Je partage ce qu'a dit mon collègue de Chalon-sur-Saône, non par corporatisme, mais parce que cela correspond au ressenti d'un parquetier de terrain. Il vous a d'abord répondu en mettant l'accent sur un constat : beaucoup de responsables de services de police judiciaire ou de gendarmerie ignoraient, jusqu'à une période très récente, le volume du stock d'affaires qu'ils avaient à traiter. Je me souviens que, lorsqu'un enquêteur était tombé en dépression nerveuse suite à un surmenage, j'avais demandé au commissaire de police quel était son plan de charge : il l'ignorait totalement. Il a fallu que l'on aille dans son bureau où nous avons découvert des quantités de procédures, dont certaines étaient prescrites ! C'est pourquoi, en ce qui concerne la police judiciaire, pour le ressort de la cour d'appel de Lyon, je faisais deux fois par an, avec les responsables, un examen des stocks. Pour progresser, il faut que, dès l'instant où la plainte est déposée, un enregistrement permette au procureur de la République de disposer d'un listing, actualisé quotidiennement, des plaintes qui sont déposées dans les différents services de police et de gendarmerie de son ressort.
En effet, ce fameux délai de deux ans repose sur un quiproquo. Qu'entend-on par enquête préliminaire ? Le moment où l'on commence à investiguer, où le délai qui commence à courir au moment où l'on dépose la plainte ? Après le dépôt d'une plainte, il s'écoule un certain nombre de semaines, pour ne pas dire de mois, avant que ne commencent les investigations. De plus, lorsqu'on envoie des procédures à l'autre bout du territoire, pour entendre des témoins par exemple, certaines ne reviennent jamais, faute d'un système de pointage informatique susceptible d'activer une alerte. Du coup, la prescription joue. Il y a donc un réel problème. Au-delà de deux ou trois ans non renouvelables, ce n'est plus tolérable, et si l'enquête n'a pas pu être faite, il faut passer à une information judiciaire. Un délai de trois ans et des prorogations successives éviteraient en fait de se pencher sur les causes réelles de ces retards.
J'étais très attaché au rappel à la loi, à l'instar de Marc Moinard qui en avait été l'instigateur. On pourrait changer son nom pour le conjuguer avec ce qui se fait au niveau des élus locaux, en le baptisant avertissement judiciaire. Cela montrerait bien que, dès lors qu'une infraction pénale est commise, il y a un avertissement de nature judiciaire, sous l'autorité du procureur de la République, diligenté dans une enceinte de justice, par un magistrat du parquet ou un délégué du procureur. On pourrait confier cette tâche à un juriste-assistant - c'est l'une des solutions au problème des moyens.