Intervention de Laurence Rossignol

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 mai 2021 : 1ère réunion
Échange de vues sur les suites de la table ronde de la délégation du 8 avril 2021 sur le bilan de l'application de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Merci, Madame la présidente, de me redonner la parole. Lorsque j'évoquais les lobbies, j'ai oublié de parler d'une donnée centrale : l'argent généré par le trafic sexuel d'êtres humains est du même montant que celui généré par les trafics d'armes et de drogue. Ne soyons pas naïves. Dans les obstacles et l'indifférence que nous rencontrons dans la lutte contre le trafic d'êtres humains et le système prostitutionnel, des intérêts financiers colossaux sont en jeu. Une partie des associations si actives pour demander la légalisation de la prostitution, selon le système allemand, travaillent également pour le business du sexe, consciemment ou non, volontairement ou non.

C'est également une question internationale. Les Suédois m'ont interpellée à ce sujet. Après l'adoption de la loi de 2016, ils cherchaient des partenaires abolitionnistes en Europe permettant de définir une position européenne commune. Une partie de la solution se joue dans les liens que nous pouvons tisser avec des structures internationales. Je me demandais donc si la délégation aux droits des femmes du Sénat pouvait protocolairement adhérer en tant qu'instance à la coordination pour l'abolition de la prostitution. Comment pouvons-nous participer à un réseau de parlementaires, ou au sein de l'union interparlementaire (UIP) pour contribuer à rassembler des personnes partageant nos positions ? Je voyage moi-même assez souvent à la rencontre de nos ambassades et je tiens à dire que nos postes à l'étranger sont bien plus investis dans la lutte contre la prostitution que ne le sont nos représentants de l'État dans l'hexagone ou les outre-mer. J'ai souvent été invitée par des ambassades pour participer à des tables rondes à l'initiative de parlementaires ou d'associations dans d'autres pays, nous demandant de faire de l'ingénierie. Je suis toujours très gênée de leur expliquer comment nous faisons la loi, ce que nous y mettons, puis de leur montrer la réalité des résultats qui ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. Je pense que nous avons un travail à mener sur le plan international.

Enfin, Laurence Cohen et la présidente ont raison de nous proposer une audition commune d'Adrien Taquet et Élisabeth Moreno. Pour avoir vécu les choses de l'intérieur, je peux toutefois vous assurer que leurs moyens d'action sont limités. Ce n'est pas chez eux que se joue la mise en oeuvre de la loi. Elle se joue place Vendôme et place Beauvau.

Dans les commissions départementales, nous citons toujours les préfets, mais n'oublions pas les procureurs. J'ai vu des commissions qui fonctionnaient très bien, car les procureurs et les gendarmes étaient leaders dans l'application de la loi dans leur département. La justice doit être impliquée. Je propose d'auditionner le garde des Sceaux, qui a des choses à nous dire sur les violences faites aux femmes, les violences sexuelles, les féminicides, la justice et la loi contre la prostitution.

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