Ma question s'appuie sur les travaux de six mois effectués en 2018 par notre assemblée dans le cadre d'une commission d'enquête sur les forces de sécurité intérieure. Le sentiment d'une insuffisance de la réponse pénale est un facteur important de l'interrogation des policiers et des gendarmes. Nombreux sont en effet ceux qui, face à une réponse pénale jugée insuffisante, s'interrogent sur le sens même de leur mission. Le sentiment de démotivation qui en découle est particulièrement répandu au sein des effectifs de la sécurité publique, qui traite, en volume, l'essentiel de l'activité judiciaire. Les forces de sécurité intérieure vivent une vraie crise morale, dont une des causes est bien la relation avec la partie pénale et judiciaire. Elles ont le sentiment de passer leur temps à interpeller des personnes qui sont libérées avant même la fin de la procédure, et de faire l'objet de moqueries et d'humiliations, en l'absence de chaîne pénale cohérente. L'équipe dirigeante du Courbat, établissement de soins pour les états de burn-out et d'épuisement professionnel dédié aux personnels du ministère de l'intérieur, confirme l'impact de ce ressenti sur l'état moral des forces de sécurité intérieure, en constatant que l'absence de résultat pénal était souvent citée par les agents pris en charge comme l'une des raisons de leur dépression.
Cependant, on constate un mouvement d'aggravation des peines prononcées. Le quantum moyen d'emprisonnement ferme s'élève à un peu plus de huit mois - il n'a jamais été aussi élevé. Ferme sur le plan des condamnations, il semble que le système judiciaire français pêche en matière d'exécution des peines. Selon les chiffres communiqués, 44 % d'entre elles ne sont pas encore mises à exécution au bout de six mois, 18 % au bout de douze mois et 16 % au bout de 24 mois. Il arrive que l'on revoie dans la rue une personne peu de temps après son arrestation. Plus grave encore pour les forces de sécurité intérieure, lorsque la peine n'est pas totalement appliquée, elles doutent de leur utilité, de leur travail et de la façon dont la société le prend en compte.
Lors d'une table ronde organisée dans le cadre du Beauvau de la sécurité, le garde des sceaux était présent aux côtés du ministre de l'intérieur. La magistrature était représentée par le procureur de la République de Clermont-Ferrand, qui s'est attardé sur la disparition du rappel à la loi et par son remplacement, qui semblait l'inquiéter. Lors de cette table ronde, qui a duré cinq heures à peu près, le garde des sceaux a répondu à de très nombreuses questions de l'ensemble des syndicats et du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, en annonçant qu'il allait créer un poste de magistrat référent dans chaque juridiction, accessible à tous les enquêteurs, pour une meilleure relation de compréhension et d'explication sur l'ensemble de la procédure conduite par les magistrats, afin que les forces de sécurité soient mieux informées. Cette création d'un poste de magistrat référent est-elle suffisante pour répondre au sentiment général des forces de sécurité sur l'insuffisance de la réponse pénale ? Selon vous, quelles autres mesures pourraient être prises ?