Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 10 juin 2021 à 15h15
Quelle portée de l'intervention du parlement dans l'élaboration du projet de loi de finances — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Malgré tout, la Constitution prévoit toujours la possibilité de reconduire les budgets ministériels à l’identique. Pas de shutdown possible en France, contrairement aux États-Unis !

Je concentrerai mon propos sur l’exercice du droit d’amendement lors de la discussion du projet de loi de finances, qui reste le cœur de l’action des parlementaires, malgré l’ensemble des contraintes procédurales particulières à ce type de texte.

Contrairement à ce qui se passe avec les autres textes, et c’est une différence importante, le droit d’amendement en commission n’existe pas, la révision constitutionnelle de 2008 ayant maintenu une forme de privilège gouvernemental en la matière que les délais constitutionnels d’examen très resserrés ne justifient pas pleinement.

Surtout, le droit d’amendement est encadré par l’article 40 de la Constitution et par la LOLF, qui sont implacables et dont l’interprétation est parfois bien obscure. Si le contrôle de la recevabilité financière des amendements des parlementaires n’est pas nouveau, la différence de marge de manœuvre avec l’exécutif, qui peut déposer des amendements à tout moment et n’est pas soumis à la règle de l’équilibre des recettes et des dépenses, devient de plus en plus injustifiable.

Sur l’application de l’article 40, on a pu regretter un manque de clarté, voire une approche trop restrictive par le passé, sachant que la déclaration d’irrecevabilité n’est pas susceptible de recours. Je retiens en particulier les amendements sur les ressources affectées ou bien l’aggravation hypothétique de charges au-delà de l’année visée par le projet de loi de finances. Je pense aussi à l’utilisation de l’irrecevabilité comme moyen commode de réduire ex ante le nombre d’amendements à discuter.

En fait, tout concourt à donner une liberté d’action minimale aux parlementaires. Espérons néanmoins que l’assouplissement récent observé dans la pratique de la commission des finances dans ce domaine soit durable.

Les limitations pratiques du droit d’amendement des parlementaires lors de l’examen des projets de loi de finances se manifestent aussi par un déséquilibre entre la première partie, où les amendements sont nombreux et créatifs, et les crédits de la seconde partie où le Parlement ne peut, en vertu de la LOLF, que modifier à la marge la répartition des crédits budgétaires au sein d’une même mission, mais non entre deux missions distinctes. En d’autres termes, là encore, notre marge de manœuvre est réduite à la portion congrue par le mécanisme très artificiel de la fongibilité asymétrique des crédits, comme le désignent les spécialistes.

Il faut néanmoins, à ce stade, saluer les travaux menés en 2019 par nos collègues de l’Assemblée nationale dans le cadre de la mission d’information relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la Milolf. Le rapport d’information remis par Laurent Saint-Martin recommandait notamment d’associer plus étroitement le Parlement à l’élaboration de la stratégie budgétaire. C’est un début.

La meilleure association des parlementaires au processus budgétaire pourrait, en retour, contribuer à une plus grande responsabilisation dans l’usage que nous faisons du droit d’amendement. Pour le dire simplement, il s’agit de donner la priorité à la qualité sur la quantité, et à la véritable proposition sur l’amendement d’appel ou sur celui demandant un rapport pour contourner l’article 40.

Telles sont les quelques rapides remarques que l’on peut formuler sur le rôle du Parlement dans l’élaboration des lois de finances.

Je remercie encore une fois le groupe CRCE de ce débat très intéressant, même si, parce qu’il clôt notre semaine de travaux parlementaires, il est de fait condamné à être confidentiel.

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