Le retour au monde d'avant est une vraie crainte, malgré l'engagement de certains pays à intégrer davantage la nature dans leur plan de relance. La construction du monde d'après est largement devant nous, et nous devons nous atteler dès maintenant à des changements en profondeur, en investissant dans la protection de la nature et la prévention qui constituent le préalable à toute solution d'avenir. Cela permettra parfois d'éviter la réparation, qui mobilise plus facilement des moyens que les stratégies de prévention.
Il faut convaincre de l'importance de la protection de la nature et de la prévention pour endiguer l'émergence de futures maladies. Au lieu de miser sur le tout technologique et l'infrastructure grise, il convient d'adopter de nouveaux réflexes pour mieux gérer les risques naturels et les crises futures qui s'amplifieront avec le changement climatique. La COP26 aura lieu après le Congrès mondial de l'UICN. Nous plaidons pour le rehaussement des engagements des États à travers leur contribution nationale déterminée et pour donner une vraie place aux solutions protectrices pour la nature. Nous souhaitons investir davantage dans la restauration des milieux naturels, préalable à l'atténuation du changement climatique et à l'adaptation à ses effets. Le rôle très important des zones humides pour lutter contre les inondations et les sécheresses récurrentes en France n'est plus à démontrer. Ces zones sont des éponges qui absorbent les surplus d'eau et les restituent en cas de sécheresse. Nous devons opérer un changement de modèle, au risque de continuer à détruire la planète.
Parmi les 20 objectifs d'Aichi, le plus délicat à mettre en oeuvre est l'objectif 3, c'est-à-dire la réduction des subventions néfastes à la biodiversité. Le rapport du Centre d'analyse stratégique, dont le groupe de travail était présidé par Guillaume Sainteny, proposait différentes solutions, car en France aussi on peine à réformer ces différentes incitations. Cela passera par la réforme de la politique agricole commune (PAC) ou des subventions qui conduisent à la surpêche ou à l'exploitation des énergies fossiles et qui encouragent l'artificialisation des territoires. Nous devons mettre l'accent sur ce point.
L'instauration d'un tribunal pénal international pour l'environnement n'est pas à l'ordre du jour du Congrès mondial. Le droit de l'environnement a toujours été un sujet historique pour l'UICN, dont les recommandations ont permis l'émergence de grandes conventions internationales comme la convention de Ramsar, en faveur desquelles l'assemblée générale de l'UICN a apporté un soutien décisif en demandant dès 1960 que l'on travaille à une convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Nous sommes également à l'origine de la convention du patrimoine mondial pour protéger les sites à valeur universelle exceptionnelle, puis avons participé à l'élaboration de la convention sur la diversité biologique adoptée à Rio de Janeiro en 1992. En 1978, l'assemblée générale de l'UICN a incité à l'adoption d'une stratégie mondiale de la conservation. Effective en 1980, cette stratégie a permis de structurer l'action mondiale en faveur de la biodiversité. C'est la première fois qu'était employé le terme de « développement durable ».
Pour conclure, je citerai deux décisions parmi les dernières qui ont été adoptées lors du Congrès mondial de l'UICN. D'une part, la promotion du principe de non-régression dans le droit de l'environnement a été reprise en France dans la loi pour la reconquête de la biodiversité. Je citerai, d'autre part, la création de juridictions spécialisées au niveau national pour traiter les problèmes d'environnement parfois complexes. On peut se féliciter de l'adoption, à l'issue d'un congrès mondial de l'UICN, de la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.