Intervention de Corinne Imbert

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 15 juin 2021 à 14h00
Projet de loi relatif à la bioéthique nouvelle lecture — Examen du rapport et du texte de la commission spéciale

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert, rapporteure :

M. Olivier Henno, qui ne pouvait être parmi nous cet après-midi, m'a chargée de dire quelques mots sur deux sujets qui restent en discussion.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 11 encadrant l'utilisation des traitements algorithmiques en santé dans une rédaction très proche de celle qui a été adoptée en deuxième lecture, ce qui a pour effet de supprimer les garanties introduites par le Sénat. L'Assemblée nationale a également, à l'initiative du Gouvernement, supprimé le principe de l'information préalable du patient en amont de l'utilisation d'un traitement algorithmique de données massives, ce qui est fort regrettable. C'était l'un des apports du Sénat que les députés avaient accepté en deuxième lecture, et M. Henno s'interroge sur les raisons de ce revirement.

J'évoquerai maintenant les articles dont j'avais la responsabilité. Avant d'aborder les points sur lesquels les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat m'apparaissent irréconciliables, je souhaite débuter mon propos par une note positive.

Nous pouvons, en effet, nous féliciter que les deux assemblées soient parvenues à s'entendre sur des dispositions favorisant le recours aux examens génétiques dans l'intérêt du patient et permettant de prévenir d'éventuelles pertes de chances.

Concernant la réalisation en première intention d'un examen génétique chez les nouveau-nés, dans le cadre du dépistage néonatal pour la recherche d'anomalies génétiques ciblées susceptibles de mesures de prévention ou de soins - une possibilité que le Sénat a introduite en première lecture à l'article 19 quater -, l'Assemblée nationale a validé ce dispositif en n'y apportant en nouvelle lecture que des modifications rédactionnelles.

En outre, les députés ont validé, à l'article 23, la revalorisation du rôle des conseillers en génétique, qui pourront se voir reconnaître la possibilité de communiquer les résultats d'un examen génétique en accord et sous la responsabilité du médecin généticien ; la commission spéciale du Sénat avait défendu cette possibilité au cours des deux premières lectures.

En revanche, des divergences profondes demeurent en matière de recherche. Le principal point d'achoppement porte sur l'autorisation de recherches soulevant des questions éthiques sérieuses. Aux articles 14 et 15, relatifs aux recherches sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les cellules pluripotentes induites, l'Assemblée nationale persiste à vouloir autoriser la création d'embryons chimériques par l'adjonction de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon animal. À défaut d'encadrement crédible, le Sénat s'était positionné contre cette possibilité lors des deux premières lectures.

Si nous avions perçu de l'Assemblée nationale une volonté de dialogue pour parvenir à un accord global sur le texte avant la CMP, peut-être aurions-nous pu réfléchir, sur la problématique des embryons chimériques, à un dispositif de compromis inspiré des garde-fous que nous avions introduits dans le texte de notre commission spéciale en première lecture. Mais, en écartant dès la deuxième lecture tout effort de convergence sur les points durs de ce projet de loi, les députés ont fait le choix de s'en tenir à l'esprit du projet de loi initial en matière de recherche.

À l'article 29, on peut observer la même obstination de l'Assemblée nationale concernant la composition du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) : est introduite la possibilité que celui-ci soit composé de six membres supplémentaires issus du secteur associatif. Le CCNE y était défavorable, sachant que, dans le cadre des débats publics, le comité travaille dans des espaces de réflexion éthique régionaux et interrégionaux, mais l'Assemblée nationale a préféré ne pas tenir compte de nos observations.

De même, l'article 30 éloigne l'Agence de la biomédecine de son coeur de métier. Les députés ont rétabli, en nouvelle lecture, la mission de l'agence dans le domaine des neurosciences, alors même que l'article 29 reconnaît précisément au CCNE une nouvelle compétence dans le suivi et l'analyse des enjeux éthiques relatifs au développement des techniques en neurosciences. Nous n'avons pas souhaité cette redondance entre les périmètres, et l'Agence de la biomédecine concède elle-même ne pas être en capacité d'assurer une telle mission.

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