La question de l'attractivité du métier d'enseignant en mathématiques est un sujet passionnant, qui concerne notre commission des finances et non seulement la commission des affaires culturelles, car la dégradation du niveau en mathématiques est susceptible d'entraîner des dépenses supplémentaires de plusieurs milliards d'euros pour notre pays.
La dégradation du niveau en mathématiques est nette. En CP, 46 % seulement des élèves ont un niveau satisfaisant s'agissant de la résolution des problèmes, selon les chiffres de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP). En CM2, près de 60 % des élèves ont un niveau insatisfaisant. Cela ne s'arrange pas en sixième, car un quart des élèves ont des difficultés en mathématiques. En 2017, plus de neuf élèves sur dix ont un niveau inférieur ou égal au niveau médian de 1987. Cette baisse est comparable à la perte d'une année scolaire en trente ans ! La France se situe en mathématiques à l'avant-dernière place dans les classements de l'OCDE, juste devant le Chili. On peut discuter de la pertinence des enquêtes internationales, mais toutes concordent, il faut donc s'interroger. La France a eu une élite en mathématiques, mais actuellement seulement 2 % des élèves atteignent un niveau avancé, quand ils sont, en moyenne, 11 % dans les pays de l'OCDE, et 50 % en Asie.
Le corps des enseignants connaît aussi des problèmes de recrutements : les postes non pourvus aux concours sont nombreux. Le taux de couverture - le rapport entre le nombre d'admis et le nombre de postes ouverts - était de 58,6 % au Capes, en 2014, et il était de 65 % à l'agrégation en 2016. Le taux est remonté depuis à plus de 80 %. Mais pour quel niveau ? Le taux de réussite au Capes de mathématiques était de 43,8 % en 2017, alors qu'il était inférieur à 30 % dans toutes les autres disciplines. On peut se demander s'il ne s'agit pas de pallier un manque de candidats. En effet, le vivier de candidats est trop étroit, car les jeunes ne s'orientent plus vers des études scientifiques. En 2018, seuls 30 % des élèves en classe de terminale scientifique se sont dirigés vers des carrières scientifiques dans l'enseignement supérieur. L'éducation nationale a donc dû avoir recours à des contractuels, le taux de recours à ces derniers passant de 2,8 % à 6,7 % en mathématiques. En parallèle, dans l'enseignement primaire, les professeurs des écoles ont de plus en plus des profils littéraires, et sont moins à l'aise en mathématiques.
Les revalorisations budgétaires engagées restent modestes : un enseignant de moins de trente ans gagne 20 % de plus que le Smic, alors que l'on peut gagner davantage dans le secteur informatique, par exemple, avec une licence de mathématiques. Or les pays qui réussissent rémunèrent bien leurs professeurs. En parité de pouvoir d'achat (PPA), l'Allemagne paie ainsi ses professeurs deux fois mieux que la France ; la rémunération des professeurs espagnols est supérieure de 30 %, etc.
Le problème budgétaire est donc évident. La mise en oeuvre des mesures inspirées par le rapport dit « Villani-Torossian » paru en 2018 n'a pas suffi à le résorber. Dans le primaire, on a mis en place des professeurs référents de mathématiques afin de développer la formation continue des professeurs des écoles et favoriser le travail collaboratif entre pairs ; dans le secondaire, on crée des laboratoires de mathématiques appelés « labomaths ». Enfin, la commission des programmes s'efforce de publier des manuels modernes.
Mais le vrai problème est d'ordre budgétaire : est-il possible de procéder à une revalorisation sectorielle des rémunérations des 60 000 enseignants de mathématiques ? L'engagement budgétaire serait considérable. Certes, la baisse de la natalité, et donc des effectifs des classes d'âge, sera source d'économies à long terme pour l'éducation nationale. Cette dernière disposerait aussi d'un autre levier d'action en rationalisant son offre scolaire qui est trop dispersée et pas toujours adaptée, notamment dans le secondaire. Mais peut-on revaloriser les professeurs de mathématiques sans revaloriser tous les professeurs ? Sans doute que non. Il serait pourtant important de cibler les moyens sur les disciplines en tension, où les besoins sont criants.