Intervention de Catherine Morin-Desailly

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 juin 2021 à 14h30
Projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement — Examen du rapport pour avis

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Ce texte me renvoie à mes premiers pas au Sénat, car le premier rapport dont je fus chargée était l'avis de notre commission sur la loi de 2008 relative aux archives. J'ai également relu le rapport au fond de la commission des lois, dont le rapporteur était René Garrec, connu pour avoir implanté l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC) dans le Calvados.

Je m'étonne, à l'instar de notre rapporteur pour avis, de l'incohérence interministérielle. Nous n'avons d'ailleurs toujours pas entendu le ministère de la culture sur ce sujet. C'est bien regrettable, car je me souviens combien l'ancien ministre de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres, s'était, en 2008, emparé du sujet pour porter une loi de modernisation de la politique des archives prévoyant une définition précise de ces documents, la gratuité et l'indépendance des archives de nos assemblées. Au lieu d'arriver par le biais du ministère des armées, ce texte aurait dû émaner du ministère de la culture. Cela me rappelle cruellement l'épisode de la loi « Notre-Dame », où le ministère de la culture se trouvait largement dessaisi de l'une de ses prérogatives.

La loi de 2008, qui semblait apporter une vraie modernisation, semble partiellement remise en cause par ce texte. Pourtant, le raccourcissement des délais de communication des documents, désormais fixés à cinquante ans s'agissant des secrets de la défense nationale, visait notamment à répondre à une demande d'une association d'historiens et allait dans le bon sens. En l'espèce, l'article 19 représente un recul historique face à l'impératif démocratique, et constitutionnellement garanti depuis 1789, d'ouverture des archives. Depuis deux ans, les chercheurs et les historiens nous ont signalé une application excessive des textes réglementaires ayant trait à ces archives, d'où les recours devant le Conseil d'État mentionnés par le rapporteur pour avis. En l'absence de l'abrogation de normes tatillonnes et incompréhensibles, ils pensaient que ce nouveau texte résoudrait leurs problèmes. Or l'ouverture annoncée se mue plutôt en une fermeture massive, puisque les quatre nouvelles catégories de dérogations, en particulier celles concernant les documents relatifs au renseignement, renvoient à l'administration le soin de décréter l'ouverture des archives, dessaisissant au passage complètement le Parlement.

Je souscris aux propos de Mme le rapporteur de la commission des lois sur la nécessité d'un équilibre à trouver entre la préservation de la sécurité nationale et du secret de la défense nationale, et celle des libertés publiques, dont l'accès aux archives historiques. Cela étant, les archivistes ne nient pas du tout le caractère très sensible de certains documents, notamment ceux qui protègent la liberté des personnes et sur lesquels nous avions travaillé en 2008. Nous serons très attentifs aux amendements du rapporteur sur ce point. Le ministère de la culture aurait intérêt à participer à cette recherche commune.

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