Nous voici de nouveau réunis pour l'examen d'un projet de loi de finance rectificative (PLFR), quelques semaines après avoir donné notre avis sur un décret d'avance de 7,2 milliards d'euros. Nous avions pris l'habitude de « sortir des milliards » pour soutenir l'économie et assurer la solidarité nationale. Espérons que ce texte sera bien celui de la sortie de crise avec un soutien en faveur des entreprises encore touchées par les dernières contraintes et une pleine mise en oeuvre du plan de relance.
Examinons d'abord la trajectoire de croissance qui, si elle se confirme, reste toutefois modérée et fragile.
Le projet de loi de finances rectificative réajuste la prévision de croissance du PIB en volume de 6 % à 5 %. Toutefois, malgré cette révision et comparativement à l'année 2019, le niveau d'activité sera plus important que ce qui était prévu initialement. En effet, la récession en 2020 ayant été moins forte qu'escompté, la « rampe de lancement » du PIB en 2021 s'en trouve plus porteuse.
La prévision du Gouvernement a été qualifiée de « réaliste » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui rappelle, toutefois, qu'elle a été établie alors que demeurent un grand nombre d'incertitudes sur le plan macroéconomique. En tout état de cause, elle se situe dans la fourchette basse des prévisions publiées par diverses institutions, notamment la Banque de France, ce qui peut s'assimiler à une certaine prudence. Cela peut se comprendre compte tenu du nombre d'aléas qui pèsent sur la reprise d'activité dans notre pays. Je pense, par exemple, aux inconnues que constitue le niveau de liquidités et de solvabilité des entreprises au sortir de cette crise ou, encore, à l'ampleur de la reprise du commerce international et du tourisme.
À l'inverse, plusieurs signaux positifs nous permettent d'envisager une croissance plus importante que celle qui a été retenue par le Gouvernement. Je pense, plus particulièrement, à l'indice de confiance des ménages et à l'indicateur du climat des affaires qui étaient, au mois d'avril à des niveaux comparables ou supérieurs à ceux que nous avions connus avant la crise.
Néanmoins, même en retenant les hypothèses les plus optimistes, la reprise française reste modérée par rapport à celle de nos partenaires.
Certes, d'après les prévisions de croissance de la Banque de France, nous reviendrions, en 2022, au niveau d'activité de 2019, que nous dépasserions même de 1,2 %. Toutefois, nos partenaires pourraient faire mieux, la zone euro serait à 2,1 % au-dessus du niveau d'activité de 2019, et l'Allemagne à 2,5 %.
Je souhaite dire quelques mots sur les deux phénomènes que sont la reprise de l'inflation et la remontée sensible du taux des obligations souveraines. Compte tenu des inquiétudes légitimes qu'ils suscitent, je m'attellerai à répondre à trois questions. D'abord, quelle est l'ampleur du phénomène ? Ensuite, comment s'explique-t-il et faut-il considérer qu'il procède de causes durables ? Enfin, quels risques emportent-ils pour la soutenabilité de nos finances publiques ?
Depuis la fin d'année 2020, le taux d'inflation a augmenté en France, pour s'établir à + 1,8 % en mai 2021. L'inflation sous-jacente, qui exclut les produits dont les prix sont les plus volatils ou administrés et qui permet d'apprécier la tendance de fond de l'économie, augmente également, pour s'établir à + 1,1 %.
Pour autant, quelle est l'ampleur de ce phénomène ?
Il est en réalité assez limité si l'on s'intéresse plutôt à l'évolution de l'indice des prix à la consommation lui-même.
Ainsi, l'indice des prix est resté quasiment plat pendant la majeure partie de la crise sanitaire. La demande adressée à l'économie a chuté, ce qui a limité les pressions inflationnistes. Au final, le niveau de l'indice des prix se situe en dessous de ce qu'il aurait pu être si la Banque centrale européenne (BCE) avait atteint son objectif d'inflation d'environ 2 % par an depuis janvier 2019.
Quelles sont les causes de cette reprise de l'inflation et sont-elles durables ? Plusieurs causes ont été évoquées.
La première d'entre elles est celle d'un « effet base » : les prix ont baissé ou stagné en 2020 sous l'effet de la baisse de la demande, mais aussi de mesures telles que le chômage partiel, qui a réduit les coûts salariaux, ou encore l'allégement de TVA en Allemagne. Lorsque ces dispositifs s'éteignent, les prix ont tendance à revenir à leurs niveaux antérieurs, ce qui, mécaniquement, accélère l'inflation.
La seconde cause est liée aux tensions d'approvisionnement en matières premières ou d'intrants spécifiques dans les secteurs notamment de la métallurgie, du bâtiment ou de l'électronique. En effet, les chaînes de valeur sont encore perturbées par la crise sanitaire et les restrictions qu'elle induit.
En tout état de cause, ce phénomène ne semble pas présenter de caractère durable. Selon la Banque centrale européenne, si l'inflation peut bien atteindre + 1,9 % en 2021, elle ralentirait, pour s'établir à + 1,4 % en 2023.
Pour mémoire, la cible d'inflation de la BCE se situe à 2 % : le risque principal dans la zone euro et en France n'est pas une accélération de l'inflation, mais, à l'inverse, la persistance d'une inflation faible.
Quels risques cette inflation emporte-t-elle pour nos finances publiques ?
En cet instant, j'estime que les risques sont modérés. En effet, l'inflation se traduit à court terme par une augmentation des recettes publiques plus importante que celle des dépenses. En conséquence, elle participe à améliorer le solde, ce qui pourrait être bienvenu en 2021. Elle se traduit également par une hausse de la charge de la dette indexée, laquelle augmentera d'ailleurs de 1,9 milliard d'euros en 2021. Ce n'est pas négligeable, mais cela ne modifie pas la trajectoire de réduction de la charge de la dette par rapport au PIB, lequel augmente, lui aussi, avec l'inflation.
En parallèle de la hausse de l'inflation, on a pu constater depuis le mois de janvier dernier une hausse soutenue du taux d'intérêt nominal des obligations françaises. En effet, pour l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans, le taux a augmenté de 51,2 points de base entre janvier et juin 2021.
Mettre à jour les causes sous-jacentes aux variations de taux d'intérêt reste un exercice périlleux et, pour cette raison, je n'évoquerai ici qu'une seule hypothèse évoquée par la BCE.
Pour cette institution, la variation des taux des actifs sans risque en zone euro résulterait principalement des anticipations d'inflation des investisseurs. Les taux d'intérêt réels, minorés de l'inflation et du risque emprunteur, resteraient, quant à eux, négatifs. Toutefois, la BCE précise que ce serait peut-être moins les anticipations d'inflation qui pousseraient les taux à la hausse que l'incertitude sur la solidité de ces anticipations. En d'autres termes, dans un contexte d'incertitude élevée s'agissant du niveau d'inflation à venir, les investisseurs demanderaient une rémunération plus importante pour se prémunir contre ce risque.
Dans cette hypothèse, on peut dès lors penser que la sortie progressive de la crise devrait permettre d'ancrer plus fortement les anticipations d'inflation, ce qui réduirait la pression à la hausse des taux d'intérêt. Dès lors, il ne faut pas, me semble-t-il, s'alarmer excessivement de cette remontée des taux. D'abord, celle-ci semble assise sur un phénomène temporaire. Ensuite, les taux réels ou nominaux négatifs constituent une anomalie et traduisent autant la faiblesse de notre croissance potentielle qu'ils désincitent à adopter une gestion plus efficiente de nos finances publiques. Enfin et surtout, la hausse des taux à laquelle nous assistons et qu'anticipent d'ailleurs les marchés financiers est bien moins importante que ce que prévoit le scénario gouvernemental.
Venons-en à la reprise et à la relance.
Tout en invitant à une certaine sérénité quant à l'augmentation de l'inflation et des taux d'intérêt, je considère, comme je l'ai indiqué, que la reprise économique est fragile. Aussi, il convient de ne pas accentuer cette fragilité en ratant la sortie des mesures de soutien et la relance.
La France a mobilisé un effort substantiel pour soutenir son tissu économique et éviter la destruction durable de nos capacités de production et des emplois. En 2021, ce sont près de 44 milliards d'euros qui ont été engagés ou prévus au titre des mesures de soutien dont, par exemple, 22,2 milliards d'euros pour le fonds de solidarité et les autres aides directes et 11 milliards d'euros pour l'activité partielle. À cela s'ajoute la garantie de l'État à l'octroi de prêts ou au profit de véhicules d'investissement en quasi-fonds propres.
