Intervention de John Billard

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 3 juin 2021 à 9h25
Table ronde relative aux « nouvelles technologies comme outils de lutte contre les déserts médicaux » en présence de m. christophe dietrich maire de laigneville oise et de m. john billard maire de le favril eure-et-loir

John Billard :

Merci de nous accueillir madame la présidente et de présenter notre combat. Je viens vous exposer mon projet en tant que maire de Le Favril, mais aussi secrétaire général de l'association des maires ruraux de France (AMRF), en charge des questions numériques.

Il existe une suite logique dans la démarche numérique et celle de la télémédecine. Pour autant, le projet a également été mené pour résoudre une problématique de désertification médicale. Il a été lancé en 2017, bien avant la pandémie de la Covid et les conditions qu'elle a imposées. Ce projet, mené avec la Caisse des dépôts et consignations, concernait un bassin de vie de 5 000 personnes autour de ma commune, dans lequel les médecins étaient présents. L'idée n'était donc pas de les remplacer, mais de compléter l'offre médicale déjà existante. L'objectif était de donner accès à un médecin, de disposer de toutes les garanties d'un véritable outil de consultation, et enfin de réduire les distances pour rejoindre un service des urgences, ma commune étant située à 35 km de l'hôpital le plus proche. En octobre 2017, j'ai présenté à mon conseil municipal un projet pour un accès à la télémédecine dans notre commune. Après un long débat, avec le vote d'une majorité mais sans unanimité, j'ai lancé l'expérimentation. J'ai également souhaité que ce projet soit porté et accompagné par l'Agence régionale de santé (ARS) après une étude préalable de la Caisse des dépôts sur l'état de la présence médicale dans mon département. Je souhaitais apporter une solution pour les communes très rurales, ce qui a provoqué des discussions et des négociations durant deux années avec l'ARS ; je veux d'ailleurs remercier la préfète Sophie Brocas pour son soutien.

Le projet a fini par aboutir. Le principal travail avec l'ARS a été l'organisation d'une téléconsultation médicale, via une cabine H4D, qui ne nécessite pas la présence d'un professionnel de santé. L'idée de l'expérimentation était de monter un projet qui vienne compenser une désertification médicale avec une absence de pharmaciens et d'infirmiers. L'ARS souhaitait, à terme, monter un projet de 3 000 cabines H4D en France.

À l'été 2019, de nombreuses discussions ont eu lieu avec le ministère de la santé ainsi que Nicolas Revel, le président de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), concernant d'une part le remboursement des téléconsultations médicales, d'autre part les difficultés à consulter un médecin dépendant d'une autre Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) que celle de son territoire d'habitation. La cabine a finalement été achetée par ma commune afin de faciliter l'obtention de financements et de subventions de l'État, du département et de mon intercommunalité.

Pour le fonctionnement, les rendez-vous sont pris par téléphone (43 %) ou sur le site internet de la commune (57 %). Chaque patient remplit un questionnaire de satisfaction afin de mesurer l'appétence de la population à utiliser la télémédecine. La crainte de certains maires est que le développement de la télémédecine se fasse au détriment de la venue de médecins sur leur territoire. Ma conviction actuelle est que l'un vient compléter l'autre. La particularité de notre projet est que la secrétaire de mairie accompagne le patient jusqu'au local de télémédecine, et lui explique le déroulement de la consultation avant de le laisser avec le médecin. L'ARS s'est d'ailleurs inquiétée de la possibilité d'absence de la secrétaire de mairie. J'ai donc été formé moi-même ainsi qu'une adjointe pour l'accompagnement et l'entretien de la cabine, car le protocole sanitaire entre chaque patient est très strict. Nous avons été formés par la société H4D pour effectuer ce protocole. Le patient insère sa carte vitale, effectue sa téléconsultation et reçoit son ordonnance. L'ARS m'avait promis un financement des heures supplémentaires de la secrétaire de mairie afin de disposer de créneaux d'ouverture plus larges que ceux de la mairie, mais n'a pas donné suite.

Cent trente téléconsultations ont été réalisées depuis 2019, avec des pics de fréquentation lors de l'absence et des vacances des médecins libéraux du secteur. Les patientes féminines sont majoritaires, et 36 % des patients ont plus de 60 ans, preuve de l'absence de barrière générationnelle. La jeune génération n'est cependant pas présente, bien qu'elle ne dispose pas de médecins référents sur le territoire. 96 % des patients se disent « très satisfaits » et « prêts à recommander la téléconsultation ». 80 % des patients estiment l'utilisation de la téléconsultation « très claire », et 84 % indiquent « oublier la distance avec le docteur après quelques secondes ». 72 % soulignent se déplacer à la téléconsultation car leur médecin est indisponible, et 9 % déclarent ne pas avoir de médecin référent. Les motifs de déplacement sont à 50 % pour des événements isolés, 25 % pour du suivi médical et 25 % pour du renouvellement de médicaments.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion