Je réponds tout d'abord à Mme Canayer sur la surpopulation carcérale. Les chiffres sont assez clairs sur le sujet: avant la crise sanitaire, il y avait 71 600 détenus dans les prisons françaises. Il y a eu ensuite une diminution importante, due pour moitié à la baisse de l'activité judiciaire. Le 11 mai 2020, quelques jours après la levée du premier confinement, nous étions descendus à 58 720 détenus. Depuis, la population pénale n'a cessé d'augmenter. Actuellement, nous comptabilisons plus de 67 000 détenus, soit un taux d'occupation moyen de 111 % pour l'ensemble des établissements et 124 % pour les maisons d'arrêt. Nous sommes donc à 4 200 détenus en moins par rapport au début de la crise sanitaire, mais avec des taux d'occupation des maisons d'arrêt importants. En particulier, l'établissement pénitentiaire de Toulouse-Seysses présente un taux d'occupation pénale chronique de 167 %. Je tiens à souligner la mobilisation du personnel, et notamment du chef de cet établissement, qui a maintenu un niveau de prise en charge important pendant toute la crise sanitaire, dans des conditions extrêmement difficiles et suivant des règles sanitaires très strictes. Enfin, un établissement pénitentiaire supplémentaire sera construit en Haute-Garonne, permettant ainsi d'ouvrir 615 places supplémentaires en 2026.
Je ne partage pas totalement l'argumentaire d'Ivan Guitz sur les réductions de peines. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II, prévoit des réductions de peines automatiques, mal comprises par nos concitoyens et par le personnel pénitentiaire. En effet, quel que soit son comportement, la personne condamnée à dix ans de prison se voit attribuer vingt-et-un mois de réduction de peine dès le premier jour d'exécution de celle-ci. Sur une peine de vingt ans, nous arrivons à trois ans et trois mois. Il est difficilement compréhensible d'éroder la peine à ce point sans tenir compte de la personnalité du détenu. L'idée est donc de mettre en place, à partir de 2023, un régime unique de réduction de peines, avec des règles plus souples que celles aujourd'hui en vigueur. Concernant l'impact sur la population carcérale, il faut, selon moi, faire confiance au JAP. Certes, celui-ci devra examiner les efforts sérieux d'adaptation sociale, mais également la bonne conduite du détenu, qui comprend le respect des horaires, de la propreté des lieux, ou encore du personnel. Les magistrats tiendront également compte d'autres points, comme des efforts en termes d'indemnisation des parties civiles, de l'éventuel suivi d'un traitement médical, des activités scolaires, ou encore de la formation et du travail en détention.
Les établissements pénitentiaires sont aujourd'hui divisés entre les maisons d'arrêt, les centres de détention plutôt orientés vers la réinsertion, et les maisons centrales orientées sur la sécurité. Vous avez raison, il faut diversifier les modalités de prise en charge et renforcer les spécificités des établissements ; c'est pourquoi dans le plan « 15 000 places » est prévu le développement de structures d'accompagnement vers la sortie (SAS), réservées aux détenus en fin de peine, à hauteur de 2 000 places. Ces SAS permettront au détenu de bénéficier d'un suivi important par le SPIP, mais également du soutien des partenaires extérieurs comme la mission locale, Pôle emploi et les associations, afin de préparer la sortie et prévenir la récidive. Autant les services pénitentiaires d'insertion et de probation ont du temps à consacrer à la préparation de la sortie pour les personnes condamnées à de longues peines, autant si les courtes peines se multiplient, les CPIP auront du mal à prendre en charge ces personnes de manière satisfaisante. Il y a une véritable difficulté pour les SPIP à prendre en charge ces détenus, et il faut donc envisager une alternative à la détention pour ces très courtes peines.