Merci pour cette invitation. C'est vraiment une chance incroyable de pouvoir être là aujourd'hui.
Je suis Alexia Barrier, navigatrice depuis l'âge de trois ans. En effet, bien que née à Paris, mes parents ont eu la bonne idée de déménager à Nice quand j'étais petite ! Ils nous emmenaient, mon frère et moi, tirer des bords au large d'Antibes et aux îles de Lérin.
Quand j'étais petite, j'étais professionnelle de basket-ball. Je jouais en équipe régionale. À l'âge de 12 ans, on m'a dit que je ne pourrais jamais être professionnelle, car j'étais une femme et j'étais petite. C'était pourtant mon rêve. À cet âge, j'ai eu la chance de voir le départ du premier Vendée Globe à la télévision. J'ai encore ces frissons qui me viennent quand j'y repense. Je me suis dit que moi aussi, un jour, j'y participerais. Cette fois-ci, je n'ai raconté à aucun adulte ce rêve de petite fille. J'avais trop peur qu'on me décourage à nouveau. J'ai gardé ce rêve en moi. J'ai poursuivi mes études. J'ai fait une maîtrise en management du sport. À l'âge de 25 ans, j'ai trouvé mon premier sponsor, Roxy. Il m'a permis de participer à ma première transatlantique en solitaire, la Transat 6.50, sur un voilier de 6 mètres 50, entre la France et le Brésil.
J'ai souhaité partir en solitaire pour plusieurs raisons. Pour m'entraîner pour le Vendée Globe, mais pas uniquement. Lorsque j'étais quatrième mondiale en équipage féminin, dans une discipline qui s'appelle le match racing, je me suis présentée aux Voiles de Saint-Tropez. Vous connaissez cette régate, regroupant les plus beaux bateaux du monde, classiques et modernes. Je me suis présentée sur le ponton devant un voilier magnifique, moderne, en proposant mon aide à l'équipage composé uniquement de garçons, pour naviguer à leurs côtés. Il m'a été répondu assez brutalement « toi, tu feras les sandwichs ou tu nous apporteras les amarres. Il est hors de question que tu viennes régater avec nous ». Piquée au vif, cette remarque m'a motivée davantage pour mener mes projets. J'ai compris que dans la vie, je ne devais pas attendre qu'on me donne une place. Je devais la prendre. C'est ainsi que j'ai mené mes premiers projets de navigation en solitaire.
Les régates se sont ensuite enchaînées, les traversées de l'Atlantique en solitaire, en double et en équipage aussi. J'ai eu la chance de naviguer avec Sam et Miranda en double et en équipage. Toute cette expérience accumulée m'a permis d'entrevoir la possibilité de participer au Vendée Globe. Un peu comme Pip, j'ai entrepris ce projet sans budget, mais avec la volonté et la détermination d'être sur la ligne de départ le 8 novembre 2020. J'ai trouvé un mécène qui m'a permis d'acheter le plus vieux bateau de la flotte, qui avait été construit pour une femme, Catherine Chabaud, en 1998, pour son septième tour du monde. Initialement baptisé Le Pingouin, il a pour nom de course TSE - 4MyPlanet. Nous avons travaillé, durant les trois ans du championnat IMOCA, pour pouvoir me qualifier avec l'un des plus petits budgets de la flotte. Nous disposions de 150 à 200 000 euros par an, alors que les budgets moyens avoisinent généralement le million d'euros annuel.
Avec l'aide de mon équipe, de bénévoles, de ma famille, j'ai pu me qualifier et participer à toutes les courses. J'ai finalement trouvé un partenaire, TSE, qui s'est présenté à nous au mois d'août 2020, quelques mois avant le départ. Il nous a permis de travailler sur le bateau, de le préparer afin que je puisse partir en sécurité sur le Vendée Globe. J'aurais pris le départ quoiqu'il arrive, mais je ne sais pas si j'aurais pu terminer la course sans ce sponsor, sur ce bateau dont certaines voiles avaient déjà fait deux Vendée Globe. Sachez que pour participer à cette course, nous pouvons embarquer huit voiles. Je n'en avais que sept, car je n'avais pas les moyens d'en acheter huit. L'une d'elles m'a été fournie par Halvard et Miranda. Je l'ai malheureusement explosée après dix heures d'utilisation. Peu importe, cette expérience était très enrichissante. Je souhaite participer au prochain Vendée Globe.
Je n'avais pas pour objectif de gagner la course, évidemment, puisque j'avais le plus vieux bateau de la flotte. J'avais d'autres challenges, dont l'un vise à préserver les océans. Depuis dix ans, avec mon association 4 My Planet, je prends des données sur l'eau pour les scientifiques qui observent l'océan et je mène des programmes pédagogiques, aujourd'hui suivis par plus de 400 écoles en France, mais aussi par des associations d'enfants défavorisés au Brésil, en Afrique du Sud et aux États-Unis.
La compétition, c'est ma vie. Elle n'a toutefois pas le même goût si je ne peux pas y rattacher des challenges pour la préservation de notre jolie planète bleue et pour l'éducation. Évidemment, le Vendée Globe est une source d'inspiration pour les plus jeunes, et notamment pour les jeunes filles, lorsqu'elles suivent les six skippeuses. C'était une aventure absolument extraordinaire que j'ai pu vivre et partager.