Aussi, avec ce PLFR, nous devons préparer la sortie des mesures de soutien et, j'y insiste, le passage plein et rapide à une logique de relance.
Il faut évidemment sortir intelligemment des mesures de soutien, c'est-à-dire en tenant compte du fait que certains secteurs restent encore affectés par la crise sanitaire. Cela peut s'expliquer par le maintien de mesures de restriction - c'est le cas du tourisme international -, mais aussi par la persistance de difficultés d'approvisionnement dans l'attente d'un plein retour à la normale.
Il faut donc sortir d'une économie « sous perfusion », tout en continuant à soutenir ceux qui doivent l'être et en passant pleinement à une logique de relance.
Certains dispositifs me semblent aller dans le bon sens.
L'assouplissement du carry back, report en arrière des déficits des entreprises au titre de l'impôt sur les sociétés, a déjà été adopté par le Sénat dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et constituera un utile soutien pour les entreprises qui auront besoin de soulager leur trésorerie.
De même, l'ajustement du dispositif d'allégements de cotisations sociales, qui passe d'un mécanisme de soutien sous condition de perte d'activité à un dispositif élargi au plus grand nombre, mais sur une période de temps plus courte, est positif.
En revanche, le soutien à la solvabilité des entreprises doit être une priorité si l'on souhaite assurer pleinement la relance, et le renforcement des fonds propres doit être favorisé.
Je vous proposerai donc, conformément à l'une de mes recommandations dans le rapport d'information sur la sortie des prêts garantis par l'État (PGE), d'introduire un allégement fiscal temporaire en faveur du renforcement des fonds propres des entreprises.
Il me semble que l'urgence voudrait que le Gouvernement engage également pleinement le plan de relance. Comme je l'ai déjà indiqué, le plan de relance français présente un caractère intermédiaire compte tenu de son coût rapporté au PIB.
Au titre de l'année 2021, les crédits ouverts au titre du plan de relance, mais également du plan d'investissement d'avenir et des autres dépenses assimilées de l'État, s'élèvent à 26,8 milliards d'euros. Or, sur ce montant, d'après les données qui m'ont été transmises, seuls 3,6 milliards d'euros de crédits de paiement ont été consommés fin avril. C'est trop peu, et il faut aller beaucoup plus vite avant de se demander s'il faudrait prévoir davantage.
Il en va de même concernant le volet européen du plan de relance, qui consiste en un ensemble d'actions éligibles à un financement équivalent à 40 milliards d'euros. Celui-ci devrait être validé aujourd'hui par la Commission européenne. Quoi qu'il en soit, nous pourrions avancer ce coût avant d'être remboursés par la suite par l'Union européenne.
Avant de passer à l'analyse du budget de l'État, je souhaite, comme il est d'usage, dire quelques mots sur l'état des finances publiques, toutes catégories d'administration confondues. Cela ne vous surprendra pas, le constat ressemble à celui que nous avions dressé pour 2020. Après cette crise, notre solde public est fortement dégradé.
Le PLFR conduit à réviser à la baisse la trajectoire du solde public : de 8,5 points de PIB, comme prévu en loi de finances initiale, le déficit passerait à 9,4 points, pour atteindre 228,4 milliards d'euros. La dégradation du solde public par rapport à la loi de finances initiale s'élève, en valeur, à 33,9 milliards d'euros.
Elle résulte, d'abord, d'une hausse des dépenses de l'ordre de 24,9 milliards d'euros opérée entre la loi de finances initiale et le programme de stabilité. Nous verrons de façon plus détaillée, dans mon analyse portant sur le budget de l'État, comment les crédits ont évolué avant ce PLFR, que ce soit par voie de reports ou de décrets d'avance.
Ensuite, le solde s'aggrave en raison d'une augmentation de 13,9 milliards d'euros de dépenses par rapport au programme de stabilité. Elles permettront, notamment, d'abonder le fonds de solidarité, le dispositif de chômage partiel ou encore la prime à l'embauche et à l'alternance.
Cette dégradation apparaît presque sans effet sur le montant de la dette dont le volume diminuerait, par ailleurs par rapport à la prévision initiale, pour s'établir à 117,2 % du PIB.
La croissance des dépenses, hors charge de la dette et hors mesures de soutien et de relance, s'établirait à + 2,3 %. Ce taux de croissance est le même que celui qui a été constaté en 2019. Toutefois, si le Gouvernement n'a pas cherché à maîtriser l'évolution des dépenses, il n'a pas non plus vraisemblablement pris prétexte de la crise pour les laisser filer.
