Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 juin 2021 : 1ère réunion
Projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre entre l'union européenne et ses états membres d'une part et l'australie d'autre part — Examen du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, rapporteur :

Mes chers collègues, nous examinons à présent le projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Australie, d'autre part.

Signé le 7 août 2017, cet accord-cadre se substituera au « cadre de partenariat » de 2008, au caractère non contraignant, qui régit les relations entre les États membres de l'Union européenne et l'Australie.

Le présent texte est avant tout un accord de dialogue politique et de coopération ; il ne s'agit donc, en aucun cas, de l'accord de libre-échange que la Commission européenne négocie actuellement. Je rappelle à cet égard que le Sénat, par une résolution adoptée en février 2018, a exprimé sa position quant à la directive de négociation sur l'accord de libre-échange. Notre assemblée appelait notamment les négociateurs à protéger nos indications géographiques ainsi que nos filières agricoles, en les intégrant au sein d'une enveloppe globale d'importations tenant compte de l'ensemble des accords commerciaux. Il convient néanmoins de souligner que, dans ce secteur, les échanges sont largement au bénéfice de la France et de l'Union européenne.

En outre, le Sénat a demandé que l'accord comporte un volet environnemental et social, et que le principe de réciprocité soit respecté en matière d'ouverture des marchés publics. Sur tous ces points, la position de négociation de la France est conforme à celle exprimée par la Haute Assemblée. Notre commission continuera d'assurer le suivi de ces recommandations au travers de son groupe de suivi des négociations commerciales, commun à la commission des affaires européennes et celle des affaires économiques.

Ce n'est donc pas notre sujet aujourd'hui, même si l'un des titres de l'accord-cadre, consacré à la coopération économique et commerciale, vise à renforcer la coopération, dans un cadre multilatéral, sur plusieurs questions telles que les normes sanitaires et phytosanitaires, le bien-être des animaux ou encore la propriété intellectuelle.

Comme je l'indiquais précédemment, cet accord-cadre est principalement de nature politique. À ce titre, l'Union européenne et l'Australie s'engagent à « renforcer [leurs] approches communes [...] et cerner les possibilités de coopération face aux défis et aux enjeux régionaux et mondiaux ». Le Livre blanc de politique étrangère australien de novembre 2017 précise qu'« une Union européenne forte reste essentielle pour les intérêts de l'Australie et sera un partenaire de plus en plus important pour protéger et promouvoir un ordre international fondé sur des règles ». Ce document souligne la nécessité de coopérer étroitement avec les États membres de l'UE sur plusieurs sujets tels que la lutte contre le terrorisme, la non-prolifération, le développement durable et les droits de l'homme.

Lors de son audition, Son Excellence Mme Gillian Bird, ambassadrice d'Australie en France, m'a rappelé l'attachement du gouvernement australien au multilatéralisme et aux stratégies française et européenne dans la région. En effet, les relations sino-australiennes sont aujourd'hui au plus mal, et cette escalade rend d'autant plus prégnante la nécessité d'une présence européenne pour assurer la stabilité régionale. Pour ce faire, la présence maritime coordonnée, fondée en août 2019, tend à rationaliser les opérations navales européennes dans la zone et à développer des coopérations avec les marines des États partenaires.

Dans le domaine de la sécurité, la France et l'Australie participent à des opérations communes dans la région Indopacifique : d'une part dans un cadre trilatéral, à travers le mécanisme FRANZ (France, Australie, Nouvelle-Zélande) qui intervient en cas de catastrophe naturelle ; et d'autre part, dans le cadre du Quadrilateral Defence Coordination Group, auquel participent les États-Unis, dont l'objectif est de coordonner l'effort de sécurité, prioritairement dans le domaine de la surveillance maritime. Enfin, les forces australiennes participent aux opérations de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'Union européenne.

Dans le domaine industriel, il est inutile de rappeler que Naval Group a remporté le « contrat du siècle » en Australie, qui consiste en la construction de douze sous-marins de classe Attack. Mais la coopération franco-australienne ne se résume pas à ce marché : elle doit être appréhendée dans sa dimension régionale, où la France doit défendre tant ses intérêts que sa souveraineté. Ces sujets seront d'ailleurs abordés par le Premier ministre australien à l'occasion de sa visite officielle qui débute aujourd'hui.

Notre stratégie dans l'Indopacifique concerne aussi la lutte contre le terrorisme et le développement des États insulaires ; ces champs sont précisément couverts par l'accord-cadre. Dans le domaine humanitaire, les parties réaffirment leur engagement en faveur du développement durable dans les pays en développement. L'initiative Kiwa, qui mobilise cinq bailleurs dont l'Australie et la France - à travers l'Agence française de développement -, a permis de lever 35 millions d'euros pour relever des défis communs tels que la protection de la biodiversité et l'adaptation au changement climatique.

L'accord-cadre consacre en effet une place importante au développement durable, dans son acception la plus large. Cette notion recouvre tout d'abord la lutte contre le changement climatique alors que l'Australie reste dépendante des énergies fossiles comme le charbon. Toutefois, depuis les incendies qui ont ravagé le pays il y a un an et demi, le Gouvernement a lancé un plan d'investissements dans les énergies à faible émission de carbone (éolien, solaire, hydrogène vert), et tous les États fédérés australiens se sont fixé un objectif de neutralité carbone d'ici à 2050. La notion de développement durable est également abordée sous l'angle de la responsabilité sociale visant à réduire la pauvreté et à lutter contre les discriminations et l'exclusion.

Enfin, l'accord traite du renforcement de la coopération dans les domaines de la recherche et de l'innovation. La coopération scientifique et technologique franco-australienne est aujourd'hui bien développée ; elle mobilise des partenariats tant publics (universités, CNRS) que privés (Naval Group) pour rassembler leurs capacités de recherche afin de favoriser, par exemple, l'innovation dans les domaines de l'ingénierie et des technologies maritimes.

Pour conclure, l'accord-cadre renforcera le positionnement politique de l'Union européenne dans la zone indopacifique où il est important qu'elle reste engagée, notamment pour répondre à la présence et à l'influence grandissantes de la Chine. Cet accord est aussi important pour la France, seule véritable puissance européenne de l'Indopacifique, qui possède une connaissance fine de la zone et y dispose de moyens militaires permanents et de capacités de projection.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 15 avril dernier.

L'Australie a achevé son processus de ratification interne en septembre 2018, de même que vingt-trois États membres de l'Union européenne. Je précise néanmoins que l'accord-cadre est appliqué depuis le 4 octobre 2018, à titre provisoire, pour les seules dispositions relevant de la compétence de l'Union européenne, à savoir celles qui concernent le dialogue politique et la coopération au sein des organisations régionales et internationales.

L'examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 24 juin, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

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