Intervention de Frédérique Vidal

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 16 juin 2021 à 16h35
Audition de Mme Frédérique Vidal ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation

Frédérique Vidal, ministre :

Je vais commencer par la question du logement, ce thème étant revenu plusieurs fois dans vos interrogations.

Il faut le reconnaître : nous aurons beaucoup de mal à atteindre les objectifs du plan « 60 000 logements étudiants », et cela d'autant plus que le programme de rénovation des logements Crous a diminué les capacités d'accueil. Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer l'écart par rapport à l'objectif. La première raison tient au foncier. Par ailleurs, le contexte des élections municipales ne nous a pas aidés. Quelques villes sont totalement réticentes à l'installation d'étudiants sur leur territoire. Elles veulent bien des résidences étudiantes, mais à la périphérie de leur commune. La pandémie a aussi joué un rôle. L'écart entre les objectifs et les réalisations tient également à la frilosité des bailleurs.

Nous avons pris des mesures pour relancer le processus. Nous avons d'abord modifié par décret les aides à l'investissement pour la construction, l'amélioration et l'acquisition de logements locatifs à la suite de la loi ELAN, avec la possibilité de réserver des programmes pour les jeunes de moins de 30 ans. Nous avons aussi élargi le périmètre de capacité à construire des résidences étudiantes à d'autres types de bailleurs. Nous avons enfin transformé le bail de mobilité avec une clause de non-solidarité en cas de colocation.

Une question a été posée par le sénateur Stéphane Piednoir sur l'attractivité des campus français par rapport à d'autres modèles étrangers de campus. En France, il existe deux grands modèles : celui du campus excentré en sortie de ville, qui offre la possibilité d'y construire notamment des logements, et celui du campus de coeur de ville. Certaines universités peuvent ainsi avoir 55 sites d'implantation, tandis que d'autres n'ont que deux campus. Bien évidemment, les deux modèles ne peuvent pas être gérés de la même manière. Je crois donc qu'il y a un vrai travail à mener sur les questions de plan local d'urbanisme (PLU) avec les collectivités. Dans le cadre des dialogues stratégiques des établissements, des accords doivent être trouvés afin de pouvoir opérer des regroupements. Nous devons aussi accentuer la dévolution. J'ai d'ailleurs lancé une troisième vague de dévolution. Cependant, nous devons aussi nous montrer prudents car beaucoup d'universités ont été construites rapidement au début des années 70 et auront simultanément des besoins de rénovation et réhabilitation. Au-delà des montants en jeu, il faudra aussi s'assurer que l'établissement dispose de la compétence en gestion du patrimoine. Nous nous penchons donc sur la possibilité de dévolution partielle. J'espère aussi que la loi 4D permettra de poser le principe de sociétés d'économie mixte permettant aux collectivités et régions qui en ont les compétences de prendre en charge ces missions. Dans le cadre des contrats de plan État-Région, il existait déjà ces montages avec des collectivités maîtres d'ouvrage ou maîtres d'oeuvre. Cependant, en cas de dérives, elles doivent en assumer les conséquences.

Sur ces sujets, le problème est identifié, il est complexe. Nous lançons une troisième vague de dévolution et nous autorisons la dévolution partielle afin de mener des expérimentations sur de petits volumes. Grâce à la dévolution, nous pourrons aussi mettre à profit des surfaces sur les campus pour y développer du logement étudiant.

Nous réfléchissons à la possibilité du prêt contingenté. C'est une idée, mais elle ne peut pas être le seule financement. En effet, je crois que la capacité à souscrire un prêt pour financer ses études, quand on vient d'une famille où personne n'a fait d'études supérieures, nécessite une certaine confiance dans l'avenir ; or cette capacité à s'endetter pour préparer l'avenir ne me semble pas partagée par tous les étudiants. C'est donc une solution, mais elle ne peut pas être la seule car elle est trop restrictive.

Je suis favorable au développement de l'emploi étudiant, à condition de ne pas franchir deux lignes jaunes : d'une part, le volume horaire par semaine ; d'autre part, la simplicité des démarches. En effet, il semble difficile de dépasser 12-15 heures de travail par semaine sans sacrifier une partie de ses études. Pour les présidents d'université, faire travailler un étudiant 4 heures par semaine ne doit pas nécessiter des démarches trop longues. Pour simplifier drastiquement ces conditions, une réflexion doit être engagée avec le ministère du travail et avec le ministère des solidarités et de la santé. Je ne peux pas dire si la solution est d'exonérer de cotisations ou s'il faut passer par l'équivalent d'un chèque emploi service pour les étudiants. Je travaille sur cette thématique depuis quelque temps et nous devrons aboutir, car l'emploi étudiant participe aussi à la vie du campus.

Pour ce qui concerne la réforme des bourses sur critères sociaux, rappelons que les pays du nord sont des pays où l'on met en avant l'autonomie du jeune, que les pays du sud sont des pays où les politiques sociales sont familiales et que la France se situe entre les deux. En effet, une partie des aides est individuelle tandis que d'autres dépendent de la famille. C'est le premier choix à faire et, en fonction de ce choix, nous pourrons décliner des solutions en vue d'une réforme profonde et structurelle. Pour cela, il faudra aussi privilégier un guichet unique. Dans ce domaine, des expérimentations ont été lancées avec des régions qui prennent en charge les bourses sur critères sociaux pour certaines formations, comme les IFSI, en coopération avec les Crous.

Concernant la santé mentale des étudiants, plus de 6 700 étudiants ont utilisé le système de consultation en ligne pour plus de 18 000 consultations. Plus de 1 300 professionnels ont accepté d'être inscrits sur la plate-forme. Au-delà du renforcement de la présence des psychologues dans les SSU, nous voulions aussi faciliter l'accès quel que soit l'endroit. On m'a souvent fait remarquer que les démarches étaient compliquées car il fallait passer par un médecin, mais cette consultation est nécessaire pour déterminer si la prise en charge est psychologique, psychiatrique ou médicamenteuse. Cette orientation est un acte médical et c'est donc dans un parcours de soins que l'on doit placer cette mesure. C'est une mesure que nous maintiendrons, peut-être en l'améliorant encore un peu, car la détresse psychologique ne va pas retomber du jour au lendemain. Elle a été presque plus visible au début de l'année universitaire qu'à la fin du premier confinement. Nous devrons aussi avancer sur la télémédecine car nous ne pourrons pas installer des SSU partout. Par ailleurs, les BAPU ne dépendent pas des universités, même s'ils se sont mis à travailler avec les universités.

Vous m'avez aussi interrogée sur le calendrier des annonces. Je suppose que des annonces seront faites au mois de juillet. Je peux d'ores et déjà vous dire que nous poursuivrons l'aide psychologique et que nous maintiendrons certainement le système des tuteurs. C'est aussi grâce à ce dispositif que nous pourrons mieux accueillir les étudiants qui entameront à la rentrée de 2021 une première année d'enseignement supérieur après une année de terminale difficile, même si le Bac 2020 était encore plus compliqué. J'ai aussi déjà annoncé que nous n'augmenterions pas le prix de la rentrée universitaire ni le prix des chambres universitaires.

Nous espérons tous ne pas revivre une quatrième vague à la rentrée 2021. Le pire n'est jamais certain mais nous devons nous y préparer et nous sommes en train de recenser les besoins d'équipements des établissements. Il ne s'agit plus d'appel à projets mais d'équipement. Cependant, soyons clairs, s'il n'y a pas de porteurs de projets, s'il n'y a pas d'équipes ayant envie de se former ou de changer complètement leur façon d'enseigner, alors il ne suffira pas d'avoir des vidéoprojecteurs de dernière génération ! L'un des intérêts de l'appel à projets est que des personnes qui ne se parlaient pas au sein d'un établissement s'associent pour y répondre. L'été dernier, nous avons accordé des financements à tous ceux qui avaient porté une initiative.

Force est de reconnaître que la relation à l'enseignement numérique est encore ambiguë et que les équipes ont besoin de prendre du recul. Nous notons aussi que des conférences de doyens, comme Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) et Méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises (Miage), ont construit une offre de formation modulaire.

Vous m'avez interrogée sur les autotests, mais ceux-ci sont déjà livrés dans les établissements. Plusieurs établissements ont proposé la possibilité de réaliser des RT PCR dans leurs murs, mais les étudiants peuvent aussi se faire tester dans une pharmacie ou dans un autre lieu, comme tout autre adulte. Ce qui est important, c'est que nous ayons des autotests disponibles. Nous n'allons pas imposer un autotest avant d'entrer en salle de cours. Il en est de même pour les vaccins. En revanche, nous ferons en sorte que les étudiants internationaux qui viennent de pays où la vaccination est peu avancée puissent se faire vacciner. Toutes ces mesures sont en train d'être travaillées.

En ce qui concerne les études de médecine, le décret en Conseil d'État a été enregistré le 7 juin. Toutes les universités ont été prévenues par courrier. L'arrêté sortira vendredi ou lundi. Je confirme que les résultats ont été retardés car des sessions de rattrapage sont prévues parmi les mesures. Or les résultats ne peuvent pas être publiés tant que l'on n'a pas fait passer les sessions de rattrapage ! Espérer que le Conseil d'État casse le système, il faudra l'expliquer aux 2 000 jeunes supplémentaires qui accéderont aux études de santé cette année ! Ils seront 16 500 en 2021 contre 14 000 en 2020. Ils seront plus de 10 600 à entrer en médecine, soit 1 750 étudiants de plus que l'année dernière. Je peux comprendre que cela a été compliqué et que les informations ont été difficiles à obtenir. De plus, les professeurs de faculté sont des praticiens hospitaliers, or chacun sait la situation de l'hôpital au cours des derniers mois. Je souhaite aussi être très claire et rappeler que ce n'est pas le ministère qui fixe le nombre d'admis. Aussi, quand on vous dit que 360 places sont possibles mais que le ministère limite ce chiffre à 320, c'est totalement faux. Ce que nous avons fixé avec le ministère des solidarités et de la santé, c'est la barre en dessous de laquelle on ne peut pas descendre : c'est le principe même du numerus apertus.

De la même façon, nous avons fixé un numerus apertus pour l'année prochaine et, en aucun cas, il ne pourra y avoir moins d'étudiants que cette année. Il sera possible de faire plus mais cette discussion devra être menée entre l'université et l'agence régionale de santé (ARS). Pour finir, il n'est pas possible de dire que c'est une question de moyens, car plus de 19 millions d'euros sont prévus pour accompagner cette réforme.

Les mentalités doivent aussi évoluer, car il y a sans doute un certain nombre de personnes qui considèrent que le système qu'ils ont connu lors de leurs études de médecine était le seul qui soit bon pour devenir médecin. J'ai entendu ce type de commentaires ; j'ai entendu aussi certains espérer un échec de la réforme pour revenir au système antérieur. Cependant, je vous le confirme : nous n'allons pas revenir en arrière. Nous n'allons pas revenir à des questionnaires à choix multiple (QCM) stupides !

Sur la question des repas à un euro, nous avons passé des conventions. Il est vrai que la première a été un peu complexe, car personne n'avait jamais conventionné pour utiliser des cantines non universitaires. Depuis, nous en avons signé beaucoup, hormis peut-être pour 7 ou 8 sites. Nous vérifierons que nous avons signé une convention à Thionville car nous y installons un institut universitaire de technologie (IUT).

Des mesures spécifiques proposées par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) et le ministère des outre-mer ont concerné les étudiants ultramarins, avec notamment des aides pour prendre en charge le billet d'avion. Vous avez raison de souligner le drame absolu qu'ont connu les étudiants internationaux. C'est pour cela que nous avons ouvert et doublé toutes les aides spécifiques, car ce sont les seules aides auxquelles ils ont droit. 70 % des étudiants qui sollicitent ces aides sont des étudiants internationaux. Ces étudiants étaient dans une détresse multiple, car ils étaient par définition loin de chez eux, ils se faisaient du souci pour leur famille, ils craignaient, s'ils retournaient chez eux, de ne pas pouvoir revenir en France. C'est aussi pour cela que je me suis toujours attachée à dire, avec les établissements, qu'il n'y aurait pas de diplôme dégradé et que l'année serait validée. Une « année blanche » était hors de question.

Pour répondre à vos questions sur le patrimoine à rénover, le montant de 1,3 milliard d'euros couvre à la fois des travaux de rénovation énergétique et des travaux de mise en conformité des bâtiments pour qu'ils soient accessibles aux personnes en situation de handicap. Dans ce domaine, nous avons utilisé au maximum les possibilités offertes par le plan de relance.

Je pense que nous avons autorisé toutes les demandes de tiers lieux en lien avec l'enseignement supérieur, qu'il y ait eu financement ou non, labélisation ou non. Je pense que votre question renvoyait aux tiers lieux généraux, qui relèvent des préfets.

Enfin, en réponse à votre question sur la vision, il faut tout d'abord rappeler que nous manquons d'ophtalmologistes en France. Le dispositif mis en place à un euro fonctionne désormais et les étudiants peuvent y avoir accès, mais il faut qu'ils pensent à consulter. Il est aussi essentiel d'utiliser les fonds non utilisés en 2020 pour mettre en place prioritairement les centres de santé.

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