Je serais tenté de vous répondre positivement, en alignant cet avertissement sur l'admonestation vis-à-vis des mineurs. Le seul problème est que cet avertissement judiciaire ne serait pas homologué par un juge du siège, et qu'un casier judiciaire ne peut contenir que des décisions homologuées par un juge du siège : on verrait mal sur un casier judiciaire des mesures qui ont été prises par le parquet.
On maintiendrait le rappel à la loi sous la forme du rappel à l'ordre que diligentent les élus. Les choses seraient très claires. Le rappel à l'ordre peut se passer en dehors de la justice, dans une concertation, une construction conjointe entre le parquet et les élus locaux, parce que les municipalités sont très différentes les unes des autres : certaines sont très impliquées, d'autres sont quasiment indifférentes. Il serait réservé au traitement de l'infrapénal, des incivilités. Et l'avertissement judiciaire se situerait sur un plan différent. En tous cas, abandonner totalement le rappel à la loi me paraît très compliqué. Cela reviendrait au retour du classement sans suite pour poursuite inopportune - mais alors, la critique de nos concitoyens risque d'être sévère. On peut, comme certains parquets, s'orienter vers une augmentation sensible des compositions pénales et des ordonnances pénales. Il y a, à Béthune, un exemple absolument remarquable, avec des audiences d'ordonnances pénales en maison de justice ou au palais de justice. Le parquet propose une peine à un juge qui rédige une ordonnance pénale, et tous les auteurs sont convoqués à une audience où un délégué du procureur leur notifie l'ordonnance pénale. Cela exige une démarche des intéressés dans un lieu de justice, et on évacue ainsi un grand nombre d'affaires. C'est un très grand succès. Mais je reste attaché au rappel à la loi, en le transformant en avertissement judiciaire.
Comme ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, je comprends la préoccupation de Mme Tetuanui, tout en notant qu'elle ne s'étend certainement pas aux magistrats du parquet, car ceux-ci font l'objet d'une rotation que l'on contrôle. Mais le principe de l'inamovibilité des juges du siège fait que, dans certains territoires ultramarins, des juges ne sollicitent pas d'avancement, sont très bien là où ils sont et qui, ne faisant pas l'objet d'un comportement susceptible de justifier leur déplacement, demeurent en place. L'inamovibilité des juges, garantie de l'indépendance de la justice, fait que dans les territoires ultramarins, nous avons des juges qui sont là depuis des dizaines d'années...
On a cherché à se débarrasser de beaucoup de problèmes en nommant des référents. J'en suis revenu. Pour moi, dans un parquet, on se répartit les tâches, et les rapports avec la police ne concernent pas qu'une personne, mais l'ensemble des magistrats du parquet. D'abord, un procureur digne de ce nom doit réunir ses officiers de police judiciaire, de toute l'étendue de son ressort, plusieurs fois par an, pour faire le point et revenir sur les dossiers qui ont posé problème. C'est l'occasion, de mettre les cartes sur la table, et cela fait disparaître beaucoup d'incompréhensions.
Pour nos concitoyens, des efforts ont été faits dans le passé, mais, compte tenu de la surcharge des uns et des autres, ces efforts ont été complètement abandonnés. Je me rappelle des journées de la justice du ministre Jacques Toubon, ou des opérations « Éducation nationale - Justice » : on faisait venir une classe dans une audience correctionnelle, pour des affaires que pouvaient comprendre les élèves. Ceux-ci prenaient alors la mesure de la relativité des peines... Cette éducation à la citoyenneté, cette approche in vivo de la justice, était extrêmement importante. Je l'ai pratiquée en cour d'assises pendant des dizaines d'années. Ces opérations semblent avoir disparu...