À l'inverse, je rappelle que le Gouvernement s'est engagé sur une trajectoire de réduction des déficits dans le cadre du programme de stabilité. Celle-ci prévoit, notamment, que nous reviendrions sous la barre des 3 % en 2027, ce qui impliquerait, je le rappelle, entre 41 et 68 milliards d'euros d'économies au cours du prochain quinquennat selon les hypothèses retenues.
J'ai eu l'occasion de dire que je soutiens la date proposée pour entamer cet effort - à savoir l'année 2023 - et le choix de passer par une maîtrise des dépenses. Je regrette, néanmoins, que le Gouvernement ne présente pas de stratégie crédible pour atteindre son objectif de baisse de dépenses, alors même que nos voisins européens devraient retrouver une maîtrise de leurs comptes publics sous la barre des 3 % bien plus rapidement que nous. Les règles de la gouvernance budgétaire européenne doivent être révisées d'ici 2023 et la France occupera bientôt la présidence de l'Union : ce n'est guère le moment de manquer de stratégie pour la consolidation dont nous faisons notre objectif.
Venons-en au budget de l'État et à ses ouvertures de crédit importantes.
Le déficit budgétaire s'élève à 220 milliards d'euros dans le texte adopté par l'Assemblée nationale : ce serait de loin le plus important jamais connu, bien au-delà des 178,1 milliards d'euros de l'année 2020. Le déficit s'aggrave de 46,7 milliards d'euros par rapport aux 173,3 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale. Les mesures du collectif ont moins d'impact sur le déficit que les reports de crédits. En effet, 28,8 milliards d'euros de crédits de la mission « Plan d'urgence », non consommés en 2020, ont été reportés à 2021 et contribuent désormais à la prévision de déficit.
Conséquence paradoxale, l'accroissement du déficit affiché par ce collectif budgétaire n'augmente pas l'endettement de l'État. En effet, l'État s'est endetté l'an dernier bien au-delà de ce qui était nécessaire, gonflant sa trésorerie qui financera à présent le surcroît de déficit de cette année. Ce phénomène illustre les « silences » de la loi de finances initiale, qui a retracé les ouvertures de crédits, mais pas les reports.
La comparaison de l'exécution budgétaire entre 2020 à 2021 montre que le déficit évolue pour l'instant de manière similaire. Dans ces conditions, un déficit de 220 milliards d'euros impliquerait que les dépenses soient beaucoup plus importantes au second semestre 2021 qu'au second semestre 2020, alors même que l'activité reprend et que les régimes d'aide diminuent. Il est vrai que certaines mesures de soutien ont été renforcées, mais les hypothèses du Gouvernement paraissent très prudentes : au-delà de quelques mécanismes tels que le carry back qui grèverait les recettes d'impôt sur les sociétés de 400 millions d'euros, ce budget est un budget de précaution et nous en verrons des exemples plus précis dans les ouvertures de crédit.
Le niveau exceptionnel des reports de crédits concerne donc la mission « Plan d'urgence », mais également les missions traditionnelles. La recapitalisation de la SNCF est emblématique du manque de lisibilité de la gestion budgétaire. Un montant de 4,1 milliards d'euros a été consommé sur le programme 358, qui devait permettre des prises de participations dans des entreprises soumises à la crise, bien que cette opération ait également été présentée comme une mesure du plan de relance. Or, la SCNF a immédiatement reversé ces fonds dans un fonds de concours de la mission « Écologie », qui ne sera reversé à SNCF Réseau que progressivement de 2021 à 2023. L'objectif est pertinent puisqu'il s'agit de renouveler le réseau, mais la technique employée ôte une partie de sa portée à l'autorisation parlementaire.
J'évoquerai rapidement les recettes, qui sont révisées à la hausse, de 3,1 milliards d'euros.
Les recettes fiscales nettes augmentent de 1,1 milliard d'euros. L'impôt sur le revenu et la TVA, notamment, profitent d'une réévaluation à la hausse des estimations de revenus en 2020 et de bonnes rentrées fiscales depuis le début de l'année.
Les recettes non fiscales sont en hausse de 1,2 milliard d'euros. En particulier, les prévisions de primes reçues par l'État au titre des prêts garantis par l'État (PGE) augmentent de 800 millions d'euros ; ces primes avaient été moins élevées que prévu à la fin 2020, donc il peut y avoir un effet de rattrapage.
Ces réévaluations en cours d'année n'ont rien d'extraordinaire et sont modérées par rapport aux ouvertures de crédits.
Le projet de loi de finances rectificative prévoit, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, l'ouverture nette de 20,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Ces ouvertures de crédit concernent très majoritairement les dispositifs d'urgence : nous sommes toujours dans un budget de crise, même s'il en accompagne la sortie.
Sur la mission « Plan d'urgence », les ouvertures de crédit sont de 9,8 milliards d'euros et concernent le financement du chômage partiel pour 2,2 milliards d'euros, le fonds de solidarité pour 3,6 milliards d'euros et la compensation à la Sécurité sociale des allégements de prélèvements pour 4 milliards d'euros. Ces programmes ont eu des ouvertures de crédit dans la plupart des lois de finances rectificatives en 2020.
En 2021, le chômage partiel a été jusqu'à présent financé principalement sur les crédits de la mission « Plan de relance », mais ce n'est pas suffisant et il est nécessaire d'en recharger les crédits.
Le programme 358, créé pour accroître les participations de l'État dans des entreprises touchées par la crise, a été peu utilisé. À présent, le Gouvernement demande 2 milliards d'euros pour prendre des participations dans des entreprises non touchées par la crise, sur un nouveau programme 367 créé dans la mission « Économie ». Je regrette le manque d'informations qui entoure cette demande de crédits d'un niveau conséquent. Je vous proposerai un amendement pour maintenir une nécessaire vigilance sur ces opérations extraordinaires puisqu'elles nécessitent des crédits du budget de l'État.
Le programme 360, qui compense à la Sécurité sociale des allégements de prélèvements décidés l'an dernier, a reporté ses crédits non consommés en 2020 vers le fonds de solidarité. C'est pour cela qu'il est nécessaire de l'alimenter à nouveau afin de régler des arriérés.
Quant au fonds de solidarité, il a été alimenté par des ouvertures de crédits en loi de finances initiale, mais aussi et surtout par des reports de crédits non consommés en 2020 sur plusieurs programmes, ainsi que par le décret d'avance du 19 mai. Le projet de loi de finances rectificative propose d'ouvrir encore 3,6 milliards d'euros, qui s'ajouteront aux 9,6 milliards d'euros environ dont dispose aujourd'hui le fonds, alors que les besoins devraient diminuer dans les mois à venir. Le Gouvernement se montre manifestement très prudent dans ses estimations.
S'agissant de la mission « Plan de relance », le montant des crédits actuellement consommés est de 7,4 milliards d'euros en crédits de paiement, ou 3,8 milliards d'euros si l'on exclut les dépenses liées à l'activité partielle d'urgence et déjà décaissées, ce qui constitue un taux d'exécution de 18,1 % en crédits de paiement.
Les ouvertures de crédit portent principalement sur le rechargement, pour 4,2 milliards d'euros, des crédits du programme 364 « Cohésion » qui ont été utilisés depuis le début de l'année pour financer l'activité partielle d'urgence.
Par ailleurs, 500 millions d'euros environ sont ouverts sur le programme 363 « Compétitivité », mais une annulation du même montant en autorisations d'engagement est prévue sur le projet « Hydrogène du futur » de la mission 362 « Écologie ». Il faut donc se demander quel est le financement, et donc l'avenir, de ce projet important de développement de l'hydrogène vert, qui devait être doté de 2 milliards d'euros sur deux ans. Vous constaterez donc avec moi combien les parcours de l'ouverture de ces crédits peuvent être sinueux.
Les autres ouvertures de crédit rejoindront les préoccupations de certains rapporteurs spéciaux.
Sur l'hébergement d'urgence, la ministre chargée du logement elle-même nous avait annoncé un abondement de 700 millions d'euros, très supérieur aux ouvertures de crédits des années précédentes, mais peut-être insuffisant au regard des besoins que Philippe Dallier a décrits devant notre commission.
Le monde agricole a été atteint par plusieurs crises cette année, notamment un épisode de gel tardif et une nouvelle épidémie de grippe aviaire. Ce projet de loi de finances rectificative ouvre 350 millions d'euros, mais on sait d'ores et déjà que d'autres crédits seront nécessaires, probablement dans le collectif de fin d'année.
