Intervention de Sébastien Moncorps

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 juin 2021 à 8h15
Audition de M. Sébastien Moncorps directeur du comité français de l'union internationale pour la conservation de la nature uicn

Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature :

S'agissant de la mobilisation citoyenne, nous avons déployé des efforts au cours des trois dernières années. La population française souhaite aujourd'hui mieux comprendre les enjeux de la biodiversité et les solutions qui peuvent être mises en oeuvre. Nous avons organisé des partenariats avec différents médias, dont l'émission scientifique La Terre au carré sur France Inter. Nous nous réjouissons de l'accueil des Espaces Générations Nature au Congrès mondial de la nature, qui ne doit pas être uniquement une réunion de spécialistes et de délégations gouvernementales .Il s'agit de l'ouvrir au grand public, qui pourra y rencontrer des experts. L'éducation à l'environnement est souvent négligée. Il convient donc de soutenir les associations qui interviennent dans les écoles. Par ailleurs, les sciences participatives rencontrent un franc succès. À cet égard, nous accueillerons le Muséum national d'Histoire naturelle sur notre pavillon pour montrer ce que la France fait en la matière : ce sont de bons outils d'implication. Je le rappelle, la LPO propose aux particuliers de créer des refuges LPO.

En outre, l'information en matière de consommation est également importante. Il s'agit de permettre aux citoyens, par leurs choix de consommation, de privilégier des modes de production plus durables et plus respectueux de la nature. Ainsi, en matière de déforestation importée, l'étiquetage permet de savoir si les produits contiennent ou non de l'huile de palme.

Si la mobilisation citoyenne est indispensable, seule une réforme des politiques publiques permettra de changer d'échelle en matière de préservation de la biodiversité.

La réforme des subventions néfastes à la biodiversité constitue un véritable angle mort de notre politique. Le déploiement de nos efforts en matière de protection de la nature se heurte aux moyens bien plus importants destinés à des activités destructrices de la nature. Dans le cadre de la crise sanitaire, nous avons lancé l'alerte. Nous rappellerons fortement au Congrès mondial de Marseille la place de la nature et l'importance de modèles économiques durables dans les plans de relance économique post-covid. Profitons de la crise sanitaire pour changer de modèle et avoir un développement économique plus résilient pour la planète et plus sain pour les populations.

Vous avez rappelé la perte de biodiversité en France, en évoquant le dernier état des lieux concernant les oiseaux. Auparavant, on avait tendance à considérer que les menaces en matière de biodiversité ne concernaient que quelques espèces emblématiques et rares. Aujourd'hui, il est clairement établi que l'érosion de la biodiversité touche l'ensemble des espèces, en particulier les espèces communes. Ainsi, au niveau mondial, une espèce d'oiseau sur huit est menacée. En France, une espèce sur trois risque de disparaître du territoire, en particulier dans les milieux agricoles.

La stratégie mondiale doit se décliner au niveau national puis au niveau régional. Il convient de mettre en place ce système d'emboîtement, afin de mobiliser, à chaque échelle, les différents acteurs.

Les collectivités ont un rôle clé à jouer en matière d'aménagement du territoire, de lutte contre l'artificialisation des sols et de maîtrise de l'urbanisation.

On accompagne aussi des stratégies plus locales. Beaucoup de villes s'engagent en matière de biodiversité. Nous soutenons, depuis trois ans, la ville de Marseille, qui présentera au congrès mondial sa stratégie locale pour la biodiversité. En matière de pollution plastique, votre proposition relative à l'application du principe pollueur-payeur me paraît intéressante. Il n'est pas normal qu'il existe des trous dans la raquette, comme nous l'avons vu lors de l'affaire Erika avec Total. Tout préjudice écologique doit être réparé par celui qui en est à l'origine.

Effectivement, le tourisme se développe dans les Terres australes et antarctiques françaises, mais nous sommes confiants : il s'agit d'un espace emblématique et multi-labellisé. Elles sont à la fois un site Ramsar, soit une « zone humide d'importance internationale », et la plus grande réserve naturelle nationale de France, avec une vraie réglementation sur l'accès, sur les possibilités de recherches scientifiques, sur le contrôle de l'introduction d'espèces exotiques envahissantes et sur la pêche. C'est par ailleurs un des sites ayant rejoint la liste verte de l'UICN, attestant qu'il est efficacement géré.

Les territoires en libre évolution sont pour nous une vraie option de gestion. Ils présentent à la fois l'intérêt de pouvoir observer des modes d'expressions plus spontanés de la nature et de renforcer sa résilience par rapport aux changements climatiques. Le Président de la République avait lui-même fixé un objectif de 10 % de pleine naturalité. L'enjeu est aujourd'hui d'être moins interventionniste, notamment en milieu forestier. C'est ce que fait l'Office national des forêts (ONF) en classant, par exemple, des réserves biologiques intégrales. On sait que les forêts stockent davantage de carbone si on les laisse évoluer vers des stades plus matures. Cette protection des forêts primaires est une des priorités affichées dans la stratégie européenne pour la biodiversité. C'est aussi un sujet de recommandation que nous portons à Marseille. Je rappelle qu'il ne reste en Europe que 1 % de forêts matures.

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