Intervention de Françoise Gatel

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 27 mai 2021 à 9h35
Audition de M. Bruno Acar inspecteur général de l'administration chargé en 2020 d'un rapport pour le ministre de l'intérieur et la ministre en charge des collectivités territoriales sur « l'évaluation des politiques partagées entre l'état et les collectivités territoriales »

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, présidente :

Merci monsieur l'inspecteur, général. Je partage totalement votre point de vue. Je reviendrai tout d'abord sur la valorisation de l'évaluation. Actuellement, dans le secteur privé, notamment dans l'industrie et, de plus en plus, dans les services, la fonction de contrôle qualité est extrêmement valorisée. Elle est de plus en plus présente en raison des exigences des clients de ces entreprises. Je pense qu'évaluer une politique publique revient à procéder à ce contrôle de qualité, c'est-à-dire à un contrôle d'efficacité et de conformité par rapport à la loi, etc...

Par ailleurs, nous avons effectivement voté un certain nombre de dispositions en faveur de la formation des élus et avons retenu l'idée d'un catalogue de formations qui ferait partie du « bagage » culturel et technique que les élus se devraient d'acquérir. Nous devrons être très attentifs à ce que ce catalogue comporte un volet évaluation et je ne manquerai donc pas de le rappeler à Mme la ministre. En effet, pour avoir été la rapporteure de ces dispositions, je ne me souviens pas que cette nécessité de l'évaluation ait été mise en avant au cours des auditions que nous avons organisées à cette occasion.

Vous avez évoqué la distorsion entre la culture de l'évaluation et la capacité à la mettre en oeuvre selon la taille des collectivités. À mon sens, dans les petites communes, cette évaluation intervient lors des élections.

Vous avez également cité l'exemple de certaines collectivités où, lors des assemblées délibérantes, les évaluations et les décisions qui en découlent sont présentées les unes à la suite des autres. Cela fait écho à un rapport qui a été présenté au Sénat sur la démocratie participative. Dans ce cadre, nos collègues rapporteurs ont bien exprimé l'enjeu d'un diagnostic partagé. Nos concitoyens doivent ainsi être associés à la compréhension de la complexité des choses pour pouvoir ensuite accepter les décisions prises par les élus, même si celles-ci ne correspondent pas à leurs attentes. Ces décisions seront légitimées parce que le diagnostic aura été partagé en amont. Il me semble que cette remarque s'applique également à la démarche que vous évoquez et à l'enjeu de l'évaluation en termes de démocratie.

Comme Bernard Delcros l'a souligné, l'échelon pertinent d'une évaluation varie en fonction des politiques publiques concernées. Selon les cas, cet échelon peut se situer au niveau des bassins de vie, de certains espaces départementaux ou du département lui-même. Le département possède en particulier une compétence sociale extrêmement forte qui s'articule parfois avec des compétences de l'État.

Vous avez évoqué à ce sujet la nécessité de sortir du périmètre administratif pour se focaliser sur les bassins de vie. Par exemple, au sein de mon département, l'Ille-et-Vilaine, en raison du bassin de vie qu'elle couvre, une communauté d'agglomération se situe à l'intersection de trois départements et de deux régions. En l'occurrence, l'évaluation d'une politique croisée devra donc s'opérer à cette échelle.

Par ailleurs, il est nécessaire que l'évaluation soit faisable, établie, programmée et systématique, et qu'elle soit gérée par un opérateur neutre pour éviter que la région ou le département en question ne s'autoévalue. Dans le même temps, il convient de déterminer quelle est l'entité qui dispose de l'autorité pour mener cette évaluation et qui est en mesure de mobiliser les moyens nécessaires.

Dans le cadre de la loi 4D, les départements et les régions ont la capacité de faire appel à la Cour des comptes. Puisque tous les acteurs (État, régions, départements, établissement public de coopération intercommunal - EPCI -) sont présents au sein de la CTAP, il me semblerait intéressant que cette instance soit chargée de la définition d'un programme d'évaluation des politiques croisées. En effet, la définition de ce programme me semble devoir être coordonnée et cooptée.

Reste également à savoir qui sera responsable de sa mise en oeuvre et de son exécution. Devraitil s'agir du préfet ? Dans tous les cas, ce maître d'ouvrage ou cet exécuteur devra être en mesure de mobiliser les services des uns et des autres. Il devra par exemple être à même d'ordonner à l'INSEE, aux CESE ou aux régions de fournir les éléments nécessaires. Ne serait-ce pas à ce niveau que la Cour des comptes devrait intervenir et jouer un rôle d'opérateur ? Dans ce cadre, les chambres régionales des comptes n'exerceraient pas uniquement une fonction de contrôleur, mais également d'évaluateur tout en ayant le mérite d'être neutres et de posséder un savoir-faire dans ce domaine. Pour autant, chaque chambre régionale des comptes devra ordonnancer des priorités.

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