Intervention de Laurence Cohen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 mai 2021 : 1ère réunion
Échange de vues sur les suites de la table ronde de la délégation du 8 avril 2021 sur le bilan de l'application de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Merci Madame la Présidente. Il est important de revenir sur la genèse de la loi. Outre tout ce qui a été souligné quant à l'implication des ministres à l'époque, nous avons toutes vécu l'examen de la proposition de loi par le Sénat. Une rude bataille a eu lieu dans l'hémicycle. Ce n'était pas du tout évident. Il a fallu travailler d'arrache-pied avec les ministres pour développer des arguments et réussir à faire passer cette loi.

Je vois des paradoxes dans la société. Un sondage réalisé en 2019 indique que 78 % de la population française est favorable à la pénalisation des clients de prostituées. Dans le même temps, je trouve que la prostitution est banalisée, notamment chez les mineurs. Je demande depuis un moment que nous nous engagions sur le sujet. Nous l'avons vu lors de la table ronde, les jeunes mineures n'ont pas conscience d'être asservies, dépendantes, contraintes. Elles ont l'impression d'obéir à leur libre choix. Un certain nombre d'entre elles ne prennent pas conscience de ce qu'elles vivent. Elles ont l'impression de se prostituer pour avoir des vêtements, des sacs ou de l'argent facile, avant de reprendre le cours de leur vie normale. Nous savons pourtant que les conséquences physiques et psychologiques ne s'arrêtent pas là, et qu'il existe une sorte de spirale infernale.

Je sais que le sujet de la prostitution des mineurs est très compliqué à traiter. J'en ai discuté avec la procureure de mon département, qui est très impliquée. Il n'est pas simple d'agir et de sensibiliser les jeunes filles aux dangers de la prostitution. Nous voyons d'ailleurs que les parents sont complètement désemparés. Il est important de souligner que ce phénomène touche tous les milieux sociaux.

L'absence de volonté de faire avancer cette loi a été pointée tout à l'heure. Aucun moyen n'est accordé pour le faire. Il me semble que notre délégation devrait peut-être mettre en place un continuum d'actions. Nous avons déjà interrogé la ministre actuelle. Nous nous sommes exprimés par voie de presse, et devons continuer de le faire. Outre les actions que nous pouvons mener au sein de nos départements, je m'interroge quant au rôle de la commission départementale. La commission n'est toujours pas opérationnelle dans mon département. J'ai demandé à y être associée. Le préfet précédent était tout à fait d'accord avec moi, mais cela n'a pas fonctionné. La préfète actuellement en place ne connaissait pas bien le sujet et l'a délégué à un sous-préfet, très motivé sur la question. Nous voyons bien le chemin qui reste à parcourir.

Je me demande si nous ne devrions pas mener ensemble, en tant que délégation aux droits des femmes, quelques actions coup de poing, retentissantes.

La délégation ne pourrait-elle pas mener des actions pour intervenir dans les établissements scolaires, de façon médiatique, en lien avec des enseignants ? Il faudra y réfléchir pour trouver le lieu adéquat. Ma deuxième proposition n'est pas si simple à mettre en place, bien que je l'ai fait dans mon département. Nous pourrions participer à des maraudes, avec Le Nid notamment, mais aussi avec d'autres acteurs, pour aller à la rencontre de personnes prostituées. Je sors ici de nos départements respectifs pour voir ce que la délégation en tant que telle, avec sa présidente et un certain nombre d'entre nous, pourrait faire en alertant les médias, le cas échéant. Il me semble que nous devons réussir à établir un calendrier qui pourrait nous rendre visibles.

De plus, Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance, semble très sensibilisé au problème lorsque nous en discutons avec lui. Pourtant, rien ne se passe. Ne pourrions-nous pas l'inviter avec Élisabeth Moreno pour parler de ce sujet, et notamment de la prostitution des mineurs, mais pas uniquement ? Ce sujet, s'il doit être pris en charge, ne doit pas occulter la prostitution d'une manière globale.

Il est évident que la pauvreté peut, entre autres, constituer un terreau à ces situations. Ce sont souvent des personnes fragilisées, à qui on a retiré leurs papiers. Ce n'est pas antinomique. Nous devons nous occuper de faire reculer la pauvreté, mais nous ne pouvons pas attendre que le monde soit idéal pour que la prostitution disparaisse. Je ne pense pas qu'elle prendrait fin, de toute façon. Un travail doit être mené sur les mentalités.

Voilà mes propositions un peu concrètes. Je me dis que nous devrions faire cela pour continuer à montrer la détermination de la délégation en l'absence de volonté gouvernementale.

Enfin, pourrait-il y avoir une entente sur ce sujet entre la délégation aux droits des femmes du Sénat et celle de l'Assemblée nationale ? Là aussi, nous pourrions imaginer des actions ensemble.

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