La Nouvelle-Calédonie nécessite également une aide d'urgence à hauteur de 82 millions d'euros, notamment en raison des dépenses occasionnées par le protocole sanitaire strict.
Quelque 150 millions d'euros sont ouverts pour financer des bourses sur critères sociaux sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », également concernée par des redéploiements depuis le programme d'investissements d'avenir (PIA).
Sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative », 130 millions d'euros vont soutenir le nouveau « Pass Sport » ainsi que la mise à disposition d'équipements sportifs.
Enfin, l'Assemblée nationale a augmenté de 5 millions d'euros les crédits de la mission « Culture » au titre du soutien au monde du spectacle vivant, touché par les privations de recettes.
En dehors des missions « traditionnelles », le Gouvernement, dans le cadre de ce budget « de précaution », souhaite alimenter à hauteur de 1,5 milliard d'euros l'enveloppe des dépenses accidentelles et imprévisibles. Une fois de plus, alors que les programmes du plan d'urgence sont assez largement dotés, il demande des crédits dont le Parlement ne connaîtra l'utilisation qu'a posteriori. Je considère qu'on ne peut pas donner ainsi l'impression de faire des « chèques en blanc » au Gouvernement. Après les nombreux reports et mouvements budgétaires opérés, alors que, depuis 15 mois, l'unité de vote semble être devenue la dizaine de milliards d'euros : nous devons rester vigilants. Je vous proposerai donc un amendement pour réduire à 500 millions d'euros cette augmentation de la dotation pour dépenses accidentelles. Cela aura du moins le mérite de montrer au Gouvernement que tout n'est pas permis, que nous restons attentifs et qu'il est nécessaire d'entendre le ministre à ce sujet.
La charge de la dette augmenterait de 1,9 milliard d'euros, en raison de la reprise de l'inflation qui affecte les obligations indexées. En sens inverse, les appels en garantie sur les PGE sont prévus à un niveau moins élevé de près de 1 milliard d'euros qu'en loi de finances initiale.
Les annulations de crédit, quant à elles, portent en grande partie sur des crédits mis en réserve, ainsi que sur certains dispositifs pour lesquels des sous-consommations sont à prévoir.
Enfin, en dehors du budget général, il faut noter une nouvelle augmentation de 200 millions d'euros des avances au budget annexe « Compte et exploitation aériens », les prévisions de trafic faites en loi de finances initiale ne pouvant pas être atteintes, comme l'avait déjà noté Vincent Capo-Canellas.
Voilà pour la présentation générale de ce projet de loi de finances rectificative, qui propose avant tout de prolonger les dispositifs de soutien pour aider à la sortie de crise. Je resterai très vigilant sur l'usage qui en est fait et je considère qu'il ne faut pas que l'on s'habitue à laisser trop de marge budgétaire au Gouvernement. La crise est, je l'espère, derrière nous, la « valse des milliards » aussi ! Dans cette optique, outre l'amendement consistant à supprimer 1 milliard d'euros ouverts au titre des dépenses accidentelles et imprévisibles, je vous propose de prolonger sur 2021 l'obligation pour le ministre de l'économie de nous informer, le président de la commission et moi, avant toute opération réalisée au titre des participations financières de l'État et sur des crédits ouverts sur le budget général.
Du côté des mesures fiscales, ce texte porte essentiellement une mesure de carry back que la commission avait proposé au Sénat dès l'été dernier, sous l'impulsion de mon prédécesseur qui a bien raison de dire que le Sénat a souvent raison trop tôt. Nous ne pouvons donc qu'y être favorable, de même que sur la reconduction sur la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), dans ses nouvelles modalités. C'est la même chose pour la prolongation de l'octroi de garantie de l'État au titre des PGE qui s'inscrit dans l'accompagnement des entreprises dans la sortie de crise.
En revanche, je vous proposerai un amendement pour reporter au 1er janvier 2023 la suppression du tarif réduit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au gazole non routier (GNR). En effet, alors que cette date avait été annoncée par le Gouvernement, pour tenir compte en particulier du fait que les secteurs concernés ont été durement touchés par la crise et que les solutions alternatives à l'utilisation du gazole restent balbutiantes, les députés ont finalement retenu la date du 1er juillet 2022. Cela ne me paraît pas acceptable.
Je vous proposerai également, à titre temporaire, un mécanisme fiscal de déduction pour le capital à risque, qui entend neutraliser le biais fiscal en faveur de la dette et inciter les entreprises à améliorer leur situation financière en levant des fonds propres. Il met en oeuvre une recommandation de mon rapport « Comment réussir la sortie des prêts garantis par l'État ? » présenté le 12 mai dernier.
Pour inciter les entreprises à investir dans la transition écologique, même en temps de crise, je vous proposerai un amortissement accéléré sur douze mois des biens destinés à économiser l'énergie et des équipements de production d'énergies renouvelables acquis jusqu'à la fin 2022, assorti, pour les entreprises constatant une perte en raison de la crise sanitaire, d'une option pour monétiser immédiatement l'avantage fiscal.
Reprenant un dispositif que nous avons déjà adopté en loi de finances initiale, je vous proposerai également d'actualiser et de clarifier les seuils prévus pour les PME en matière d'imposition de leurs bénéfices, afin de les soutenir dans la relance de l'économie et de simplifier les règles du système fiscal.
Je vous proposerai aussi de porter le taux de la réduction d'impôt sur le revenu pour l'investissement dans les PME - dit dispositif « Madelin » - de 25 % à 30 % et faire de même pour le taux de la réduction d'impôt au titre des investissements dans les foncières solidaires chargées d'un service économique d'intérêt général, tout en prorogeant cette bonification jusqu'à la fin de l'année 2022 comme pour les autres entreprises visées par le dispositif « Madelin ».
Pour soutenir les entreprises qui ont rencontré des difficultés pour obtenir de l'aide ou qui ont été particulièrement touchées par les contraintes sanitaires, je propose, contrairement à ce que prévoit le Gouvernement, une exonération fiscale et sociale de l'aide à la reprise d'un fonds de commerce, sur le modèle de ce qui est prévu pour les aides du fonds de solidarité, auquel ces entreprises ne sont pas éligibles.
Dans la même idée, je vous proposerai un amendement de crédit pour financer un mécanisme de subvention pour les entreprises issues d'une création en 2020 et qui, à défaut d'avoir repris un fonds de commerce et en l'absence de tout chiffre d'affaires, ne font l'objet d'aucune aide actuellement, alors même qu'elles peuvent avoir consenti de lourds investissements initiaux. Cela me paraît juste qu'elles soient également aidées alors que pour elles, tout reste à faire pour trouver leur clientèle et qu'elles ont joué de malchance...
Concernant le dispositif d'aide au paiement des cotisations et contributions sociales prévu à l'article 9, je propose également de le prévoir pour les discothèques qui, après 15 mois de fermeture, devront se relancer à compter du 9 juillet prochain, avec une majoration de 20 % au lieu des 15 % retenus dans le texte. J'ai également un amendement qui sécurise juridiquement le dispositif de dégrèvement de taxe foncière adopté par l'Assemblée nationale, toujours pour les discothèques.
S'agissant du soutien du pouvoir d'achat des travailleurs, je propose que la limite du plafond permettant une exonération fiscale de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat puisse également être relevée à 2 000 euros pour les entreprises de moins de 50 salariés ayant mis en place un accord de participation volontaire, quelle que soit sa forme.
Pour soutenir les associations venant en aide aux personnes les plus défavorisées, je vous soumets aussi un amendement qui tend à proroger jusqu'à la fin 2022 le relèvement temporaire du plafond des dons éligibles à la réduction d'impôt sur le revenu de 75 % au titre du dispositif « Coluche ». Il s'agit ainsi de s'aligner sur la période prévue dans le projet de loi pour les dons aux associations cultuelles.
Concernant les collectivités territoriales, je vous proposerai de reconduire pour 2021 les « filets de sécurité » qui étaient prévus en 2020 pour certaines ressources spécifiques des collectivités d'outre-mer et de la collectivité de Corse, comme c'est le cas pour les autres dispositifs de droit commun.
Enfin, mes chers collègues, je vous annonce que la semaine prochaine, je vous présenterai un amendement qui vise à assurer de l'équité et le respect des engagements pris, en prévoyant une exonération fiscale des majorations exceptionnelles reçues par les internes des hôpitaux pour l'indemnisation de leurs gardes.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous proposerai d'adopter ce collectif budgétaire sous réserve de l'adoption des amendements que je vous ai présentés.