Je n'ai pas entendu dire qu'il y ait un impact du Brexit sur le développement numérique de la Chancellerie. Je vais me renseigner. Je sais par contre que plusieurs décisions prises outre-Manche, en matière de mandats d'arrêt européen et de procédure civile, nous préoccupent.
M. Reichardt est alsacien, je le sais d'autant plus qu'il a écrit dans les Dernières nouvelles d'Alsace qu'il m'impute - à tort - la fin de la commission du droit local d'Alsace-Moselle. Tout le monde peut se tromper... Au contraire, j'ai tout fait pour restaurer cette commission, parce que je suis attaché au droit local d'Alsace-Moselle, comme j'ai eu l'honneur d'aller le dire à Strasbourg. J'avais d'ailleurs chargé la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, de piloter un certain nombre de réunions pour restaurer cette commission si chère au coeur des Alsaciens et des Mosellans. J'ai reçu en avril dernier un rapport proposant le rétablissement de cette commission sous un nouveau format, avec un rattachement au Premier ministre, une composition rénovée, des attributions et une organisation renforcées. Mes services travaillent actuellement à la rédaction du projet de décret, qui s'inspirera de ces préconisations. Un avant-projet sera soumis avant l'été à l'arbitrage du Premier ministre. Nous nous étions engagés à redonner vie à cette commission importante.
Vous m'interrogez sur les féminicides. Vous me posez une question singulière et infiniment délicate : aurait-on pu éviter ? On ne peut pas répondre à cette question, tant il est vrai qu'on ne peut pas réécrire l'histoire. On peut d'autant moins la réécrire que, par les temps qui courent, on a une vision de la justice exclusivement fondée sur le fait divers. On en demande davantage au ministère de la justice qu'il y a dix ou quinze ans : on lui demande non seulement de juger les crimes, mais aussi de les compter. Et chaque fois qu'un crime est commis, c'est la faute du ministère de la justice !
Pourtant, nous sommes au rendez-vous des efforts que nous avions promis de faire, qu'il s'agisse des téléphones grave danger, des bracelets anti-rapprochement ou des ordonnances de protection. J'ai dû recadrer les choses il y a peu, dans une circulaire, en disant en substance que les bracelets anti-rapprochement ne pouvaient pas rester dans les tiroirs : on en a augmenté l'utilisation de 100 %. Je m'en félicite. J'ai constaté également que des téléphones grave danger avaient été distribués par la Chancellerie. Sans doute sont-ils mieux utilisés que les bracelets anti-rapprochement parce que les magistrats se sont davantage emparés de cet outil, qui est aussi plus ancien. Parfois, aussi, la victime ne souhaite pas qu'un bracelet anti-rapprochement soit posé, il faut aussi le dire ! La plateforme qui centralise ces appels et ces alertes nous a communiqué des chiffres impressionnants. On évite beaucoup de crimes, beaucoup d'agressions, qui ne feront jamais la une des journaux. La Chancellerie a été au rendez-vous de ses obligations, légitimes, en distribuant ces outils dans toutes les juridictions, et en demandant aux juridictions qu'elles les utilisent, au mieux et au maximum.
Certes, l'inspection conjointe que nous avons demandée révèle un certain nombre de dysfonctionnements. Nous avons demandé s'ils étaient, ou non, constitutifs d'une faute déontologique. Nous aurons la réponse à la fin de ce mois. En tous cas, un certain nombre de dysfonctionnements ont été mis en lumière. Oui, il y avait un problème de coordination. Et le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice conduisent des travaux visant précisément à améliorer la prise en charge des victimes, notamment pour les faits de violence conjugale. C'est le ministère de l'intérieur qui pilote le dossier. Nous avons déjà une plateforme de signalement disponible pour les seules violences sexuelles et sexistes. Nous souhaitons l'élargir. Des travaux sont en cours. Le portail existant sera rebaptisé « plateforme nationale d'aide aux victimes », et son périmètre sera étendu à d'autres infractions. En tous cas, il est indispensable que les services se coordonnent davantage et qu'on ne laisse pas passer des informations capitales.
Aurait-on pu éviter ? Peut-on tout éviter ? On essaie, bien sûr, de faire au mieux avec ces outils, mais vous n'empêcherez jamais, malheureusement, un fou furieux de s'affranchir d'une injonction d'éloignement ou des règles que fixe un bracelet anti-rapprochement, et de contourner la protection du téléphone grave danger.
Il y a 1 992 points justice, madame Vérien, ce n'est pas une illusion, c'est une réalité. J'en ai visité, intégrés à France Services : il y a tout sur place. Ces points justice s'adressent à des gens défavorisés, fragiles. On y retrouve une sorte de délocalisation de la justice.