupante. Une fois de plus, nous comptons sur nos enfants pour qu’ils payent, demain, les dépenses que nous engageons aujourd’hui.

Aussi, le sujet de ce débat peut, de prime abord, sembler anecdotique eu égard aux enjeux financiers. Nous allons discuter de la méthode pour élaborer le budget, alors qu’il faudrait discuter de la stratégie pour réduire notre dette publique. Mais il n’en est rien : la question n’est pas anecdotique, puisqu’il s’agit précisément de déterminer qui peut élaborer cette stratégie de réduction de notre dette publique, et par quelle voie nous devons agir dans ce sens.

Quelle est la portée de l’intervention du Parlement dans l’élaboration du projet de loi de finances ? Elle est minime – ce seul adjectif suffit à répondre à la question. Il sera intéressant de recueillir les points de vue des différents groupes, mais je crains que nous ne tombions tous d’accord. C’est un comble, car c’est l’une des missions premières et essentielles du Parlement que de voter le budget et de contrôler son exécution.

Il en va de la loi de finances comme des autres textes législatifs, c’est une réalité : 80 % des textes adoptés par le Parlement sont d’initiative gouvernementale. En clair, le Gouvernement prend les initiatives, le Parlement les valide. Dans ce processus de validation, le Sénat, des deux chambres, joue le rôle le plus ingrat. La Haute Assemblée se contente, dans les faits, d’un rôle d’amendement et l’Assemblée nationale a tout loisir de détricoter le travail que nous effectuons chaque année avec sérieux.

J’insiste : le Sénat, chaque année, accomplit ce travail avec sérieux, bien qu’il s’agisse essentiellement de déposer des amendements. Il le conduit même parfois avec trop de sérieux, en durcissant les contraintes qui s’imposent à lui.

L’article 40 de la Constitution, le mieux connu de notre assemblée, est ici en cause. Il dispose que les amendements des parlementaires « ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

La conséquence, c’est l’augmentation drastique du coût du tabac, avec le recours désormais proverbial à la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

C’est une voie de facilité à laquelle nous cédons, bien souvent par commodité légistique, en gageant nos propositions, sans engager de réflexion de fond sur cette limitation. Au demeurant, c’est moins l’article 40 de la Constitution qui limite notre travail que l’interprétation qui en est faite. Bien souvent, les raisons qui conduisent notre excellente commission des finances à l’appliquer demeurent impénétrables aux sénateurs, dont les propositions sont tues.

Cette application très stricte de l’article 40 laisse craindre que le Sénat ne bride lui-même ses propres initiatives. Or je pense l’avoir bien démontré : notre position dans le processus d’élaboration de la loi ne nous autorise pas vraiment à pécher par excès de zèle.

Bien sûr, comme le disait déjà Frédéric Bastiat il y a plus d’un siècle, rien n’est plus facile pour les représentants que de voter une dépense et rien ne leur est plus difficile que de voter une recette. C’est une réalité que nous ne pouvons ignorer.

Mais c’est précisément parce que nous connaissons cette réalité que nous nous devons d’engager une stratégie ambitieuse de réduction du déficit. Dès lors, notre travail d’amendement ne risquera pas de nous entraîner sur des chemins que nous ne comptons pas emprunter.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion