Je suis heureux de procéder à un bilan d'étape de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS). C'était une loi attendue depuis longtemps par les professionnels de santé et par nos concitoyens qui avaient peu à peu perdu confiance dans un système de santé longtemps considéré comme le meilleur du monde.
La loi OTSS s'est appuyée sur des constats partagés, et elle est guidée par des objectifs qui, eux aussi, sont partagés par à peu près tout le monde : adapter les formations et les métiers aux nouveaux enjeux ; lutter contre les déserts médicaux et garantir un meilleur accès à des soins de proximité aux Français ; mieux orienter les patients selon leurs besoins ; accroître la qualité et la pertinence des soins ; et recourir davantage au numérique pour mieux soigner.
Nous avons fait le choix de nous concentrer sur deux axes prioritaires : redonner du temps médical, en permettant aux médecins de faire ce pour quoi ils sont les mieux qualifiés, sans perdre de temps à des tâches qui peuvent être déléguées ; accélérer le décloisonnement du système de santé, afin que l'exercice isolé devienne l'exception et l'exercice coordonné la norme.
Ces deux axes structurants de la loi OTSS doivent permettre de transformer notre système de santé dans son ensemble, à savoir son organisation, son financement, mais aussi la formation des futurs professionnels ou les conditions d'exercice. Avec cette loi, nous changeons de modèle et d'horizon, en privilégiant le collectif ; c'est tout le sens des communautés pluriprofessionnelles territoriales de santé (CPTS).
Dans mes déplacements, je constate à chaque fois la réussite de ces structures dans la réponse apportée aux besoins de santé et dans l'épanouissement des professionnels qui sont heureux dans leur travail et redonnent du sens à ce qu'ils font ; être heureux dans son travail, je ne sais pas si c'est révolutionnaire, mais c'est indispensable.
L'une des avancées majeures de cette loi est aussi d'avoir supprimé la première année commune aux études de santé (Paces) et le numerus clausus qui structuraient une formation en décalage avec les besoins de la démographie médicale ; c'était une formidable machine à empêcher de faire médecine en France, alors que, dans le même temps, nous allions chercher des médecins étrangers ou des médecins français formés à l'étranger.
Cette réforme, mise en place depuis septembre dernier, a connu quelques difficultés ; je ne doute pas que nous y reviendrons, mais le Gouvernement est pleinement engagé à accompagner les universités et les étudiants dans sa mise en oeuvre.
J'en viens maintenant à des aspects plus techniques. On ne peut pas parler de la loi OTSS sans évoquer la structuration de l'offre de soins dans les territoires. C'est notamment le cas des projets territoriaux de santé (PTS) prévus par la loi qui permettent à l'ensemble des acteurs - de la ville, de l'hôpital et du médico-social - de partager un diagnostic et de définir conjointement des priorités et des objectifs. De ce point de vue, la crise a été un incroyable accélérateur, avec des cellules territoriales qui ont désormais pris l'habitude de s'organiser et de travailler ensemble.
C'est aussi, je crois, l'occasion de créer une « culture soignante », par-delà les chapelles et les petits murs parfois artificiels dont notre système de santé a beaucoup souffert. En parlant de projet de territoire, l'une des avancées du projet de loi concernant le secteur sanitaire était la création des hôpitaux de proximité, saluée, je crois, par tous ici. Ces hôpitaux ont vocation à être pleinement ancrés dans leur territoire, avec des partenariats forts et une ouverture indispensable sur la ville et le médico-social. C'est une réponse forte à une attente des professionnels et de nos concitoyens d'avoir ces structures de proximité identifiées, accessibles et opérationnelles.
J'ai parlé de « murs artificiels » il y a un instant ; ces murs, la loi OTSS les a fait tomber, ou les a enjambés, dans le champ des compétences des professionnels de santé ; je pense notamment aux pharmaciens correspondants, aux protocoles de coopération, ou encore au développement des infirmiers en pratique avancée (IPA). Je suis convaincu par ces objectifs de décloisonnement entre les professionnels de santé et, avec le Ségur de la santé, j'ai souhaité poursuivre ce mouvement en lançant une réflexion sur la place et l'opportunité d'une profession de santé intermédiaire entre le bac + 3 et le bac+ 10 ; c'est une exception française de n'avoir que très peu de professions entre ces deux niveaux de formation et de compétence.
Enfin, la loi OTSS portait l'ambition d'accélérer les innovations et le numérique en santé avec la création du Health Data Hub, dont la vocation est de favoriser l'utilisation des données de santé dans les domaines de la recherche, du pilotage du système de santé et de l'information des patients. C'est aussi le cas de l'espace numérique de santé, avec un compte personnel en ligne qui permettra à tous les Français, à compter du 1er janvier prochain, d'accéder facilement à leur dossier médical partagé (DMP).
Je ne peux pas parler de numérique sans parler de télésanté, avec le bond en avant exceptionnel observé durant la crise sanitaire ; nous sommes passés de 10 000 à 1 million de téléconsultations par semaine dans notre pays. Il s'agit d'une réponse pertinente et efficace, qui ne remplacera jamais la relation entre le soignant et le patient, mais permet de remédier à un certain nombre de situations et de surmonter les distances géographiques, l'isolement, l'éloignement, voire le désert médical.
La loi OTSS n'est pas un objet figé, et d'autres engagements sont venus l'enrichir et la compléter ; je pense aux concertations de l'été dernier avec l'ensemble des acteurs du système de santé dans le cadre du Ségur de la santé ; nous y reviendrons, mais j'évoquerai ici les revalorisations salariales hors-normes, les investissements en santé - 19 milliards répartis entre la reprise de dettes et l'investissement hospitalier, cela ne s'était jamais vu - ou encore la très attendue médicalisation de la gouvernance.
Nous avons déjà eu l'occasion de débattre sur ces sujets, notamment dans le cadre de la proposition de loi de Mme Stéphanie Rist qui abordait des thématiques telles que la restauration du service hospitalier, la liberté d'organisation interne et de gouvernance pour les établissements ; dans quelques semaines, sortira le guide Claris, du nom de M. Olivier Claris, le président de la commission médicale d'établissement (CME) de Bordeaux, qui mettra à disposition des hôpitaux une boîte à outils, de manière que s'engagent des négociations en vue de déterminer les organisations en mesure de satisfaire l'ensemble des professionnels.
Parmi les thématiques abordées dans la proposition de loi, je citerai également la meilleure association des soignants et usagers à la gouvernance, ou encore la lutte effrénée contre l'intérim médical.
Nous sommes à la veille du premier anniversaire du Ségur de la santé. Les évolutions réglementaires sont maintenant une réalité, avec de l'avance par rapport à nos engagements, notamment pour ce qui concerne les revalorisations salariales. Je réunis actuellement les organisations signataires du Ségur de la Santé ; pour les soignants non médicaux, j'ai reçu, au cours des derniers jours, Force ouvrière (FO), l'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), la Confédération française démocratique du travail (CFDT), et aucune de ces organisations n'a exprimé le moindre regret d'avoir signé ces accords.
Le périmètre du Ségur de la santé a évolué ensuite à deux reprises lors de la mission Laforcade, permettant d'englober davantage d'acteurs de la fonction publique hospitalière ainsi que des établissements privés non lucratifs.
J'ai reçu également les syndicats de praticiens hospitaliers qui ont également confirmé leur adhésion ; si les accords majoritaires devaient être signés un an après, ils le seraient toujours. Cela ne veut pas dire non plus que tout le monde est satisfait ; je note que la Confédération générale du travail (CGT) et l'Union syndicale solidaires (SUD) restent opposées à ces accords.
J'ai dépeint à grands traits la loi OTSS, dans ses fondements et dans sa mise en oeuvre. Son ambition profonde est de transformer les soins de ville dans une approche transversale pour aboutir à des soins coordonnés, avec un parcours du patient évolué. Ont démarré des négociations conventionnelles dans le champ de la médecine libérale. Dans la continuité, le Ségur de la santé a permis d'enclencher de réelles transformations de l'hôpital, avec une nouvelle méthode de co-construction et de décloisonnement importante.
Je suis pleinement engagé dans la mise en application de la stratégie Ma Santé 2022 et du Ségur de la santé, conformément aux engagements pris. Je suis très attaché à ce que ces travaux majeurs permettent de transformer notre système de santé, et que cela se traduise concrètement pour les Français. Je sais que ces thèmes vous sont chers ; le Sénat avait beaucoup travaillé et enrichi le projet de loi Santé. Nous sommes réunis aujourd'hui pour un premier bilan, et j'en suis très heureux.