Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 avril 2021 : 1ère réunion
Projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales — Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères

Jean-Yves Le Drian, ministre :

Les critères de l'APD sont établis par l'OCDE. C'est ainsi que les frais d'écolage des étudiants chinois relèvent de l'APD : la Chine est donc toujours considérée comme un pays en développement...

La part dans l'APD liée à l'écolage des étudiants chinois signifie deux choses. Premièrement, la Chine est toujours considérée comme un pays en développement ; deuxièmement, de nombreux étudiants chinois viennent en France et nous les aidons avec des bourses et de l'accueil. Cela paraît peut-être une contradiction, mais explique une partie de cette interprétation.

L'aide pilotable a augmenté de manière significative ces dernières années ; elle correspond actuellement à un tiers de l'aide globale et devrait atteindre 40 % en 2022. C'est un indice pour apprécier notre véritable aide au développement.

L'aide bilatérale ne cesse de croître ; nous sommes passés de 57 % en 2015 à 61 % en 2019 et, en 2020, nous devrions frôler les 70 %. J'ai toujours dit que l'aide bilatérale devait se renforcer par rapport à l'aide multilatérale.

L'APD est constituée à 81 % de dons, auxquels s'ajoutent 14 % de prêts et 5 % d'appuis au secteur privé. Depuis mon arrivée aux responsabilités, la part de l'activité de l'AFD liée aux dons est passée de 4 % à 13 %.

Si votre interrogation porte sur les référentiels qui nous permettraient de juger les parts pilotable et non pilotable, je suis prêt à examiner des amendements sur le sujet. Ce n'est pas facile de fixer des critères, car, dans la part non pilotable, des éléments demeurent variables.

On peut se poser la question de la relation entre les prêts et les dons au sein de l'AFD. La part des dons dans l'APD, comme je l'ai dit précédemment, s'élève à 81 %. Une part importante de ces dons est extérieure à l'AFD, mais nous avons souhaité que celle-ci oeuvre également en ce sens, et il importe que cela se poursuive. En 2021, la somme des dons de l'AFD représente 878 millions d'euros.

Dans beaucoup de cas, notamment dans les 19 pays concernés, il s'agit d'articuler à la fois les dons et les prêts. Les prêts, en général, sont dédiés aux infrastructures, et les dons s'orientent plutôt vers le fonctionnement ; mais nous sommes souvent amenés à lier les deux. Je pense à l'exemple de l'Institut Pasteur à Dakar, soutenu par l'AFD, qui combine les subventions - à hauteur de 2,7 millions d'euros - et les prêts pour aider à financer la construction d'une unité permettant de doubler la capacité de production des vaccins.

Il est désormais inscrit dans la loi que l'AFD soit sous la tutelle de l'État. Concernant le pilotage, le conseil présidentiel a pour vocation de se réunir une fois par an, avec les ministres concernés et le Premier ministre, afin de donner les orientations. La création de cette instance démontre que la politique de développement est un élément central de la politique étrangère de la France. Loin d'être un encombrement supplémentaire, cela donne l'impulsion nécessaire et contribue à l'accélération pour la mise en oeuvre de ce texte de loi.

Le Cicid a pour vocation, une fois par an, de définir les enjeux de la politique de développement, et ensuite il m'incombe de les mettre en oeuvre. Un rattachement théorique est prévu avec deux ministères, mais, de fait, j'assume la fonction de ministre du développement. Les responsabilités ne sont pas peut-être pas suffisamment clarifiées, mais, je vous rassure, cela n'entraîne aucune difficulté avec Bruno Le Maire sur ces sujets.

Concernant l'engagement de consacrer 0,7 % de la richesse nationale à l'aide au développement d'ici à 2025, je m'interroge aujourd'hui sur la pertinence de présenter des chiffres. Quand on fixe un pourcentage, on ne tient pas compte de l'ensemble des facteurs, notamment le volume de financement auquel cela correspond. En 2021, nous allons atteindre 0,69 % - soit un pourcentage supérieur à l'objectif fixé de 0,55 % - pour une double raison : d'une part, avec la crise, le PIB baissant, cela favorise la hausse du pourcentage ; d'autre part, nous allons régler cette année la question de la dette soudanaise.

Mais, en 2022, ce pourcentage risque de baisser. Il serait opportun d'attendre la sortie de crise pour évaluer les engagements financiers permettant d'atteindre 0,7 %. Malgré un PIB en récession, j'ai obtenu que l'on maintienne les engagements financiers de progression de nos dépenses de développement, ce qui n'est pas le cas de tous les pays ; je pense, notamment, au Royaume-Uni.

Au sujet de la TTF, le projet de loi prévoit 100 millions d'euros supplémentaires. Il ne faut surtout pas toucher au taux ni à l'assiette, mais je suis ouvert à vos propositions pour aller plus loin concernant la réaffectation d'une partie de la recette au développement.

De même, au sujet de la commission d'évaluation, je suis très ouvert à vos propositions. De manière générale, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, il s'agit d'un texte de loi majeur pour la présence de la France dans le monde, et nous devons prendre en considération toutes les contributions pertinentes. Au préalable, je soumets trois principes de fond : premier principe, l'indépendance ; deuxième principe, cette commission devra rendre compte au Parlement ; troisième principe, elle pourra également être saisie par les parlementaires.

Le rattachement de cette commission à la Cour des comptes a été acté, ce qui me paraît un gage d'indépendance. Cette commission ne vérifie pas la justesse des comptes, mais celle de la politique menée. Faut-il y associer des parlementaires ? Est-ce un critère d'indépendance ? Lorsque la question m'a été posée à l'Assemblée, j'ai émis quelques réserves...

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