Aucun collègue n'a exprimé une totale opposition à nos propositions. Beaucoup d'interlocuteurs estiment que la CNIL est aujourd'hui sur des positions archaïques. Critiquer la CNIL revient à s'attaquer à un monument. Or, nous restons attachés à la protection de nos données, mais nous devons organiser leur utilisation. Et aujourd'hui, nous donnons largement nos données personnelles aux GAFAM. Certes, nous redoutons de fournir nos données à un État qui deviendrait totalitaire, mais cela ne doit pas nous paralyser. Je souligne que si la crise sanitaire a été administrée, je ne considère pas qu'elle a été bien gérée. Pourquoi ne pourrions-nous pas construire un EPRUS numérique ? Il faut certes prendre des précautions dans la collecte et le traitement des données personnelles mais en préservant des capacités de réaction. Si une solution numérique permet de cibler les réponses et d'éviter de prendre des mesures générales de confinement, c'est un progrès.
Quand j'étais président de conseil général, je voulais faire des économies d'énergie. Je ne voulais pas laisser penser aux agents que je savais mieux qu'eux ce qu'il fallait faire et leur ai demandé de formuler des propositions. Spontanément, ils ont recommandé d'éteindre les lumières dans les bureaux vides. Il faut en toute chose avoir la même approche : ne pas être trop directif et demander les suggestions à la base. Plus de contraintes numériques peut aider à avoir plus de libertés physiques, donc permettons-nous d'avoir le choix. Nous n'avons pas étudié le rôle des médias dans les différents pays. L'improvisation n'est pas toujours mauvaise mais pas toujours bonne non plus. C'est pourquoi, il faut avoir prévu à l'avance des outils pour gérer les crises.
Disposer d'un cloud souverain est évidemment la solution que nous préférons, mais certains de nos voisins européens ont choisi d'aller vers des dispositifs adossés aux GAFAM, qui s'avèrent finalement assez sécurisés. Nous craignons tous que les outils numériques soient aux mains du pouvoir, mais nous pouvons prendre des mesures législatives protectrices. Si nous ne faisons rien, ce sont les GAFAM qui imposeront leurs solutions. Certaines de nos propositions sont parfaitement acceptables : un identifiant numérique paraît de bon sens au 21e siècle. Même la CNIL a fait évoluer sa position sur le sujet, du moins dans le domaine de la santé. L'espace numérique de santé est aussi une avancée. On a 10 millions de personnes qui disposent désormais d'un dossier médical partagé (DMP). Il convient d'avancer. Nous aurions pu vivre avec moins de contraintes si cela avait été mis en place plus tôt. Enfin, un Crisis Data Hub serait à mon sens utile, car il permettrait d'adapter le degré plus ou moins intrusif d'utilisation des données personnelles en fonction de la gravité de la crise.